Guerre contre l'EI : pourquoi la France doit se doter d'un deuxième porte-avions

Voici un article de Challenges qui intéressera sans doute ceux qui se passionnent pour les questions militaires, stratégiques et géopolitiques… ou pas !

Pour le géopolitologue Jean-Sylvestre Mongrenier, il faut envisager la construction d’un deuxième porte-avions, « de sorte que l’une des « plates-formes » soit en permanence à la mer, ce qui augmenterait la capacité de la France à gérer des crises et à se projeter au Moyen-Orient ».

Alors que des forces diverses aux intérêts contradictoires sont lancées à la reconquête de Mossoul, les ministres de la Défense des puissances qui dirigent la coalition engagée contre l’Etat islamique se retrouveront à Paris, le 25 octobre prochain. Cette réunion appelle l’attention sur la place et le rôle de la France dans le déroulement des opérations militaires et les conditions d’exercice d’une politique de puissance, notamment sur le plan aéronaval et maritime.

Si les contours exacts de cette vaste coalition sont flous, avec des niveaux de participation variables selon les Etats, les forces françaises sont bien présentes et actives dans la bataille de Mossoul. Elles sont engagées dans les différentes dimensions de cette guerre, à terre, en mer et dans les airs. Sur le sol irakien, les armées françaises ont participé à la formation des unités irakiennes appelées à jouer le premier rôle dans la prise de Mossoul. Selon différentes informations, quelque trois cents membres des forces spéciales seraient déployés dans le nord de l’Irak, aux côtés de leurs homologues américains et britanniques.

Un dispositif militaire renforcé

A la suite des derniers attentats commis ou inspirés par l’« Etat islamique », les autorités françaises ont renforcé leur dispositif militaire en vue de la bataille de Mossoul. Montés sur des camions blindés, quatre canons Caesar de 155 mm ont été positionnés sur la base de Qayyarah, à 60 km au sud de Mossoul. Ils sont entrés en action le 18 septembre 2016. L’aviation est également de la partie. Elle collecte le renseignement nécessaire au ciblage (les « dossiers d’objectifs ») et bombarde les djihadistes. Pour ce faire, l’armée de l’Air dispose de deux bases, l’une en Jordanie, l’autre aux Emirats Arabes Unis, sur les rives du golfe Arabo-Persique. Depuis ces implantations, douze avions Rafale opèrent à l’échelle du Moyen-Orient.

Enfin, l’arrivée en Méditerranée orientale du porte-avions Charles-de-Gaulle a démultiplié la puissance de feu dans l’espace syro-irakien. Parti depuis Toulon, le 19 septembre 2016, le groupe aéronaval était « sur zone » onze jours plus tard. Dans l’intervalle, les 24 Rafale ont effectué des missions de renseignement au-dessus de la Libye et de la Syrie. Après une « escale d’alerte » à Chypre, dans le port de Limassol, le « capital ship » de la Marine française sera engagé dans la bataille de Mossoul, dont nombre d’experts disent qu’elle pourrait être longue et difficile.

Il faut insister sur l’importance du porte-avions comme moyen de puissance et sa contribution spécifique aux opérations. Comparable à une base aérienne mobile, cet « outil » confère la suprématie maritime et la supériorité aérienne à l’Etat capable de déployer un groupe aéronaval. L’aviation embarquée lui permet de projeter sa puissance, c’est-à-dire de frapper en profondeur, à l’intérieur de l’espace continental. Au plan politico-diplomatique, cet Etat développe une plus grande influence sur le cours des événements, dispose des moyens de participer de manière décisive à une coalition internationale et voit s’accroître son poids géopolitique.

Malheureusement, les Etats européens sont largement démunis. A l’instar de l’Espagne ou de l’Italie, certains ont investi dans des porte-aéronefs, un type hybride de bâtiment à mi-chemin entre le porte-hélicoptères et le porte-avions, mais qui ne représente pas le même capital de puissance. Les appareils embarqués sur les porte-aéronefs ont une capacité d’emport inférieure à celle des porte-avions. Moins chargés en kérosène et en bombes, ils ne disposent pas de l’allonge suffisante et de la puissance de feu requise pour frapper loin à l’intérieur des continents.

L’ancienne thalassocratie britannique elle-même a un temps fait l’impasse sur le porte-avions, lorsque le HMS Ark Royal et des chasseurs Harrier ont été mis hors service (2011). Après une vacance capacitaire de dix ans, le HMS Queen Elisabeth sera opérationnel en 2020 et il embarquera 24 F-35B. Après quelques hésitations, la mise en service d’un second porte-avions, le HMS Prince of Wales, a ensuite été confirmée. Il ne s’agit plus de petits porte-aéronefs, conçus pour protéger les convois dans l’océan Atlantique, mais de grands porte-avions capables de mener de longs raids aériens vers des cibles terrestres. Ce programme restaure donc la capacité aéronavale du Royaume-Uni.

Un second porte-avions pour la France

Avec le Charles-de-Gaulle, la France défend son rang et conserve des capacités de premier ordre. D’une taille et d’un tonnage inférieurs au HMS Queen Elisabeth (261,5 mètres et 42.500 tonnes, contre 280 mètres et 65.000 tonnes), le porte-avions français embarque le Rafale, un appareil dont l’autonomie et la capacité d’emport sont supérieures à celles du F-35B, un avion à décollage court et appontage vertical, les bâtiments britanniques n’étant pas gréés de catapultes. Le problème réside dans la possession d’un seul porte-avions, contraint à de longs arrêts techniques du fait de sa propulsion nucléaire. Pendant ces intermittences, de nouvelles crises sont susceptibles de se produire, prenant la France au dépourvu.

A l’évidence, il faut envisager la construction d’un deuxième porte-avions, de sorte que l’une des « plates-formes » soit en permanence à la mer, ce qui augmenterait la capacité à gérer des crises et à projeter sa puissance, au Moyen-Orient comme sur d’autres théâtres. Il ne s’agit pas de satisfaire une forme d’égotisme national ou d’ouvrir une vaine querelle de prestige. Alors que les Etats-Unis redistribuent une partie de leurs moyens navals vers l’Asie-Pacifique, l’enjeu consiste à « partager le fardeau » de la sécurité transatlantique et renforcer la défense de l’Europe.

De fait, l’environnement stratégique de l’Europe se durcit. Depuis l’Arctique et la Baltique jusque dans le bassin pontico-méditerranéen (mer Noire et Méditerranée orientale), les forces occidentales sont confrontées à des stratégies anti-accès qui visent à interdire l’ouverture vers ces espaces maritimes. Au plan mondial, les puissances dites « émergentes » accroissent leurs capacités navales et se contestent le principe de liberté des mers, au fondement du mode de vie des « sociétés ouvertes ». Avec quatre porte-avions, l’Europe disposerait en permanence d’un groupe aéronaval. Elle aurait la capacité d’imposer le respect de ses intérêts sur l’océan mondial et pèserait dans les équilibres planétaires.

En raison de leur passé maritime et leur héritage géopolitique, il appartient à la France et au Royaume-Uni, puissances atlantiques liées par les traités de Lancaster House (2010), d’assurer en coordination cette permanence. Si les intérêts liés aux phénomènes de circulation sont très concrets, les enjeux sont plus vastes encore. L’ouverture sur le « grand large » est consubstantielle à l’histoire de l’Occident et une Europe recroquevillée sur son aire continentale, illusionnée quant aux vertus protectrices de ses « anciens parapets », serait infidèle à elle-même.

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Paris VIII) et chercheur associé à l’Institut Thomas More

http://www.challenges.fr/tribunes/guerre-contre-l-etat-islamique-pourquoi-la-france-doit-se-doter-d-un-deuxieme-porte-avions_434771

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19 Comments

  1. 10 porte-avions ni changeront rien !
    Le ver est dans le fruit !
    Il faut se préparer à des combats au corps à corps avec des fanatiques qui sont bien décidés à nous soumettre !
    Le rétablissement de vraies frontières, la reprise en main de notre destin, la réinformation et la réécriture de nos manuels d’histoire seront plus efficaces que ces énormes puissances de feu budgétivores qui ne sont absolument pas adaptées aux périls encourus …

  2. Gaby22 BRAVO vous avez raison et c’est ce que j’ai dit depuis fort longtemps mais direct sur la Mecque en Arabie saoudite et surtout attendre quand tout ces lève culs feront le voyage pour y aller et seront de tout les autres pays dans cette région et ça fera plusieurs millions d’un coup en moins et enlever et nettoyer de la planète .

  3. Combien de missions navales ou aériennes depuis sa mise à la flotte?
    Combien de batailles navales en mer? Combien de victoires à son actif?
    Qui en ont été les bénéficiaires?
    Combien cela â t’il coûté à la France sa participation??
    Pourquoi ce magnifique et impressionnant porte avion n’est pas intervenu pour protéger nos cotes maritimes et sauver le pays, de ces abordages quotidiens de millions d’envahisseurs dans un État déclaré officiellement en guerre?
    Que cherche t’on à nous faire gober…
    Villeneuve, et Spipou suis entièrement d’accord avec vous.
    Il ne m’est pas utile d’avoir des connaissances ou compétences militaires pour comprendre que l’urgence est de se préoccuper de ce qui se passe dans notre pays et se préparer à une explosion dangereuse de guerre civile.
    Â quoi sert t’il d’aller se mêler des conflits extérieurs pour préserver des intérêts économiques si nous-mêmes sommes en danger d’être tous exterminés et si la France et l’Europe se transforment en Eurabia et s’islamisent ??
    Que feront 2 portes avions en cas d’agressions de la Turquie ou autres malades que nous avons déjà nous-mêmes sur équipés et sur entraînés??
    Que feront ces portes avions en cas d’attentats chimiques ou nucléaires ??
    L’OTAN, est surbookée avec ses préparatifs de guerre froide avec la Russie.
    Cessons de nous voiler la face et nous laisser transporter d’illusions, il est grand temps d’ouvrir les yeux.

  4. Pas besoin de porte avion , un bonbardier un survol du continent ,une bonbinette nucléaire et le travail est fait ☠️☠️☠️☠️☠️☠️☠️
    Moi ??????

  5. Dès le départ il avait été envisagé de construire deux porte-avions nucléaires.
    Il est évident que si l’on veut maintenir une force aéronavale opérationnelle à la mer, cela nécessite la possession de deux porte-avions. Car quand l’un est en « IPER », arrête pour vérification et modernisation, l’autre peut continuer sa mission. Notamment l’entrainement des pilotes au catapultage/appontage de jour comme de nuit (les hiboux !).
    Mais à cause de restriction budgétaire ce deuxième porte-avions n’a jamais vu le jour et les pilotes de chasse de l’aéronavale (en formation aux Etats-Unis), ne pouvait pas effectuer leur dernière et ultime formation d’appontage et de décollage sur le Charles de Gaulle. Il en résulte un retard considérable dans l’arrivée de nouveaux pilotes de chasse formés !
    Un ancien du Foch et du Clémenceau !

    • @ Dakor : Vous pouvez donc nous révéler, en tant qu’ancien… combien nous avons versé de dédit, aux States, pour le système de catapultage du deuxième porte avion , celui qui n’a pas été construit. J’ai jamais réussi à trouver le montant en question…d’après la presse il était juste… »pharaonique »…

  6. « pas de deuxième porte-avions » disent certains ! mais soyons un petit peu logiques : avec un seul P-A (qui fait un petit tour et puis s’en va !) nous sommes ridicules, tant sur le plan de la représentation de notre pauvre et insignifiante capacité aéro-navale que sur celui de notre crédibilité à l’international. Si l’on est pour la limitation (et donc pour un renoncement de fait à être VRAIMENT et tout-temps opérationnel et dissuasif), alors, tant qu’à faire, remisons notre Charles de Gaulle et qu’on le démantèle. Bien sûr qu’il faudrait un second P-A,, notre souveraineté est à de prix. Et désolé de le dire à 4 Kamisan,ce n’est pas une question budgétaire qui doit nous arrêter (sans trop disserter sur ce point, ON PEUT financer ce P-A, en faisant des milliards d’économie par ailleurs, en taillant dans les dépenses inutiles). Et à Villeneuve: oui à un second P-A, non pas pour servir de supplétif aux USA mais pour affirmer et garantir notre indépendance (c’est ce qu’avait voulu et réussi de Gaulle avec SA BOMBE A), avec un rapprochement urgent avec la Russie, nation européenne

  7. Exactement , aucun des corrompus et traîtres qui nous gouvernent de l’herpés n’augmenteront jamais le budget de la Défense , ce que l’ont voit en ce moment avec la création de la fameuse garde nationale c’est de l’enfumage ,oui elle est déjà formée cette garde , mais quand je dis enfumage se pourri de gouvernement à mis cela en place sentant le vent tourné contre lui .N’oublions pas les élections approchant à grand pas ceci explique cela .

  8. Vous n’en n’avez pas marre de payer des impots ? Ca coute combien un porte aéronef , en fabrication et en usage…pourquoi faire en plus, les opex ? Elles sont juste un moyen de faire fructifier le business militaire, et faire le jeu de certaines puissances, on sait pourquoi « il faut  » détruire Bachar, après avoir détruit Saddam et Kadhafi, on travaille une fois de plus « pour le roi de Prusse » (sauf que maintenant c’est plus pour la prusse) C’est pas un peu contraire aux « principes Républicains » cette projection extérieure ???

    • Bonjour,
      Je crois qu’on travaille surtout pour l’impérialisme turc qui ne cache même plus son désir d’annexer le nord de l’Irak …

  9. C’est surtout pour que quand les islamistes auront pris la France, ils auront également toutes les armes pour contrer la Russie qui serait succeptible de nous défendre…..

  10. Je suis d’accord, j’ai servi dans l’arme, mais je fais aussi plus confiance aux sous-marins, j’ai été stupéfait par l’efficacité des tirs réalisés depuis la Mer Caspienne par les russes alors que ceux -ci n’ont quasiment pas de véritables porte-avions comme les Etats-Unis.
    Mais c’est vrai, deux porte-avions comme du temlps du Foch et du Clémenceau se serait bien pour la France et aussi pour l’Europe (hors GB).

  11. pourquoi pas acheter un porte avion aux etats unis ils en ont un bon paquet je crois ou le louer ça couterais moins cher
    je pense que ça devrais être possible

  12. Bonjour Maxime,
    Encore un chercheur gangréné par le mythe « Atlantiste » ! Quel nul !!!!
    Sur le plan de la défense nationale : Les USA ne sont plus rien, L’Europe, ce n’est rien, L’UE n’existe pas!
    la France doit au contraire et justement « se recroqueviller « sur son aire continentale ». Elle doit abandonner son statut actuel de supplétif des USA avec le rôle HONTEUX de sous-grande-bretagne.
    La France ne doit compter que sur elle même pour sa défense. Très simple, il suffit de la vouloir :
    – Augmenter significativement le budget de la défense en diminuant celui de l’éducation, devenue pléthorique et inutile, pour se concentrer sur son territoire.
    – Changer ses alliances en se rapprochant de la Russie de Poutine, SEUL ALLIE POSSIBLE ET CRÉDIBLE DANS LE CADRE DE LA NOUVELLE GUERRE MONDIALE QUE NOUS A DÉCLARÉE L’ iSLAM avec un impératif élémentaire : sortir de l’OTAN.

  13. Non seulement la France doit se doter d’un nouveau Porte-Avion, mais elle doit se RE-ARMER dans tous les domaines: Armes Nucléaires tactiques et stratégiques, Aviation, Sous-Marins lanceurs d’engins, Guerre Electronique, etc…etc… Vu l’extrême urgence de la situation, il faudrait doubler, ou même tripler le budget actuel de la Défense! Mais aucun de nos misérables politicards actuels ne s’engagera à faire çà!…

    • Exactement , aucun des corrompus et traîtres qui nous gouvernent de l’herpés n’augmenteront jamais le budget de la Défense , ce que l’ont voit en ce moment avec la création de la fameuse garde nationale c’est de l’enfumage ,oui elle est déjà formée cette garde , mais quand je dis enfumage se pourri de gouvernement à mis cela en place sentant le vent tourné contre lui .N’oublions pas les élections approchant à grand pas ceci explique cela .

    • Oui, « Honneur et Patrie, Valeur et Discipline », ça ne fait pas de mal;

    • Je ne crois pas que les armes classiques (porte-avions, armes nucléaires, sous-marins, etc.) soient l’urgence du moment.
      L’urgence à mon avis serait plutôt de se doter de moyens de lutte en guérilla urbaine et de moyens de renseignement efficaces.
      D’autre part, vu le prix d’un porte-avion, je crois que ce serait de l’argent beaucoup mieux employé ailleurs.

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