On se retrouve finalement encore avec ces histoires non résolues de vêtements islamiques en centres aquatiques, piscines publiques ou privées, et la question de savoir si le règlement intérieur peut interdire la tenue islamique.
Rien de nouveau sous le soleil (c’est le cas de le dire) depuis l’affaire de la femme qui se baignait toute habillée :
http://resistancerepublicaine.com/2015/08/10/elle-se-baigne-tout-habilleevoile-compris-a-la-piscine-et-il-faudrait-fermer-les-yeux-n/
http://resistancerepublicaine.com/2015/08/26/vous-etiez-majoritaires-quand-elle-nageait-voilee-dans-la-piscine-et-vous-navez-rien-fait/
Sur le plan du droit, c’est à mettre en relation également avec la question des vêtements islamiques en entreprise, qui devrait trouver une réponse définitive (et sans doute très nuancée pour ne fâcher personne) dans l’année.
Avec la pression des droits de l’homme appliqués à tous sans distinction, mêlée à l’idéologie selon laquelle l’islam a sa place en Occident et toutes les religions se valent (quasiment une idéologie officielle actuellement, mais peut-être plus pour longtemps), à première vue, on ne pourrait nourrir de grands espoirs quant à la validité d’un règlement intérieur interdisant le burkini.
Cependant, si l’on compare avec les considérations prises en compte quand il s’agit du voile en entreprise, on remarque que :
– personne n’est tenu de se baigner, alors que travailler est pratiquement une obligation.
C’est d’ailleurs ce que prévoit le préambule de la Constitution de 1946, encore en vigueur : « 5. Chacun a le devoir de travailler».
Cet argument doit jouer en faveur de la liberté de l’entrepreneur gérant le centre aquatique d’interdire le burkini.
– en revanche, il n’y a dans ce domaine aucune « tâche à accomplir », alors que cette notion constitue un frein à la liberté de porter un vêtement islamique en entreprise. C’est en effet par ce vecteur qu’un vêtement islamique peut être interdit pour préserver l’image de l’entreprise, détachée de toute appartenance religieuse, ou encore des intérêts liés à l’hygiène (notamment dans le secteur agro-alimentaire) ou la sécurité (spécialement pour des travaux manuels exigeant une certaine tenue).
A la place de cette notion, peuvent alors constituer ici un frein à la liberté de porter un vêtement islamique des intérêts liés à l’hygiène, puisque le burkini ne permet pas de faire subir au corps la douche obligatoire avant d’entrer dans la piscine, l’essentiel du corps étant recouvert (contrairement aux maillots traditionnels).
En ce qui concerne à présent le port obligatoire du burkini, à l’inverse, on est face à une difficulté juridique plus importante. La question est inédite et il est difficile, pour ne pas dire impossible, de faire un parallèle avec une situation qui serait semblable.
Il y a plusieurs façons d’approcher cette question pour y apporter une réponse.
On peut d’abord se placer sur le terrain du droit pénal : est sanctionnée la discrimination lors du refus de fournir un service, notamment lorsqu’elle est liée à la non appartenance à une religion (l’islam dans le cas présent, puisque le refus du burkini témoigne en même temps un refus de porter un vêtement manifestant l’appartenance à l’islam : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E39C3A88A4534942FF7F844F2B20EEA5.tpdila19v_2?idArticle=LEGIARTI000026268210&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20160807&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=)
Par où l’on voit, d’ailleurs, que sur le plan juridique, on n’a pas vraiment intérêt à dénier à l’islam le statut de religion, étant donné la définition de la discrimination (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417828) !
Par ailleurs, certaines exceptions sont prévues par la loi, qui permettent de discriminer 🙁https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=E39C3A88A4534942FF7F844F2B20EEA5.tpdila19v_2?idArticle=LEGIARTI000028650466&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20160807&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=):
Sont notamment permises les « discriminations fondées, en matière d’accès aux biens et services, sur le sexe lorsque cette discrimination est justifiée par la protection des victimes de violences à caractère sexuel, des considérations liées au respect de la vie privée et de la décence, la promotion de l’égalité des sexes ou des intérêts des hommes ou des femmes, la liberté d’association ou l’organisation d’activités sportives ».
Les affaires de burkini ont au moins l’intérêt d’attirer l’attention sur la référence faite alors à la décence, une référence qui passerait inaperçue à première vue, puisqu’on a du mal à voir abstraitement de quoi il peut s’agir ! Je n’y avais jamais prêté attention auparavant. La référence à la décence a été introduite par une loi du 27 mai 2008. On se demande bien d’où vient cette volonté de protéger la décence et quelle a été l’intention des auteurs de la loi à cet égard.
On ne sera pas surpris de découvrir notamment qu’il s’agit de transposer une directive européenne du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services qui se réfère à cette notion (considérant 16) :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32004L0113
La référence à la décence a-t-elle été introduite en envisageant les vêtements islamiques ? On ne peut exclure que cette motivation soit sous-jacente.
Toutefois, même en supposant que ce texte permette à un établissement privé de pratiquer une politique de séparation des hommes et des femmes dans une piscine, il ne permet pas d’obliger toutes les femmes à porter un burkini.
Il semble donc y avoir ici une discrimination interdite qui peut expliquer que des maires refusent ces pratiques au nom de l’ordre public. La sauvegarde de l’ordre public passe en effet aussi par celle de la dignité des personnes et notamment leur protection contre les discriminations interdites. Un maire peut tout à fait prendre un arrêté dans ce but. Un maire avait ainsi dans le passé pris un arrêté pour interdire la pratique des « lancers de nains ».
Une autre approche de la question consiste à prendre comme point de départ du raisonnement le code de la consommation, selon lequel (article L122-1) « il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime (…) Cette disposition s’applique à toutes les activités visées au dernier alinéa de l’article L. 113-2. (…) ».
Ce dernier texte vise « les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ». Les piscines privées ou publiques sont donc concernées.
Le « motif légitime », selon ce texte, n’étant pas davantage défini, il faut se reporter aux dispositions du code pénal relatives aux discriminations donc au raisonnement qui précède.
On peut donc considérer qu’il est impossible juridiquement d’imposer le port du burkini aux clientes d’un centre aquatique, même en invoquant la volonté de donner un caractère confessionnel à l’établissement concerné.
Cette solution marque la résistance de la République face au modèle communautariste.
De ce point de vue, on peut aussi relever une décision dans le contentieux de la naturalisation intéressante : le 13 juillet dernier, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé le rejet d’une demande de naturalisation d’une Algérienne qui « ne pouvait être regardée comme adhérant aux valeurs de la communauté nationale » car elle avait déclaré lors d’un entretien avec l’Administration française qu’elle « souhaitait que des heures de piscine fussent réservées aux femmes musulmanes, portait le voile pour montrer aux autres qu’elle était musulmane et ne savait que penser du principe de laïcité ». Cette motivation retenue par l’Administration française pour justifier son refus ne s’était pas contentée de relever que l’intéressée ignorait le principe fondamental, constitutionnel, de laïcité. Or, elle n’a pas été désapprouvée par le juge.
Il faut désormais espérer que les juridictions et notamment le Conseil constitutionnel seront amenées à prendre parti sur ces difficultés liées aux bains publics ou privés au regard de la prohibition des discriminations y compris en raison de la non appartenance à une religion, une question bien plus rarement posée que celle, inverse, de la discrimination (justifiée ou non) à raison de l’appartenance à une religion.
La réponse pourra alors être généralisée dans une certaine mesure à d’autres activités de loisir, dès lors que des considérations de sécurité et d’hygiène notamment entreront en compte.
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OUI! mais mettre en avant hygiène et sécurité est sans doute plus facile à faire admettre sans risquer de litiges sur la religion….!!
Quant à la sécurité…..pourquoi pas le laisser de côté!! c’est leur risque !!
Exact!! en plus de l’hygiène imposée, pour ne pas tomber dans les discussions de religion, il y a le risque d’aspiration du tissu par les bouches de la piscine..donc sécurité et hygiène peuvent régler la question vite fait!!
Trop de lois tue la Loi.
La burqa comme le voile ne sont qu’au service du prosélytisme et il n’y a pas lieu de se pose la question de l’hygiène ou autre fausse barbe surtout sur ce site!!!
Nous sommes un pays laïc-stop- aucun signe religieux n’est possible dans l’espace public-stop- le gouvernement n’a pas à légiférer plus avant-stop- Le fait qu’aucune loi n’interdise le port du burkini n’implique pas qu’il soit autorisé-stop- le burkini n’est porté QUE par des musulmanes et par conséquent il est un signe évident et ostentatoire de religiosité, ce qui est interdit-stop-
complètement d’accord Hoplite, mais ce n’est pas le droit positif (donc en vigueur et selon les juges) qui a une approche plus restrictive de la laïcité. Villeneuve et moi au moins avions beaucoup écrit là-dessus il y a quelques temps. Il faudrait donc le vote d’une loi pour cela.
Bien sûr Maxime, encore une loi et puis encore une autre et encore et encore des lois qui ne seront pas respectées puisque la seule loi c’est la sharia, donc il ne sert plus à rien de légiférer dans ce pays de dhimmis.
Dans toute piscine publique , par hygiène, une certaine tenue de bain est obligatoire…déjà, pour les hommes le boxer-short est interdit…seul un simple maillot est autorisé…quant aux femmes, le seul problème du burkini est que cette tenue revient à laver son linge dans la piscine!!! personne ne parle de la question d’hygiène !!!! En France , c’est comme ça! des règles sont établies et on doit s’y plier ou ne pas entrer dans l’eau d’une piscine!!
Car la question peut aller très loin si on va par là ! pourquoi un aveugle habitué à se baigner avec son chien n’aurait pas le droit de le faire en piscine publiquement ???? HEIN ????
Mais de toute manière, dès lors qu’on interdit aux hommes le bermuda pour des raisons d’hygiène, comme accorder à une femme de se couvrir de la tête au pied? S’il s’agit de la pudeur, je croise bon nombre de femmes « rondes » qui portent un maillot de bain une pièce, mettent un paréo qu’elles retirent au moment d’aller se baigner. Cet évènement effectivement a été considéré comme privé, mais c’est à ce moment un lieu privé qui reçoit du public. Si une plonge un peu profondément, qui nous assure que son vêtement ne sera pas aspiré par les bouches d’eau située au fond, et qu’elle ne risque pas de s’y retrouver coïncée.
oui, je me demandais comment les piscines justifiaient l’interdiction du bermuda… et si elles acceptent le maillot féminin une pièce, pour pouvoir comparer avec le burkini.
C’est bien la preuve qu’un recours excessif aux droits de l’homme via la « liberté religieuse » (liberté de culte etc) sème beaucoup de doutes. Il y a aussi un côté « il est interdit d’interdire » là-dedans.
Pour l’instant, il n’y a pas de contentieux à ma connaissance, mais une pression sous-jacente car cela peut toujours tomber sur la tête de l’entreprise exploitant le centre aquatique interdisant le burkini et qui peut expliquer des attitudes comme celle du camping où une femme voilée se baignait toute habillée (et donc potentiellement un établissement refusant le burkini).