Tortures : la Turquie se torche avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme, impunément ?

http://resistancerepublicaine.com/2016/07/18/turquie-point-sur-le-putsch-torture-et-humiliation-des-rebelles-demande-dasile-en-grece-quid-des-usa/

Sachant que la Turquie est liée par la Convention EDH, je me demande comment il est possible qu’il ait été procédé à de telles tortures : y aura-t-il une réaction au niveau européen, en particulier une condamnation juridictionnelle de la Cour EDH notamment en perspective ?

Les dispositions de la Convention EDH en la matière sont extrêmement exigeantes selon l’interprétation retenue par la Cour EDH.

Ainsi, en France, à cause de la Cour EDH, nous ne pouvons même pas expulser des criminels condamnés en justice vers leur pays d’origine, quand bien même ils seraient étrangers (donc ni binationaux, ni nationaux), au cas où ils risqueraient d’être torturés dans leur pays (jurisprudence Soering de la Cour EDH de 1989, qui concernait l’extradition vers les Etats-Unis pratiquant la peine de mort, même si en pratique, nos tribunaux sont confrontés à des applications de cette jurisprudence plutôt pour des ressortissants de pays musulmans).

Il est notamment question de décisions judiciaires dans lesquelles des délinquants font valoir le risque de torture au Maroc. Face à cela, les juges parfois nient le risque de torture, considèrent qu’il n’est prouvé parce qu’il semble qu’eux-mêmes sont choqués par cette situation, où la France est tenue de continuer d’accueillir un criminel étranger au lieu de le renvoyer à l’expéditeur.

Certes, la Turquie se torche régulièrement avec la Convention EDH qui lui donne avant tout le prétexte de se dire européenne et de poursuivre sa politique de cheval de Troie : on l’a vu ces derniers temps avec les condamnations pour discrimination des alévis, considérés comme de mauvais musulmans.
http://resistancerepublicaine.com/2016/05/15/la-turquie-encore-condamnee-par-la-cedh-pour-violation-des-droits-dune-minorite-religieuse/
http://resistancerepublicaine.com/2016/04/25/turquie-350-villageois-alevis-envahis-par-27000-syriens/
http://resistancerepublicaine.com/2016/04/09/des-alevis-gagnent-contre-erdogan-ils-refusent-lenseignement-obligatoire-de-lislam-dans-les-ecoles/

La Turquie aurait adopté ces dernières années des textes contre la torture et la peine de mort pour faciliter son entrée dans l’UE : https://fr.wikipedia.org/wiki/Droits_de_l%27homme_en_Turquie

Dès lors, que penser de la situation actuelle et notamment des décapitations dont il a été question ?
http://resistancerepublicaine.com/2016/07/17/des-soldats-turcs-decapites-par-la-foule-qui-soutient-erdogan-aux-cris-de-allah-akbar/

Si ce sont les autorités publiques qui y procèdent, elles devraient s’exposer à une condamnation de la Cour EDH sur le fondement de la Convention.

S’il s’agit de personnes n’ayant officiellement aucune habilitation, comme cela semble être le cas selon l’article qui indique que les soldats ont été décapités par la foule, des poursuites devront être engagées contre elles par la Turquie.

Je me demande cependant comment il est possible que les autorités turques n’aient pas agi pour faire cesser au plus vite ces décapitations. Ce sont des crimes et la police turque aurait dû mettre les criminels hors d’état de nuire sur le champ.
Peut-être l’Etat turc voit-il dans cette situation une façon d’échapper à une condamnation tant politique que juridictionnelle (notamment devant la Cour EDH) en faisant valoir la situation de chaos et l’impossibilité d’agir pour arrêter le mouvement de foule.
Ce serait une stratégie des plus machiavéliques et dotée d’une certaine efficacité juridique sur le plan du contentieux international des droits de l’homme.

On peut penser en effet que ce peut être un moyen utilisé pour précisément échapper à des sanctions au niveau européen et, plus largement, international, même si la situation européenne préoccupe sans doute davantage Erdogan.
La Convention EDH produit un « effet horizontal », selon une expression habituelle : l’Etat qui y adhère doit faire produire effet aux dispositions de la Convention EDH dans les litiges intervenant entre des personnes relevant de sa juridiction (contentieux civil, privé) et à l’égard des délinquants qu’il peut poursuivre (contentieux pénal).
Dès lors, les auteurs d’actes de barbarie devraient être poursuivis par la Turquie, au risque, à défaut, d’exposer cette dernière à une condamnation de la Cour EDH.

Dans la mesure où ces poursuites doivent être diligentées dans un délai de prescription généralement élevé pour les crimes (même si je n’en connais pas le quantum précis pour la Turquie, ce genre d’acte en général se prescrit au terme d’une dizaine d’années au moins), nulle condamnation de la Turquie par la Cour EDH n’est envisageable avant l’expiration du délai de prescription de l’action des autorités turques contre les auteurs de ces actes (dans l’hypothèse où ce ne seraient pas des agents officiels de l’Etat turc qui auraient ainsi agi, comme cela semble être le cas, sinon le manquement de la Turquie à la convention européenne des droits de l’homme est consommé ipso facto).

Il serait donc intéressant d’éclaircir les circonstances précises dans lesquelles cette répression soi disant populaire a eu lieu.
Les conséquences quant à une condamnation de la Turquie par la Cour EDH ne seront pas les mêmes suivant que c’est considéré comme un mouvement spontané de la foule (les soutiens du régime) ou une sanction officielle émanant d’autorités publiques ; dans le premier cas, selon que ce mouvement de foule était plus ou moins contrôlable par les autorités publiques, car, s’il l’était, la carence de l’Etat pour faire cesser ces actes barbares est fautive et susceptible d’engendrer une condamnation juridictionnelle de la Turquie devant la Cour EDH.

Le pouvoir turc a intérêt à ce qu’il soit considéré que ce fut une vengeance populaire incontrôlable pour éviter d’en endosser immédiatement la responsabilité : laisser les plaintes moisir dans un fond de tiroir afin de ne pas entraver l’avancement des négociations pour la conquête de l’UE pourrait être une stratégie d’Erdogan et ses alliés.

Ces observations sont à faire cependant sous réserve des dispositions que la Convention EDH contiendrait pour les temps de guerre, qui ne relèvent parfois pas du droit commun (à supposer que le putsch soit considéré comme un événement relevant de la guerre) et des réserves que la Turquie aurait exprimées lors de son adhésion. Cette question mériterait un examen approfondi, mais à partir de quelques recherches sommaires, je pense qu’il faut au moins relever qu’à cet égard, la Turquie ne semble pas avoir adopté le protocole 13 abolissant la peine de mort même en temps de guerre https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_europ%C3%A9enne_des_droits_de_l%27homme.

L’interdiction de la torture, néanmoins, exigée par la Convention EDH à l’article 3 que la Turquie s’est engagée à respecter, ne souffre en revanche aucune exception, donc les actes de torture sont directement contraires à la Convention EDH et susceptibles de faire encourir à la Turquie une condamnation

https://fr.wikipedia.org/wiki/Article_3_de_la_Convention_europ%C3%A9enne_des_droits_de_l%27homme.

On voit donc que ce qui se passe actuellement en Turquie est source de questions quant aux conséquences juridictionnelles des actes de barbarie de ces derniers jours : la Turquie encourt-elle une condamnation de la Cour EDH pour ces événements qui ont fait suite au putsch ? Cette condamnation serait-elle rapide et lui serait-elle alors fatale dans l’avancement des négociations européennes, alors que, de toute façon, la moralité est loin de régner dans les relations avec ce pays qui se veut héritier d’un Empire qui est historiquement l’ennemi juré de l’Europe ?

Si vraiment la Turquie devait être jugée par la Cour EDH pour les événements de la semaine dernière, on peut penser que ce sera dans plusieurs décennies donc qu’il n’y a rien à en espérer pour freiner les démarches en vue de son adhésion à l’UE. La condamnation par la Cour EDH n’est d’ailleurs que pécuniaire : aucune sanction politique ne peut en découler directement.

L’opposition des peuples européens sera donc décisive, mais il faudra alors que ceux qui se rebellent soient plus nombreux que ceux qui bêlent, et qu’ils soient alors non seulement entendus mais écoutés !

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13 Comments

  1. se fils de pute de BHL est le président d’Arte, je voudrais l’avoir entre mes mains, et le travailler façon erdogan

  2. en complément :
    http://www.lefigaro.fr/international/2016/07/21/01003-20160721ARTFIG00237-la-turquie-prevoit-de-deroger-a-la-convention-europeenne-des-droits-de-l-homme.php
    La Turquie va déroger à certaines dispositions de la Convention EDH mais elle ne peut pas déroger à celles qui concernent la torture, ni la peine de mort.
    A ce sujet, contrairement à ce que j’indiquais dans l’article, elle a bien ratifié le protocole 13 lui interdisant de prononcer la peine de mort pour se rendre compatible avec les exigences européennes : https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/187/signatures?p_auth=RXKTQGVf
    Revenir sur cette ratification l’éloignerait des portes de l’Europe, sauf à trouver une ruse similaire à l’affaire de la dispense de visas.

  3. Je crois quand même que l’adhésion de la Turquie a du plomb dans l’aile: cas de torture et barbarie avérés et multiples, et aussi le fait qu’il y a eu pratiquement autant de juges que de militaires arrêtés !!!
    Pauvre Merkel, elle aura vraiment du mal cette fois-ci à nous faire passer Erdogan pour un champion de la démocratie « UE »…
    Donc ce coup d’état avorté aura été une bonne chose pour nous, ne boudons pas notre plaisir… De toutes façons, quand des m. s’entretuent c’est forcément la démocratie qui y gagne, non ?

    • Hier, j’ai pris une demi-heure pour faire le tour des réseaux sociaux et argumenter à propos de la Turquie (démarche salutaire et comme je partage les publications de Résistance républicaine sur ma page en mode public, cela fait un peu de publicité au passage).
      Voici le genre d’arguments que j’ai pu lire :
      – certains sont contre l’adhésion turque à l’UE car la plupart du territoire turc est en Asie et pas en Europe… donc approche strictement géographique, sans considération de la géopolitique et des aspects civilisationnels !
      – certains disent que l’on a trop fait espérer la Turquie : la pauvre a été obligée de se réformer pour s’approcher de la civilisation occidentale et lui dire non maintenant serait injuste… Si vraiment la Turquie veut rejoindre l’UE, il faudrait qu’elle soit pleinement soluble dans la civilisation européenne et que ce ne soit pas une façade mais une réalité ancrée dans les mentalités tant du peuple que des dirigeants. Or, on voit bien que ce n’est pas le cas actuellement. Comme si la Turquie faisait semblant de tenter de s’occidentaliser et subirait un préjudice dans le fait d’avoir dû s’engager à commettre moins de barbaries…
      – Certains sont favorables à l’entrée de la Turquie dans l’UE au motif que la Turquie comprend l’Anatolie qui, dans l’Antiquité, se rattachait à la Grèce… donc à l’Europe. La conquête musulmane, l’Empire ottoman, inconnus au bataillon ! De manière générale, je suis stupéfait de voir que beaucoup de gens ne savent pas ce qui s’est passé en Turquie en 1453… comme si c’était un détail de l’histoire. Beaucoup ne semblent pas savoir non plus à quel point Erdogan exalte la fierté nationale à propos de ce changement fondamental dans l’histoire européenne. C’est inquiétant !

      • Bonjour,
        Oui, mais vous êtes, cher Maxime, comme moi, un habitué des documentaires d’Arte du samedi soir.
        Ce n’est pas avec la série scandaleuse d’Arte, produite par les Turcs d’ailleurs, que les yeux peuvent s’ouvrir quant à la réalité de la conquête turque et donc à la nature de la Turquie de 2016.

        • Bonjour Antiislam,
          j’ai un peu levé le pied sur Arte ces derniers temps et surtout évité soigneusement les documentaires sur le Brexit. Je ne suis masochiste que dans une certaine mesure !

  4. Les droits de l’homme her dogan se torche avec et c’est cette pute que notre gouvernement avec la merkel veut faire rentrer dans l’UE. C’est déplorable.

  5. Sur les billets en €uros avec un bic faire une croix sur la turKy , en bas à droite
    cela ne dévalorise pas le billet

    • Dans ce cas ou dans n’importe quel autre cas Golum. Géographiquement, la Turquie n’est PAS en Europe, sans parler de sa culture….

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