Mosquée de Nîmes : la loi de 1905 a-t-elle été respectée ?

A la suite de la décision de la mairie de Nîmes de fermer une mosquée en raison d’un risque d’effondrement, une plainte a été déposée au nom de l’association cultuelle islamique occupante pour mise en danger de la vie d’autrui.

Sources:
http://www.midilibre.fr/2016/06/02/mosquee-de-la-gare-une-plainte-deposee,1342571.php
http://www.midilibre.fr/2016/05/31/mobilisation-pour-la-mosquee-de-la-gare,1341200.php
https://www.objectifgard.com/2016/05/30/nimes-fermeture-de-la-mosquee-de-la-gare-la-mairie-nous-a-mene-en-bateau/
https://www.francebleu.fr/infos/societe/bras-de-fer-entre-la-mairie-de-nimes-et-les-fideles-de-la-mosquee-de-la-gare-1464710934

Cette réaction paraît aussi paradoxale que surprenante : le maire veut précisément éviter l’effondrement du bâtiment pour des questions de sécurité et on lui reproche d’avoir mis en danger la vie d’autrui ! De plus, elle suscite plusieurs questions.

D’abord, la mairie avait envisagé la vente du bâtiment. S’agit-il de faire pression pour obtenir des conditions plus favorables, notamment la baisse du prix de vente ? Si tel est le cas, la plainte a été détournée de sa finalité de manière sournoise et déloyale. Or, la presse révèle en effet l’existence d’un lien entre cette plainte et la promesse de vendre le bâtiment à l’association, qui n’a pas été formalisée.

Présente hier soir à la mosquée, Khadija Aoudia a demandé qu’au moins « 200 personnes se portent partie civile » : « pour l’instant il n’y a pas eu d’accord écrit sur la vente… », regrette-t-elle, estimant que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Et en parlant de promesses, Me Aoudia l’assure : « ces administrés, qui ont voté pour Jean-Paul Fournier aux Municipales nourrissent aujourd’hui le sentiment d’avoir été trahis ».

Cette plainte au pénal est une façon de maintenir la pression sur la municipalité, sachant qu’à tout moment cette procédure « peut être retirée ».

Source : https://www.objectifgard.com/2016/06/02/nimes-mosquee-de-la-gare-le-combat-judiciaire-est-lance/

 

Ensuite, à quel titre le bâtiment était-il occupé, d’une part par une association cultuelle musulmane et d’autre part, par une association de promotion de travailleurs immigrés ? Les deux associations ne doivent pas être considérées de la même manière, puisque seule la première se rapporte à un culte et donc les conditions de son occupation des lieux relèvent seules de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat (au sens large : cela inclut les collectivités publiques visées à l’article 2 de cette loi, dont les communes). On ne s’intéressera donc pas à la seconde, qui, soit dit en passant, pourrait aussi chercher à promouvoir les travailleurs autochtones.

Alors, s’agissait-il d’un bail, d’un prêt ou d’une convention d’occupation précaire ? Je ne vois guère d’autre statut possible pour expliquer que l’association cultuelle islamique ait eu la jouissance du bâtiment.

Or, ce sont des contrats relevant de régimes différents. S’il s’agit d’un bail (une location), le bailleur peut être dans certaines conditions tenu de conserver le bâtiment en veillant à ce qu’il demeure assez sûr pour être occupé. Dans ce cas, pourquoi l’association cultuelle islamique n’a-t-elle pas agi sur ce fondement plutôt que déposer une plainte au pénal et chercher des poux à la mairie à propos de l’expertise ?

S’il s’agissait au contraire d’un prêt, que le code civil appelle « prêt à usage », le bailleur n’est pas tenu d’une telle obligation. Il n’avait donc pas à répondre de la dégradation du bâtiment et pouvait le laisser dépérir sans risque d’un recours sur la base des règles se rapportant au contrat conclu. Utiliser alors la menace de la plainte pour mise en danger de la vie d’autrui revient dans ce cas à obliger le prêteur à faire quelque chose qu’il n’est pas tenu de faire selon les règles du prêt. Les juges devraient alors dans ce cas refuser de condamner le prêteur puisqu’il était dans son droit.

Surtout, dans ce cas, l’occupation étant gratuite s’agissant d’un prêt à usage, la mairie aurait subventionné un culte en prêtant, sans contrepartie donc, le bâtiment ayant abrité la mosquée. Nous cacherait-on alors par hasard une violation de la loi de 1905 ? Ni la mairie, ni l’association cultuelle islamique n’auraient d’intérêt à s’en prévaloir : même si l’image de la municipalité en prendrait un coup, l’association serait aussi complice de sa turpitude et donc devrait se garder de dénoncer la situation illicite… Rien, dans les articles de presse consultés, ne va cependant dans ce sens. Aucun ne prend la peine de préciser quel type de contrat avait permis l’occupation.

Une dernière hypothèse peut être envisagée : la convention d’occupation précaire. Dans ce cas, la mairie peut laisser à l’association musulmane l’usage des lieux pendant un certain temps, moyennant une redevance ordinairement plus faible qu’un loyer normal, puisqu’il existe une menace : celle d’être délogé à tout moment. Ce régime, contrairement à celui du bail et du prêt à usage, n’est pas prévu par les textes. Ce type de contrat se pratique cependant depuis l’Antiquité et s’appelait alors en droit romain precarius, qui se rapporte à la notion de prière : l’occupant doit quitter les lieux dès qu’il en est prié par le propriétaire. Actuellement, ce type de convention est possible quand sa fin dépend d’un événement indépendant de la volonté des parties contractantes. Il se peut alors que la mairie ait accepté de mettre le bâtiment à disposition moyennant une redevance faible (ce qui ne contrevient donc pas à la loi de 1905 cette fois-ci), mais sous réserve d’expulsion si le bâtiment venait à devenir trop dangereux pour être occupé, la décision ayant été prise de ne pas faire de travaux de rénovation pour des raisons budgétaires. Là encore, rien dans la presse ne confirme cette hypothèse, mais si tel était le cas, la plainte pour mise en danger d’autrui révèlerait encore une mauvaise foi patente de la part de l’association musulmane, puisqu’elle savait alors dès le départ qu’elle devrait quitter les lieux le moment venu.

Autant de questions à mon sens importantes mais que les medias passent complètement sous silence, comme l’opposition politique si l’on en croit encore ce qu’on peut lire sur internet à propos de la réaction d’une élue communiste :

http://www.objectifgard.com/2016/05/31/nimes-le-maire-doit-trouver-des-solutions-pour-la-mosquee-de-la-gare-selon-lelue-bernie-boissard/

On ne sait pas non plus si le bâtiment relève du domaine privé ou du domaine public, ce qui peut avoir une influence aussi sur les raisonnements développés ici, sauf en ce qui concerne la loi de 1905…

Dernière question : puisque l’avocate de l’association cultuelle islamique a déclaré que les musulmans avaient voté pour le maire, la mise à disposition d’une mosquée avait-elle été présentée comme un argument de campagne électorale ? Il serait alors intéressant de savoir dans quelles conditions cela aurait eu lieu. Cette hypothèse conduirait à écarter la piste de la location à un prix normal, opposée au prêt à usage et à la convention d’occupation précaire, puisque si les conditions étaient normales, on voit mal en quoi il y aurait eu là un argument de campagne… à moins que ce soit vraiment difficile de trouver à Nîmes une salle assez grande pour loger une salle de prières dont on nous dit qu’elle pouvait accueillir 180 fidèles ?

Autant de questions sans réponse…

En résumé, ce qui se passe à Nîmes m’a interpellé pour deux raisons :

1/ Y a-t-il eu violation de la loi de 1905 ?

2/ La plainte au pénal intervient-elle comme une sanction brandie contre un maire cherchant alors à mettre fin à une telle situation illicite en brandissant l’argument de la vétusté du local ?

Certains ont en tout cas annoncé leur intention d’aller prier devant la mairie si la décision devait être maintenue…

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