Ahurissante – et excellente – analyse (datant de 2011 mais redécouverte grâce à Marianne et Atlantico) d’un blogueur amoureux du Club des 5.
Je ne sais si, comme moi, vous fûtes bercés durant votre enfance par Claude, Mick, François, Annie et Dagobert. Je dois dire que je garde du Club des 5 d’Enid Blyton un excellent souvenir : des aventures extraordinaires, des personnages attachants auxquels on s’identifiait facilement, un super-chien presque humain dans ses réactions… Bref, le Club des 5 fut une vraie étape de mon enfance.
Or donc j’ai un jour entendu qu’il y avait quelque chose de pourri au royaume de la bibliothèque rose. Je ne parle pas ici de la présentation « marketing » de la collection affreuse, ni même des horribles illustrations de couverture qui ont remplacé les beaux dessins d’époque (qui ont d’ailleurs disparu des pages intérieures, alors qu’ils y rythmaient auparavant l’intrigue)…
Note de Christine Tasin, la couverture ci-dessous est éloquente, n’est-il pas ? Inutile de vous dire quelle est la moderne avec la sale gueule faite aux héros à la Goldorak, avec des têtes d’adultes…
Je parle de la traduction. « Traduction revue », me dit mon édition contemporaine. Et pour cause ! Traduction massacrée serait en fait le terme le plus approprié. Je vous propose donc un petit comparatif entre la traduction originale et celle que l’on peut trouver aujourd’hui dans les librairies, avant d’essayer de tirer de tout cela quelques enseignements. Je m’appuie pour ce faire sur le titre Le Club des Cinq et les saltimbanques, renommé depuis Le Club des Cinq et le Cirque de l’Étoile. À lire pour savoir quoi acheter à notre enfant, petite nièce, arrière-cousin, fils des voisins…
I- Oui, oui, tout a changé ! (comparaison d’ensemble)
À commencer par le titre, donc, qui évacue le mot « saltimbanque », probablement jugé pas assez politiquement correct (vous verrez, l’accusation n’est pas gratuite). Rien à voir avec une volonté de se rapprocher du titre anglais, au passage.
1) Il est une fois
Modification la plus radicale : le récit n’est plus au passé simple, mais bien au présent !
Claude soupira → Claude soupire
2) On n’est pas des nous !
Le niveau de langue des personnages a singulièrement baissé. Tous les « nous » sont devenus des « on », et le vocabulaire est sacrément appauvri !
Donc, nous n’irons pas à Kernach cet été, conclut François. Qu’allons-nous faire, alors ? → Dans ce cas, c’est très clair : on n’ira pas à Kernach cet été, conclut François. Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
Oui, c’est une bonne idée ! → Mais oui, c’est un projet génial !
3) Les descriptions, c’est ennuyeux
Et donc les pauvres descriptions du roman ont fondu. Et on a également coupé un certains nombre de phrases, de répliques : non à la longueur !
4) Le politiquement correct
Rappelons que, dans l’histoire, nos amis croisent Pancho, un jeune forain accompagné d’un sympathique singe, et qui est malheureux car il est traité rudement par son « oncle ». Comprenez qu’il est battu. C’est dit dans le livre. Cela fait du jeune garçon un personnage touchant, compagnon d’autres jeunes bambins aux conditions de vie difficiles dont la littérature pour jeunes gens est remplie. Or dans l’édition actuelle, Pancho n’est plus battu : tout au plus a-t-il reçu une fois une gifle de son oncle. Les motivations psychologiques des personnages ne collent d’ailleurs ainsi absolument plus à l’action.
Signalons au passage que la méfiance que les forains expriment envers la police a tout bonnement été caviardée, ainsi qu’une scène pourtant pittoresque où une vieille foraine ratatinée récupère les ouistitis enfuis à grand coups de paroles incompréhensibles, façon vieille sorcière.
De surcroît, les répliques ont été « redistribuées » entre les différents personnages : ce n’est plus Annie qui pleure à intervalles réguliers ou qui va faire la tambouille. Qu’on se le dise, le sexisme ne passera plus par le Club des 5 !
II- Étude de cas (le chapitre 10)
Afin de bien rendre compte de ce qui a été infligé à la série, j’ai choisi — complètement au hasard — un chapitre du livre et ai comparé avec précision les deux traductions.
VOCABULAIRE/NIVEAU DE LANGUE
Quand ils furent en vue → Quand ils s’approchent
Comptez-vous aller plus loin bientôt ? → Vous comptez rester longtemps ?
Nous resterons ici aussi longtemps qu’il nous plaira → On restera ici aussi longtemps qu’on voudra
Nous aurons du mal à l’empêcher de s’en prendre à ces messieurs → Nous aurons du mal à l’empêcher de vous sauter dessus.
Mon bon Dagobert ! → Salut, toi !
Au revoir ! À bientôt ! → Allez ! À bientôt ! Salut !
CAVIARDAGE (politiquement correct)
Tout le passage où Mick soupçonne à voix haute l’oncle de Pancho d’avoir envisagé de les voler est coupé. Dommage, il permettait de montrer d’intéressantes réactions psychologiques : rougissement de Mick, peur de blesser l’autre, réaction saine de Pancho.
On ne mentionne plus que l’« oncle » de Pancho a élevé ce dernier, orphelin, juste pour l’argent.
J’irai dans un autre cirque, parce que , dans celui-ci, on ne veut pas me laisser approcher des chevaux. C’est de la jalousie, j’en suis sûr, parce que je sais m’y prendre avec eux. → caviardé. Bouh les mauvais sentiments !
dit Lou en montrant ses vilaines dents jaunes → dit-il en montrant du doigt les roulottes rouges et vertes.
Tu m’as battu → Tu m’as grondé
Je ne pensais pas que Pancho pouvait s’entendre avec des enfants comme vous. Ce n’est pas son genre ! → Je pensais que c’était une mauvaise idée que Pancho devienne votre ami : il souffrira de vous quitter quand le cirque reprendra la route.
Admirez comment on a violemment injecté une grosse dose de bons sentiments dégoulinants au méchant oncle. De manière générale, cet oncle perd à peu près tout ses défauts, et on se demande bien ce qu’on en vient à lui reprocher.
CAVIARDAGE (raccourcissement pur, descriptions massacrées, etc.)
Claude trouvait réconfortante la certitude que Dagobert l’entendrait si elle le sifflait. Il accourrait au premier appel ! → Y’a plus !
(D’autres phrases disparaissent dans le même passage)
Et puis, je me plais avec vous ! — Merci répondit Annie. → y’a plus !
Ils passèrent une heure à discuter, puis le soleil disparut dans un flamboiement d’incendie, et le lac refléta de merveilleux tons de pourpre et d’or. → Ils passent encore une heure à discuter, puis le soleil disparaît derrière les sommets alpins, et le lac prend des reflets dorés.
III- Synthèse
Si nous résumons rapidement, le lexique s’est appauvri ainsi que les descriptions, le langage est plus « proche » de celui des jeunes, le passé simple —probablement jugé trop difficile d’accès — a disparu, la complexité psychologique des personnages ainsi que leurs caractéristiques propres ont été gommées… et surtout le texte a été soumis à une véritable révision idéologique, façon Anastasie !
La gentillesse irradie, suinte de partout ; les méchants ne sont plus trop méchants ; l’expression des préjugés est évacuée ; la figure de l’enfant battu est pudiquement passée sous silence ; les scènes de genre qui présentent le monde des forains comme un groupe social doté d’un certain protectionnisme, d’une certaine méfiance des étrangers et de pratiques parfois hors du commun ont disparu. Ajoutons à cela quelques incohérences délicieuses : on fait intervenir Dagobert dans le dialogue à un moment où il n’est pas là ; et surtout, les membres du Club des 5, désormais armés de leurs téléphones portables, vont quand même frapper à la porte de la ferme pour téléphoner (leur couverture réseau n’a pas l’air excellente !).
Que s’est-il passé ? On peut y voir d’une part l’influence du pédagogisme : nul doute qu’une personne dotée des meilleures intentions du monde s’est dit que non, vraiment, ces histoires étaient un peu dures, et qu’il fallait lisser tout ça, pour ne pas présenter aux enfants des choses qui pourraient les choquer, leur donner de mauvaises idées, etc.
Mais j’y vois aussi une marque de la baisse du niveau. On ne révise pas des traductions à ce point si ce n’est aussi pour des raisons commerciales. Pourquoi ce lexique rachitique, ce présent de l’indicatif ? Mais parce qu’il faut continuer à vendre les livres, bien sûr, et pour cela, il faut que le maximum d’enfants puissent les lire ! De là à dire que le niveau de lecture baisse et que les commerciaux s’en sont rendu compte et on cherche à remédier à cela, il n’y a qu’un pas que je me permets de franchir.
En conclusion, si vous aussi vous avez aimé le Club des 5 et si vous souhaitez faire partager ce plaisir aux jeunes gens d’aujourd’hui, le marché de l’occasion vous tend les bras !
Celeblog
http://celeblog.over-blog.com/article-le-club-des-5-et-la-baisse-du-niveau-85677083.html
Lire aussi ici http://www.atlantico.fr/atlantico-light/politiquement-incorrect-club-cinq-est-censure-832582.html#SxCz9cB5aTtQo1pV.99
1,268 total views, 1 views today
Je dois en avoir quelque uns des Club des Cing. Ils sont parus aussi en bande dessinées. J’ en ai une mais en Epub ( un format numérique ) dont le titre est » le secret des Templier » !
Après la censure gouvernementale, l’inculture érigée en norme générale, l’acculturation imposée, la propagande distillée à doses massives, l’enseignement touche le fond dans une classe de 4e du 92…
Le lien en question :
https://twitter.com/tof92130/status/687343014663073792/photo/1?ref_src=twsrc^tfw
Quel scandale ! Le prof en question mérite dêtre mis à la porte, pour faute grave
En relisant mon texte je me suis aperçu que j’ai fait quelques fautes d’inattention .J’espère que l’ancienne prof de Français agrégée me pardonnera !
Bonjour,
Corrigé , mais le modérateur n’étant pas agrégé, de l’indulgence est demandée pour la correction :=)
Christine Tasin, nous sommes de la même génération, j’aimais bien aussi « le Club des Cinq », cela nous faisait rêver à l’époque.
Il y avait la collection verte qui vulgarisait auprès des jeunes des romans d’aventures célèbres et « Rouge et Or » avec mon héros préféré, Jacques Rogy de Pierre Lamblin.
Ces romans ont certainement créé des vocations. Nous vivions une période bénie car toute cette littérature pour enfant était de qualité, même la BD avec Astérix, Spirou, Tintin etc..
Alors que les censeurs d’aujourd’hui ne touchent pas aux souvenirs de notre enfance !
Qu’ils s’occupent plutôt des jeux électroniques débiles et violents qui les ont remplacés auprès de la jeunesse.
Les clubs des roses empoisonnées est bien celui de nos politiques de la haine et images subliminales comme les textes à découvrir pour nos enfants à protéger.
Les faux culs agissent toujours derrière le dos pour la manipulation de masse.
Et vous avouerez quand même que pour s’attaquer jusque aux enfants, il faut être terriblement fourbe et faux cul, et avec la théorie du genre comme avec tout le reste, cela ne m’étonne pas des faux culs qui nous dirigent.
Même les immigrés devraient faire attention et se méfier.
Il serai bien d’avoir des techniciens pour décrypter les images et écritures subliminales de tous appareils électroniques, informatique, aux livres et autres encore.
Nous devons se méfier de tout aujourd’hui, même de la nourriture que nous mangeons et de l’eau que nous buvons, les faux culs çà osent tout, c’est à cela que nous pouvons les reconnaître.
Mitterand lors de sa campagne présidentielle avait utilisé la technique des images subliminales à la télévision…
Délicieux club des Cinq ! J’en fus une lectrice fidèle et j’en ai des exemplaires au grenier ! La bibliothèque rose était merveilleuse ! La verte également (avez-vous lu les Philippe Ebly et ses « conquérants de l’impossible « ? ) La comtesse de Ségur aussi ! Vous allez voir qu’ils vont la sucrer ! Et Tintin au pays de l’or noir, il n’est pas encore mis à l’index ? Interdit ! Verboten ! Ils veulent « égaliser » ! Eh oui ! « L’ennui naquit un jour de l’uniformité » ! Gardons bien précieusement nos précieux trésors de la littérature enfantine…d’autrefois…quand la France était française !
Il y en a en quantité dans les dépôts « Emmaüs ». pour 50c, ou 1€, c’est donné.
ainsi que d’autres « séries », tout aussi passionnantes.
J’en ai relu un il n’y a pas longtemps » Le Club des Cinq en randonnée » dans la version années 70; c’est magique; un parfum d’aventure et de liberté incroyable.
Fort bel article…J’ai des petits-enfants dont le plus âgé a 5 ans et demi…Je constate à travers les livres qui leur sont proposés, que l’abêtissement et la « manipulation » commencent tôt ! Ou c’est mal illustré, ou c’est mal traduit, ou les idées du « politiquement correct » sont à l’honneur : il devient quasiment impossible de trouver de bons livres !…Même les contes qui ont fait notre bonheur ont été réécrits à la sauce actuelle.
En outre, rares sont ceux qui sont imprimés en France !!!
C’est pareil pour tous les dessins animés à la télévision : regardez ce qu’ils ont fait de la série des Heidi…
c’est à dire demain si vous êtes prise dans la rue en possession d’un ancien exemplaire…vous risquez de vous faire condamner pour amalgame/stigmatisation.. J’imagine bien un trafic, un marché noir de vieux livres passés sous le manteau…d’ici qu’ils nous fassent un autodafé…
C’est quand même affligeant. J’ai un gosse qui lit beaucoup et pratiquement chaque jour lorsqu’il revient de l’école (il est en 3 ème) il hallucine sur le manque de culture de ses copains de classe. Manque de culture et aussi de vocabulaire….dès qu’il sort un mot nouveau ..il est regardé comme un martien 😉
Bonjour,
Belle analyse Christine !
J’ai été lecteur, moi aussi, du « Club des Cinq ».
Dans le même ordre d’idée et, a contrario, un proche m’a offert, pour Noël, une réédition « des Histoires de l’Oncle Paul ».
Je pense que, comme moi, des amis de RR ont fait un peu de leur culture avec cette bande dessinée.
Il y a deux histoires dans ce volume ayant trait aux affrontements avec les Musulmans.
C’est une réédition et de telles bandes dessinées seraient rigoureusement impubliables aujourd’hui, car l’islam y est montré dans toute sa barbarie historique.
Histoire qui, dans sa vérité, comme la bonne langue française, est insupportable au politiquement correct de 2016.
Mme TASIN, vous avez de beaux restes de vos années d’enseignement….
J’ai trouvé votre article passionnant, merci à vous pour cette brillante démonstration qui met bien en relief l’appauvrissement de notre culture.
ah ! le club des cinq !
je ne peux pas ne pas réagir !
j’en avais lus pas mal, des club des cinq, quand j’étais gamin, on se les repassait entre copains!
c’est vrai que c’était bien écrit, et puis ça permettait de rêvasser….les paysages, l’aventure……
quand ma fille a su lire, j’en ai acheté, pour elle,……et je les relisais
ma fille a maintenant 23 ans et est en 5ème année de, peu importe
eh bien j’avais trouvé dans un vide grenier, il y a 3 mois » la boussole du club des cinq « , elle était ravie !
le délabrement actuel du club des cinq vient de loin
quand elle était à l’école primaire, ma fille avait appris les bienfaits du pléonasme : éloge du » tri sélectif » ( le tri non sélectif serait un concept intéressant )
au lycée, des heures de mathématiques avaient été supprimées pour aller voir le film qu’il fallait voir : » indigènes « , etc, etc…..
Je n’ai jamais pu me résoudre à me séparer de mes livres du « club des cinq ». Ils étaient très bien écrits et, grâce à eux, des milliers d’enfants ont acquis du vocabulaire et des tournures de phrases correctes. Mais ce que vous relatez ne m’étonne pas : « on » cherche à abêtir le peuple et, pour que cette crétinisation soit irréversible , » on » détruit la culture, les loisirs culturels et l’école pour être sûr que les enfants seront cernés par la crétinerie et comme leurs parents appartiennent aux générations sacrifiées des réformes scolaires ( méthode globale, semi-globale, méthodes pédagogiques toutes aussi nuisibles à l’apprentissage des bases fondamentales), les enfants ne pourront pas se sortir de cet engrenage : leurs parents n’ont plus les bases nécessaires pour transmettre une culture qu’eux-mêmes n’ont pas acquise.
Oui je suis bien triste aussi et révolté, j’ai lu quelques épisodes de cette série, c’était bien le fait qu’il y ait une certaine dignité dans l’expression, qui était beau. Il y avait de l’éducation, de la tenue.
Je pense que le niveau de vente sera faible. Car en fait sans le savoir, sans qu’on lui dise, le peuple recherche ou est attiré par ce qui élève l’âme et par ce qui est vrai. Mais il ne le sait pas toujours, en pleine conscience.