A lire, un excellent (et complet) article d’Eric Dénécé :
[…] Nos centrales nucléaires, notre porte-avions, nos sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et surtout nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) – fondement de notre dissuasion nucléaire et donc de notre indépendance nationale – sont tous équipés de turbines[1]qui sont essentielles à leur fonctionnement.
Dans les bâtiments à propulsion nucléaire de notre marine, ces composants mécaniques fournissent l’alimentation électrique à la propulsion et aux systèmes auxiliaires. Ils entraînent une ligne d’arbres qui s’achève par les hélices et leur puissance mécanique confère la vitesse nécessaire au bâtiment.
Aujourd’hui, une partie des turbines destinées à la marine est fournie par le groupe américain General Electric (GE), via sa filiale Thermodyn, dont l’usine est implantée au Creusot[2]. L’entreprise produit notamment les turbines à vapeur des SNA de type Rubis et les turbo-alternateurs du système de propulsion développé pour les sous-marins conventionnels du typeAgosta et Scorpène. De plus, GE/Thermodyn a également a été sélectionné en 2007 par DCNS pour fournir les turboalternateurs et les turbines de propulsion de la nouvelle série de six SNA du type Barracuda de la Marine nationale (livraisons prévues entre 2016 et 2027).
D’autres turbines sont produites par la branche énergie d’Alstom, dont le groupe a décidé de se séparer. Celle-ci équipe notamment certains navires de la marine de moteurs asynchrones (Alstom Power Conversion) de nouvelle génération et surtout le porte-avions nucléaire Charles De Gaulle, dont elle fournit les deux groupes turboréducteurs[3].
En revanche, dans le domaine du nucléaire civil, Alstom est le fournisseur exclusif des centrales françaises.
Ce constat amène plusieurs observations :
– La dépendance en matière militaire ou énergétique est toujours une faiblesse pour un Etat qui se targue de vouloir conduire une politique étrangère indépendante et de conserver son autonomie de décision. Or, dans le cas présent, elle concerne les deux secteurs.
– GE/Thermodyn est un fournisseur historique de DCNS. Mais avec le rachat de la branche énergie d’Alstom, le groupe américain et sa filiale vont devenir les fournisseurs exclusifs de turbines de la Marine nationale comme de nos centrales. Nous allons ainsi passer d’une dépendance partielle à une dépendance totale, dans les domaines militaire et civil.
– Lorsqu’une forme de dépendance à l’égard de fournisseurs étrangers est inévitable, les acteurs cherchent généralement à la réduire en diversifiant leurs sources d’approvisionnement afin de ne pas dépendre d’un seul fournisseur (cela s’appelle la gestion des risques). Or le rachat de la branche énergie d’Alstom nous rendrait à 100% dépendants de GE. La situation serait proportionnellement moins préoccupante s’il existait deux ou trois industriels étrangers, de nationalités différentes. Or, sur le marché mondial, le nombre de fournisseurs de turbines de haute technologie pour le nucléaire est limité car ces équipements ne sont pas courants[4].
– Le rachat de branche énergie d’Alstom conduirait à l’abandon total d’une expertise industrielle majeure dont la France a payé le développement depuis de longues années, jusqu’à devenir l’un des leaders mondiaux du domaine. Outre la cession, à un repreneur étranger, d’une entreprise de haute technologie rentable sur un secteur en développement[5], nous allons perdre les savoir-faire, les hommes et les laboratoires nous permettant de concevoir et produire nous mêmes ces équipements essentiels au cas où le redécidions un jour.
Certes, notre filière électronucléaire n’est pas menacée, car elle est entre les mains d’entreprises comme Areva et EDF. Mais la vente de la branche énergie d’Alstom porterait un coup fatal son indépendance, car en matière civile comme militaire, il existe des modules critiques qui conditionnent le fonctionnement des autres systèmes.
En conséquence, si l’activité de la branche énergie d’Alstom n’est pas à proprement parler « stratégique » et ne semble donc pas pouvoir être protégée par le décret anti OPA, son rachat – en raison du simple fait qu‘elle est l’ultime entreprise française capable de produire des turbines pour nos centrales et notre marine et que les solutions de substitution se raréfient – le devient. Dans cette perspective, la perte de contrôle d’Alstom devient critique et c’est notre dépendance qui risque de devenir une faiblesse stratégique.
Cela signifierait à terme que nous ne serons plus maîtres de nos approvisionnements en pièces détachées pour les turbines de nos centrales comme de nos sous-marins et que les générations futures – s’il y en a – intégreront des composants étrangers que nos partenaires économiques pourront décider ou non de nous fournir.
Dès lors, en raison de notre incapacité à produire des turbines, les programmes nucléaires civil et militaire français deviendront dépendants des Etats-Unis, qui bien qu’étant notre allié, est surtout notre principal concurrent dans ces domaines. Cela sera donc une fragilisation majeure de ces programmes et un recul irrémédiable de notre indépendance nationale,surtout en cas de différend avec Washington, à l’image de celui que nous avons connu en 2003, au sujet de l‘Irak. Nous allons ainsi nous mettre inconsidérément entre les mains d’un acteur réputé pour ne jamais hésiter à recourir à des pressions commerciales quant il le juge utile afin d’assurer son leadership politique et économique. L’actuelle crise ukrainienne vient d’ailleurs de donner l’exemple des moyens de pression dont usent les Etats-Unis : aucun satellite européen ne peut plus être mis sur orbite par un lanceur russe suite au veto de Washington, car ils intègrent tous des composants américains[6].
Il est actuellement prévu de prolonger de 20 à 40 ans la vie utile de nos centrales nucléaires. En cas de vente d’Alstom, qu’a prévu le gouvernement afin d’assurer notre approvisionnement en pièces détachées pour les quatre décennies à venir ? Quel accès aurons-nous au laboratoire d’analyse des technologies d’Alstom pour pallier aux défaillances et améliorer le fonctionnement des centrales pendant cette durée ? Quels en seront le coût et les contraintes ?
De même, concernant notre porte-avions et nos sous-marins, qu’en sera-t-il des pièces de rechange et des nécessaires améliorations constantes indispensables des turbines ? Les Etats-Unis pourront-ils influer sur les missions d’engagement de nos SNA, voire de nos SNLE, étant donné que ceux-ci utiliseront des composants américains?
Lire la suite ici :
http://www.cf2r.org/fr/editorial-eric-denece-lst/alstom-et-la-securite-nationale.php
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Eric DENECE est un expert en quoi ? Jamais ALSTOM n’a fourni les turbines des SNLE comme vous le démontre cet article d’OPEX360 : http://www.opex360.com/2014/05/09/qui-fournit-les-turbines-des-marins-nucleaires-de-la-marine-nationale/
il a longtemps travaillé dans le renseignement me semble-t-il… et par ailleurs il faudrait plusieurs sources croisées pour prouver qu’il a tort, un seul article n esuffira pas
A terme, nous serons entièrement à la merçi des US surtout si Alstom est vendu, ce qui est fort probable, nous n’aurons plus aucunes indépendances énergétiques.
Ces deux vidéos expliquent très bien la situation et le rôle des États Unis.
L’EUROPE, C’EST LA GUERRE ! – Conférence de François ASSELINEAU
https://www.youtube.com/watch?v=zti4aV2WL5w
L’Europe ce n’est pas la paix c’est la guerre !
https://www.youtube.com/watch?v=zxH8t8a4TFU
Excellents compléments en effet, merci Beate