Apartheid au Maroc et demain en France ? Par Nordine

Il y a quelques années, un matin d’octobre, nous nous promenions dans les rues de Tanger. Elles étaient désertes: c’était le ramadan. Pour ceux qui ne la connaissent pas, le film de Bertolucci « Un thé au Sahara » recrée l’atmosphère si particulière de cette ville, où Paul Bowles élut d’ailleurs domicile après la guerre. Complètement dépités par la ville devenue fantôme, nous nous sommes arrêtés devant une boutique de souvenirs ouverte, la seule sur l’artère principale. La commerçante, d’origine espagnole, nous a alors dit qu’un peu plus loin nous trouverions un café ouvert. Il était aussi tenu par des Espagnols, les grandes baies vitrées étaient fumées et depuis la rue, il était impossible de voir l’intérieur. Nous avons poussé la porte, et le manque d’éclairage allié aux vitres fumées donnait à la salle une atmosphère bien sombre, très différente de celle de la rue illuminée par le soleil de Méditerranée. Il y avait quelques clients, des touristes comme nous, et quelques Marocains clandestins : des Kouffars, des apostats, des traitres à l’islam. Je me suis demandé qui avait imposé ce choix, et si ces vitres teintées étaient à destinées à ne pas heurter les sensibilités musulmanes à l’extérieur de ce lieu fréquenté par les Nasrani, les « Chrétiens », ou si elles avaient été installées pour protéger les Tangérois marocains refusant les diktats de l’islam. Peut-être les deux. Encore une fois, sous couvert de l’islam et de la hchouma qui en découle, on se cache, on a peur des réactions, on ne peut pas afficher des choix de vie personnels, on ne peut pas exister en dehors de l’islam. Pire, ces vitres fumées séparant deux mondes, ne sont-elles pas la marque d’une forme insidieuse de ségrégation ou le symbole d’une impossible rencontre ? A Marrakech, dans la Medina vieille de près de mille ans, on trouvait il y a quelques temps encore un café qui vendait de la bière, non loin de la célèbre place Djemaa el Fna. Je vous laisse deviner la couleur des vitres…

Que dans le monde arabe, dont la culture a été forgée par l’islam, de tels préceptes soient appliqués, j’en conviens et, même si personnellement je n’adhère pas, je comprends ces choix culturels. A Rome, etc… Il faut en outre beaucoup de temps pour que les mentalités évoluent, et concernant l’islam, le chemin reste très problématique.

Mais ici, en France et en Europe, j’espère ne jamais voir les mêmes vitres teintées. Cependant, des événements peuvent nous inquiéter. Le refus du non-halal, le rejet de la mixité, le choix de son partenaire en fonction de son adhésion à la charia ou pas, l’abandon du « marché de Noël » à Bruxelles, l’appel à la retenue envoyé à Charlie Hebdo, est-ce que ça n’est pas déjà un premier palier vers des vitres teintées ? Cette question, nous avons le droit de la poser en toute légitimité.

Nordine

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