Pour comprendre ce qui se passe en Syrie et les intérêts des uns et des autres, par Michel Traboulsy

A l’attention de Monsieur François Soulage, Président national du Secours Catholique.

Monsieur,
Je viens de recevoir le N° 672 – octobre 2012 de Messages, et j’ai lu votre éditorial intitulé « La souffrance des Syriens ».

Votre article montre bien votre méconnaissance de la crise syrienne. Je vous invite à lire l’analyse de Monsieur Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE.

Vous déplorez « le véto de la Russie et de la Chine pour empêcher toute intervention », alors qu’une telle intervention aurait entraîné beaucoup plus de morts, comme cela s’est produit en Iraq et en Lybie. Par ces vétos, la Russie et la Chine, ont préservé le rôle des Nations Unies, qui est, comme vous le dites, de permettre le dialogue entre les nations, et non de renverser tel ou tel régime parce qu’il ne plaît pas aux Etats-Unis, à l’Occident ou à d’autres pays.

D’ailleurs, par sa position, la France a perdu son rôle historique comme protectrice des chrétiens d’Orient en faveur de la Russie. Depuis le début de cette crise, les Etats-Unis, l’Occident, et certains pays arabes (peut – être très
démocratiques !!!) tels que l’Arabie Saoudite et le Qatar se sont ingérés pour empêcher toute solution pacifique. Et pourtant, la seule solution est de cesser la violence de toutes les parties et d’accepter le dialogue.

Pourquoi, ne déplorez-vous pas cette ingérence étrangère et le refus de tout dialogue ?

D’autre part, d’après vous, le régime syrien favorisait avant tout des minorités au détriment de la majorité (!). C’est archi faux. Je vous rappelle que le peuple syrien a toujours vécu en harmonie en rejetant tout intégrisme. D’ailleurs le vice président, le premier ministre et beaucoup de ministres font partie de la majorité sunnite. En Syrie, les chrétiens bénéficient d’une liberté complète et d’un droit égal à celui appliqué à l’islam. La Syrie a toujours montré l’exemple de bonnes relations entre chrétiens et musulmans. La constitution syrienne dérive essentiellement du code Napoléon. Il s’agit d’un des rares pays laïque du Moyen Orient.

Cette ingérence a provoqué en Syrie, pour la première fois depuis des siècles, un conflit confessionnel, et des opposants sunnites, voire des djihadistes étrangers, financés en sous-main par les Wahhabites de la Péninsule arabique, opèrent en Syrie. L’exemple de Homs, ma ville d’origine, est flagrant, où les quartiers chrétiens historiques, occupés par ces opposants armés, ont été vidés de leurs habitants. Il ne faut pas se faire d’illusion, si ces groupes intégristes prenaient le pouvoir en Syrie après une guerre civile, l’Occident n’aurait rien à y gagner.

Il faut absolument que toutes les forces syriennes, sympathisantes et opposantes, participent ensemble à la vie politique de ce pays. Exclure une partie quelle qu’elle soit ne peut que favoriser la haine et la vengeance. Les Syriens ont toujours vécu ensemble sans problème, mais l’ingérence étrangère a, malheureusement, changé la donne. Cette ingérence étrangère a pris pour prétexte l’institution de la démocratie en Syrie, or :  La démocratie ne s’exporte pas ; la démocratie en Suisse n’est pas identique à celle de la France, ni à celle des Etats-Unis. La vision d’une démocratie à l’occidentale n’est pas exportable et ne s’appliquera pas en Orient.

 Pour qu’il y ait une démocratie, il faut qu’il y ait des démocrates. Qui sont ces démocrates ? Un démocrate doit accepter de dialoguer avec son adversaire, et ne doit pas recourir à la violence. Aujourd’hui, les deux parties partagent la responsabilité des violences commises en Syrie, mais la responsabilité essentielle revient à ceux qui financent et soutiennent les groupes armés.

 Comment peut-on défendre la démocratie dans le Monde, et rester silencieux face aux royaumes, émirats et sultanats du golfe arabe qui sont connus pour leur despotisme absolu, leur racisme, leur système social discriminatoire et leur mépris pour toute valeur humaine ?

Tous les chefs religieux chrétiens (Patriarche RAÏ, patriarche maronite ; Patriarche Ignace IV Hazim, patriarche grec orthodoxe, Patriarche Grégorius Laham, patriarche grec catholique, etc…) sont unanimes pour alerter sérieusement de leurs préoccupations, en cas de chute du régime actuel, de la tragédie future des chrétiens du Proche-Orient. Ils ont dénoncé la mascarade soutenue par l’Occident.

L’Occident fait aujourd’hui confiance aux islamistes en oubliant rapidement qu’il a engendré, il y a quelques temps, Ben Laden contre l’Union Soviétique !!!

Promouvoir le dialogue est un devoir pour tous ceux qui aiment la Syrie.

L’exemple de l’Irak, de l’Egypte ou d’autres pays qui font l’expérience du « printemps arabe » montre que les minorités, surtout chrétiennes, sont les premières à souffrir.
On voit aujourd’hui que ce « printemps arabe » devient un « hiver islamique » car il débouche sur l’accession au pouvoir de groupes qui risquent d’ébranler la stabilité et la coexistence des pays dans la région.

J’espère que ces quelques lignes permettent de comprendre mieux la crise syrienne.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de mes salutations distinguées.

Michel TRABOULSY

En complément, deux dossiers très intéressants et très importants sur la Syrie, pour mieux comprendre les fatales erreurs, sur ce sujet aussi, de Hollande. Syrie novembre 2012Syrie décembre 2012-1


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