QUAND LES FRANÇAIS DIGNES DÉFENDAIENT LA MÈRE PATRIE
Cette série de trois articles fait suite à une série précédente dédiée à Leclerc, Patton et Montgomery.
Pour la première partie de cette nouvelle série, consacrée à Honoré d’Estienne d’Orves, suivre le lien ci-dessous
(2) BOB MALOUBIER
Selon son propre livre :
« AGENT SECRET DE CHURCHILL » (TALLANDIER) :
Robert dit Bob Maloubier ne dit que peu de choses de ses années d’avant-guerre, il nous emmène directement dans l’action de la Résistance. Il s’engage dans le SOE *créé par Churchill, et en continuité toute son existence semble être un long roman d’aventures. Après la Libération, il part en Extrême-Orient combattre l’ennemi japonais. Dès après la guerre il crée le corps des nageurs de combat dont il est le premier diplômé. Il devient par la suite une légende des services secrets français et écrit une dizaine de livres. Ayant eu l’honneur qu’il m’écrive, je conserve précieusement sa carte de visite portant l’insigne du Nageur de Combat numéro 1.
* Le service Special Operations Executive fut créé dès le début de la guerre pour, selon l’expression de Churchill, « Mettre l’Europe en feu », les territoires occupés par les nazis, indépendamment de l’armée et des services secrets britanniques. Le SOE fut rappelé à notre mémoire en 2008 par le film « Les Femmes de l’Ombre ». Cette même année, la traduction en français du rapport d’activités du SOE fut enfin autorisée. Le chef de la section F comme France du SOE était le colonel Maurice Buckmaster.
Dès après la préface de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, on entre dans le vif du sujet :
Devant, sur ordre, transporter avec une petite moto un passager inopportun, Bob Maloubier est arrêté par des Allemands car il fait nuit et le feu arrière n’est pas allumé. L’autre ne trouve rien de mieux que de partir en courant, laissant son conducteur s’expliquer avec les soldats, alors qu’une excuse banale aurait pu régler la situation. Ainsi devenus très soupçonneux, les Allemands emmènent Bob Maloubier vers la Kommandantur, eux en voiture et lui sur la moto avec un passager tenant son revolver tout contre sa nuque. Bob Maloubier parvient à s’arrêter suffisamment loin de l’entrée, simulant un défaut de freinage, et à profiter d’un instant d’inattention de son gardien tandis que les autres Allemands sont déjà à l’intérieur :
« Je me ramasse, je rassemble mes forces, je bande mes muscles et j’arrache du sol jusqu’à hauteur d’épaule les cinquante kilos de l’Oiseau Bleu, puis je les catapulte avec un hurlement sauvage dans les reins de l’Allemand. Il s’abat en poussant un couinement de porc égorgé. Je m’élance comme une flèche… Je redouble de vitesse lorsque la fusillade à laquelle je m’attendais éclate… un fulgurant coup de fouet me cingle les reins, me casse en deux, me projette en avant. La balle m’a frappé au niveau de la ceinture et a sûrement transpercé le poumon, le foie et l’intestin. Derrière moi, les Chleus galopent… les cris des chiens s’amplifient… Mon odeur, il faut que je la noie. Je me laisse glisser dans l’eau glaciale, je tiens bon. Enfin, je touche la rive opposée, m’agrippant à la terre boueuse où je m’échoue. Devant mes yeux s’étend un pré, plat, couvert de givre. Je rampe jusqu’à son centre, je m’y incruste, contre toute raison. Un pari qui s’est souvent révélé payant… à l’entraînement ! J’avais noté que les instructeurs qui figuraient l’ennemi n’imaginaient pas un instant qu’on puisse se cacher en pleine vue. Ils se contentaient de battre les taillis sans accorder un regard aux espaces découverts ! »
L’avion anglais avec lequel Bob Maloubier a rendez-vous provoque une alerte aérienne, à la suite de quoi tout se calme alentour… Le froid empêchant la blessure de s’infecter, et contre toute attente, Bob Maloubier survit après une longue période de souffrances et d’incertitude, sans possibilité d’examens et de soins appropriés, réfugié chez des amis qui préparent les dispositions pour son décès sans le lui dire.
Bob Maloubier est recruté par le SOE dans des circonstances rocambolesques : se trouvant en Algérie pour continuer la lutte et ami de Français compromis dans l’assassinat de l’amiral Darlan, il est sommé par des gendarmes de leur dire où ils se trouvent. Il prétend aller les chercher, traverse un bâtiment pour les rejoindre et tous s’enfuient vers la maison d’une délégation britannique où, pour échapper à leurs poursuivants, ils s’engagent dans le SOE. Ils évitent ainsi le tragique sort des Français gaullistes poursuivis par les flics du général Giraud et autres hésitants, que les généraux Eisenhower et Clark surnomment les « Fils de pute à foie jaune » et dont Winston Churchill dit : « Ils se haïssent les uns les autres plus qu’ils ne détestent les Allemands. Bien plus que de libérer la France, ce qui les intéresse, c’est le pouvoir ! » Belle représentation de la France auprès de nos alliés que cette clique des généraux Giraud, Chatel, Noguès, Bergeret et du gouverneur général Boisson, composant le « Conseil Impérial » créé par Darlan !
La phrase de Churchill semble, comme beaucoup de ses paroles, être toujours d’actualité…
À Londres, Bob Maloubier fait la connaissance de Violette Szabo, veuve du légionnaire Étienne Szabo mort dans les combats de Bir-Hakeim en 1942 et mère d’une petite Tania. Elle est aussi membre du SOE et voue aux nazis une haine sans limite. Le SOE emploie un nombre important de femmes et beaucoup d’entre-elles, dont Violette Szabo, ne verront pas la fin de la guerre. Bob Maloubier est l’un de ceux qui la voient partir pour sa dernière mission, où elle donne l’ordre à son subordonné de la laisser, blessée, plutôt qu’ils soient tous deux capturés.Il raconte ainsi le départ de Violette Szabo :
« À 6 heures du matin, sa tasse de café à la main, Violette prend une pose mannequin, taille cambrée, jambe arquée. Elle lisse son tailleur de gabardine : -moins pratique qu’un pantalon pour courir les maquis ! Mais à Londres on m’a sorti : « Les Françaises n’en portent pas, vous vous feriez remarquer ! » –Sois tranquille, tu vas faire sensation à Pompadour ! ricane Charles qui, s’adressant à Dufour, multiplie les recommandations : « Vous avez bien une roue de secours, un cric, assez d’essence ? Et conduisez lentement ! » Violette passe des bras de Charles à ceux de Jean-Claude, puis aux miens. Lorsque la traction démarre, sa Sten sur les genoux, elle nous adresse un grand sourire en nous soufflant des baisers. »
Le même jour, les nazis anéantissent Oradour-sur-Glane dont Bob Maloubier écrit :
« Le gigantesque panache de fumée qui s’élève se verra à cinquante kilomètres à la ronde. »
Voir mes articles citant Violette Szabo :
Après son second parachutage en France, Bob Maloubier combat aux côtés du colonel Georges Guingouin, le célèbre Résistant communiste du Sud-Ouest dont il parle ainsi, à propos d’un supposé détournement d’argent avec lequel le Parti communiste tente d’accabler celui dont il veut se débarrasser, après la guerre, parce qu’il n’adhère pas à la ligne de Moscou :
« Qu’est-ce que l’argent pour un apôtre tel que Georges ? Je revois ses lunettes rafistolées, ses bottines éculées, le béret verdi qu’il aurait donné à plus pauvre que lui. »
Pourtant, Bob Maloubier ne semble pas partager les idées politiques de Georges Guingouin.
Après la guerre, semblable manœuvre sera utilisée contre le colonel Rol-Tanguy et contre le colonel Passy -lequel fera plusieurs mois de prison injustifiés.
Effectuant de nombreuses opérations de sabotage, Bob Maloubier se trouve confronté au combat direct alors qu’avec ses camarades ils encerclent des Allemands :
« Un grand diable, athlétique, bronzé, gravit en deux bonds l’échelle du bus, atteint la mitrailleuse. –Quels cons ces Chleus ! hurle Charles… Halt, Dummkopf ! Le Dummkopf, le con, l’œilleton de ma carabine ne le lâche pas d’une ligne. Quand je pense à ma sainte femme de mère qui m’a toujours tenu, religieusement, à l’écart des engins de mort : « Ne tue jamais ! » Aujourd’hui, je tue, au nom de Gaston, de Fernand Bonnier, de Violette et des enfants d’Oradour désintégrés au phosphore. La main de l’acrobate empoigne la mitrailleuse ; elle pivote… –Feu ! hurle Charles… »
Demain peut-être les noms de nos martyrs, retenus individuellement ou fondus dans leur déjà si longue liste, se rappelleront à nos consciences pour effacer toute retenue d’un humanisme situé entre les parenthèses de circonstances d’exception que, tout autant que nos glorieux Anciens, nous aurions préféré éviter et pour lesquelles nous ne serons que peu préparés. Si l’inexpérience du combat nous désavantage, qu’au moins la certitude de notre bon, sain, juste et légitime droit nous guide afin de nous débarrasser sans hésiter de ceux qui n’ont plus d’humain que l’apparence. Si toutefois nombre de nos contemporains ne méritent pas notre combat, les enfants innocents et notre Patrie, la Terre de nos Pères, la France éternelle, eux, le méritent.
Bob Maloubier nous expose les risques de combattre avec des gens inexpérimentés, et surtout indisciplinés. Il narre ainsi :
« J’applique à la lettre le manuel de guérilla… Je prêche : « –Surtout, laissez le convoi s’engager… personne ne tire avant moi ! Ensuite, feu à volonté, pas plus d’une minute et repli à fond de train, avant que ces vieux roublards qui connaissent la musique ne vous encerclent, compris ? –Compris Cap’taine ! Les sous-bois baignent dans les senteurs de l’humus… Mon bazooka est bien calé à l’épaule. Un ronronnement familier naît : des moteurs à gogo. Et si, ce soir, je m’offrais un Tigre ? Un motard de pointe apparaît. Soudain : Taaratatac ! Une Sten crache… trop tôt ! Le blindé de tête freine des quatre fers, hors de portée de mon bazooka… Des mitrailleuses crépitent, des canons, des mortiers tonnent. La tête dans les épaules, je décampe en fendant les broussailles. »
Retenons que s’il est risqué de s’improviser combattant, la discipline, surtout envers les chefs expérimentés, reste la meilleure garantie d’efficacité et de survie.
Bob Maloubier est à nouveau blessé -peu gravement- en croyant faire prisonniers deux Allemands à vélo, alors que le soleil l’empêche de voir qu’ils précèdent un millier d’autres cyclistes (des Résistants qu’il sait non loin ne voient ni n’entendent ce qui se passe). Avec humour, il écrit :
« Convaincre mille Allemands qu’ils sont encerclés par un seul homme, est-ce bien raisonnable ? Une rafale claque. Frappé d’un coup de battoir, mon bras décrit un cercle. Ma carabine s’envole. Avant qu’elle touche terre, un pack me plaque au sol. Un ordre claque : la mêlée se débande. Un jeune lieutenant arborant l’insigne des troupes de montagnes, un edelweiss, me tend la main en souriant : « Désolé, il y a la guerre, vous savez !»
Bob Maloubier est libéré en échange de prendre le risque d’emmener des ambulances allemandes chargées de blessés graves jusqu’aux lignes tenues par la Résistance et les Alliés.
Il serait vain et inutile de prétendre résumer les diverses étapes narrées par Bob Maloubier dans ce livre passionnant, révélateur et historique. Son style direct, élégant et sobre, la présentation des personnages, l’explication simple des techniques, l’insertion évidente dans des circonstances historiques bien rappelées, la précision des détails importants amènent le lecteur à se défaire à regrets du livre, que ce soit pour une pause ou parce que la lecture en est terminée.
Bob Maloubier nous a quittés en 2015, à 92 ans, un âge improbable après une telle blessure mal soignée et une telle vie consacrée au service de la France.
Chacun peut trouver l’un de ses ouvrages, le lire et faire lire pour expliquer, démontrer encore et encore que nos Anciens ont lutté pour que la France vive libre, que leur héritage est confié à notre reconnaissance, à notre sauvegarde et à notre patriotisme afin de transmettre, à notre tour, un futur digne et prometteur à nos enfants.
Le premier article de cette série est ici :
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J’ai connu Bob Maloubier en 1969 à Lagos au Nigéria. J’avais six ans et c’était un ami de mon père qui travaillait pour Esso. Tout ce dont je me souviens c’est d’un grand monsieur moustachu poivre et sel qui me laissait nourrir son perroquet vert qui était dans une cage sur sa terrasse.
Des fils de pute à foie jaune, en se moment on n’en manque pas. Ces français qui haïssent d’autre Français et qui font amis avec l’envahisseur ennemi.
Comme quoi, vous les français, vous n’avez pas à rougir de vos anciens pour avoir combattu les nazis pour une France libre et les fascistes en Italie.
Aujourd’hui les ennemis sont aux pouvoirs et utilisent les autres comme ils disent, contre les peuples européens, en parlant d »humanisme avec 123 millions de pauvres et 45 millions de chômeurs, en laissant faire des agressions, des violes, des attentats par les autres en Europe et j’en passe les meilleurs avec la laxisme criminel et insupportable.
C’est une guerre livré par des escrocs dirigeants imposteurs aux pouvoirs, des ennemis d’intérieurs, arrogants et haineux contre tous les peuples européens.
En Belgique aussi nous avions nos héros, principalement dans la communication et rejoindre les différents maquis ou armées en Europe pour combattre l’ennemi Nazi et Fasciste et combien aussi de morts fusillés ou aux combats pour la liberté.
Aujourd’hui, le défis est à notre tour pour retrouver nos libertés en Europe, confisqué par des dirigeants traîtres et vendus.
Jamais je donnerai la main à ces ordures Fascistes aux pouvoirs qui veulent imposer de force une immigration totalitaire, destructeur de notre civilisation occidental et génocidaire, contre la volonté des peuples européens.
J’ai une tendresse particulière pour Violette Szabo, mentionnée dans l’article.
Puisque c’est ça, je vais, ce soir ou demain, re-regarder le film » Carve Her Name with Pride « .
( » Le film est basé sur le livre du même titre de R.J. Minney, qui relate la véritable histoire de Violette Szabo, agent des services secrets britannique Special Operations Executive, envoyée en France occupée pendant la Seconde Guerre mondiale. » )
le film : http://123hulu.com/watch/oxQnwNGn-carve-her-name-with-pride.html
Merci, Georges S., de me faire découvrir l’amiral Jubelin. Encore l’un de nos héros. Je me flatte aussi d’être connaisseur de la Seconde Guerre mondiale, mais on en apprend tous les jours.
Vent d’Est, Vent d’Ouest, vous pouvez aussi retrouver Noor Inayat Khan dans un roman intitulé « La Princesse oubliée » publié chez Robert Lafont. Le nom de l’auteur, que je ne connaissais pas quand j’ai acheté ce livre, me gêne quand même un peu. À vous de voir. Une école de Suresnes (Hauts-de-Seine) où elle habitait porte aujourd’hui son nom.
@ Pollet Daniel
Merci pour ce renseignement.
Et encore merci pour vos divers articles, grâce auxquels j’apprends beaucoup.
@ Pollett Daniel
Je suis allée me renseigner sur le Net concernant l’auteur du livre « La Princesse oubliée ». Je comprends vos réticences…
http://resistancerepublicaine.com/2013/12/12/a-saint-ouen-une-rue-porte-le-nom-dun-membre-du-fln-par-daniel-pollett/
Noor Inayat Khan : son nom est apparu dans un livre intitulé « Forfaitude » (titre en anglais). Si je m’en souviens bien il s’agissait d’une jeune femme issue d’une lignée royale (sultanat) indienne et soufie. Elle avait un père indien et une mère anglo-saxonne convertie à l’Islam soufi. D’après le livre, elle fut torturée et complètement défigurée par les Nazis avant de mourir au camp de concentration de Dachau. C’était une jeune femme sincère et désintéressée, comme tous nos héros patriotes. Ce livre m’avait beaucoup émue…
Daniel Pollett
Excellent article sur un homme brave que je ne connaissais, et pourtant je me flatte d’être connaisseur de la 2e.. Connaissez vous l’histoire de l’Amiral Jubelin (Marin de metier pilote de fortune)? Du reste quand on apprend ce que ces hommes ont fait en regardant la France et les français d’aujourd’hui, on pourrait presque se demander s’ils n’étaient pas en fait des aliens venus d’une autre planète.