Mediator, laboratoire condamné, les ministres vont-ils s’en tirer sans être mis en cause ?

Il a fallu 8 ans pour que la justice reconnaisse la responsabilité du laboratoire Servier dans les 2100 décès prévus à long terme  dus au Mediator, médicament contre le diabète et l’excès de graisse dans le sang, qui a été largement détourné pour être utilisé comme coupe-faim. Le benfluorex  étant  le principe actif du Mediator, vous trouverez ce nom dans l’article ci-dessous à de multiples reprises.

Saisi des demandes d’indemnisations de deux malades de 72 et 67 ans, le tribunal a estimé qu’à la date de la prescription du médicament, en 2003 et 2006, « l’état des connaissances scientifiques ne permettait pas d’ignorer les risques d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et de valvulopathies induits par le benfluorex » [son principe actif], et « la seule suspicion de ces risques » obligeait le laboratoire « à en informer les patients et les professionnels de santé », notamment dans la notice d’utilisation.

http://www.20minutes.fr/societe/1715047-20151022-mediator-justice-reconnait-premiere-fois-responsabilite-servier

Or, le scandale Mediator a duré trop longtemps pour que les ministres de la santé et leurs collaborateurs de l’agence délivrant les autorisations de mise sur le marché n’aient pas su.

Résumé de l’histoire du Mediator, qui touche tous ceux qui ont occupé des fonctions au Ministère de la santé entre 1997 et 2009, voire ceux qui étaient aux manettes dès 1976.

Ce qui saute aux yeux, c’est le nombre d’alertes qui ont été lancées, notamment par la revue Prescrire (totalement indépendante des laboratoires, elle… ), EN VAIN.

http://www.marianne.net/Mediator-critique-en-1976-des-sa-mise-sur-le-marche_a201386.html

 

Ce médicament, mis sur le marché en 1975, a été retiré en 1997 aux Etats-Unis ; en 2005 en Italie et en Espagne (la même année, déjà, la revue Prescrire  recommandait son retrait en France ). Il faudra attendre 2009 pour que cela soit fait.

 

Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Qui a eu intérêt à  ce que les laboratoires continuent à vendre à grande échelle ce poison pour les diabétiques en surpoids et pour ceux qui le prenaient comme coupe-faim ?

Les responsables, ministres et ceux qui délivrent les autorisations de mise sur le marché étaient forcément au courant puisque, en sus des signaux d’alarme tirés par Prescrire, une procédure d’alerte internationale automatique se déclenche quand un médicament est retiré du marché d’un Etat. Des procédures de pharmacovigilance sont centralisées au moins au niveau européen avec une base de données commune à tous les états membres (base de données ne fonctionnant pas ces jours-ci…  ) permettant de coordonner les retraits dans toute l’Europe.

Voir les sites européens et américains sur le sujet http://ema.europa.eu/   ; http://ec.europa.eu/dgs/health_food-safety/index_en.htm,  http://www.fda.gov/

Les autorités françaises étaient donc au courant des dangers encourus par les patients prenant du Mediator :

 

Tous les Ministres de la santé et les membres de leurs cabinets, toutes les autorités de contrôle des médicaments étaient donc au courant entre 1997 et 2009 et même, sans doute, dès 1976 !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ministres_fran%C3%A7ais_de_la_Sant%C3%A9

(Cela rappelle, évidemment, l’affaire Cahuzac, quand  Mediapart laissait penser que sa cagnotte suisse pourrait venir des labos pharmaceutiques qui le finançaient lorsqu’il était en charge de ces fonctions :

En juin 2013Mediapart affirme que Jérôme Cahuzac touchait des pots-de-vin entre 1988 et 1991 lorsqu’il travaillait pour le ministre de la Santé, Claude Évin : ces pots-de-vin auraient été versés pour obtenir des décisions favorables du ministère dans l’attribution de scanners et d’IRM (appareils d’imagerie par résonance magnétique) à des établissements de santé35. (source Wikipedia)).

 

Il semble que le Mediator ait bénéficié de nombreux soutiens, au fil des années et des changements ministériels, au gouvernement, jusqu’à ce que Xavier Bertrand arrive au Ministère de la santé en  2010  et  lance un cri d’alarme :

Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand recommande à tous ceux qui ont pris du Mediator de consulter un médecin. Selon la Caisse nationale d’assurance maladie, 500 personnes au moins ont déjà succombé à l’usage de cette molécule.

Pas le temps de souffler, ni de défaire les cartons. À peine franchi le perron du ministère de la Santé, Xavier Bertrand et Nora Berra, ministre et secrétaire d’État nouvellement nommés, ont eu à gérer la première crise sanitaire de leur ministère. Et pas des moindres. « Nous adressons un message à tous ceux qui ont pris du Mediator : ils doivent prendre contact et consulter un médecin traitant. Ce message s’adresse tout particulièrement à ceux qui en ont pris pendant trois mois au cours des quatre dernières années » a précisé Xavier Bertrand.

Décelé par l’Association française des diabétiques il y a deux ans et clairement mis au jour par la pneumologue brestoise Irène Frachon en juin dernier dans son livre « Mediator 150 mg. Combien de morts ? », le scandale explose aujourd’hui au grand jour. À la fois antidiabétique et utilisé comme coupe-faim par les personnes en surpoids, le Mediator a été mis sur le marché par le laboratoire Servier en 1975. Selon la Cnam, il serait depuis à l’origine de 500 à 1 000 décès et d’au moins 3 500 hospitalisations pour cardiopathie valvulaire. Il a été utilisé au total par 5 millions de patients, dont 2,9 millions pendant plus de 3 mois. « Quand le médicament a été retiré, fin 2009, 300 000 personnes en prenaient encore tous les jours et aucune d’entre elles n’a été informée des raisons de ce retrait », déplore Irène Frachon.

http://www.ladepeche.fr/article/2010/11/17/949992-mediator-consulter-votre-medecin-traitant.html

 

Qui, entre 1997 et 2009, savait ?

Les premiers ministres  ?

Lionel Jospin  du 5 juin 1997 au 7 mai 2002

Jean-Pierre Raffarin du 8 mai 2002 au  31 mai 2005

Dominique de Villepin  du 3 juin 2005 au 15 mai 2007

François Fillon du 19 mai 2007 au 16 mai 2012

 

Les ministres de la santé ?

Kouchner  du 5 juin 1997 au 7 mai 2002 sauf entre le 28 juillet 1999 et le 6 février 2001   où il a été remplacé par Dominique Gillot

Jean-François Mattei du 8 mai 2002 au 31 mars 2004

Philippe Douste-Blazy  du 1er avril 2004 au 31 mai 2005

Xavier Bertrand : du 3 juin 2005 au 26 mars 2007

Philippe Bas  du 26 mars 2007 au 15 mai 2007

Roselyne Bachelot-Narquin   du 19 mai 2007 au 14 novembre 2010

 

Qui était à la tête de l’autorité donnant les autorisations de mise sur le marché ?

En France, c’est l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), devenue  l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé(ANSM)  qui s’en charge.

Or, l’ANSM… dépend du Ministère de la Santé, cet organisme n’est pas indépendant, il obéit donc aux pouvoirs politiques qui peuvent être tentés d’obéir aux lobbies des laboratoires, les dits laboratoires ayant largement financé, du temps où c’était permis, des campagnes électorales… Et pas seulement, les collusions entre ministres et autres politiques et les laboratoires sont effarantes, effrayantes…

http://www.challenges.fr/entreprise/20130411.CHA8203/politiques-et-industrie-pharmaceutique-des-liaisons-inavouables-qui-depassent-le-cas-cahuzac.html

La conclusion de cet article de 2013 nous laisse de belles espérances…

La future loi sur la moralisation de la vie politique devrait permettre de tourner pour de bon la page. Mais ce n’est pas la première fois qu’on légifère sur le sujet, sous la pression de scandales publics. A la suite de l’affaire duMediator, le Parlement a ainsi voté en décembre 201 1, toutes affaires cessantes, une loi sur les confits d’intérêts. Seul hic, le texte n’a jamais été appliqué: la loi qui oblige les sociétés à rendre publics tous leurs liens avec les professionnels de santé est inopérante faute de décrets d’application. Au nom de la protection de la vie privée, les firmes ont réussi à faire un intense lobbying pour la bloquer. Il est vrai qu’ils bénéficiaient de quelques appuis. Jusqu’à présent.

Revenons au Mediator dont chacun aura compris, en lisant ce qui précède, que, hélas,  l’intérêt financier, en France, a été largement supérieur à l’intérêt du malade.

Extraits de Wikipedia, relatant la saga du Mediator, très clairs :

  • 2007 : Servier ne demande pas le renouvellement de l’Autorisation de Mise sur le Marché du Mediator en Italie37.

2007 : L’Autorisation de Mise sur le Marché est renouvelée en France (88 % des ventes mondiales de Mediator) pour le diabète, et supprimée pour l’hypertriglycéridémie. De nouvelles études sont demandées. Le dictionnaire des médicaments Dorosz mentionne le risque de valvulopathie sous Mediator.

 

Autorisations données par qui ? 3 ministres de la santé en 2007,Xavier Bertrand, Philippe Bas, Roselyne Bachelot

 

1971 :  Publication d’une étude sur « l’épidémie » d’HTAP survenue en Suisse à la suite de l’utilisation de l’aminorex comme coupe-faim25.

1973 : les laboratoires Servier font une requête à l’OMS pour que le benfluorex ne soit plus reconnu comme un dérivé amphétaminique anorexigène mais soit renommé « benzaflumine » ou « benflurate », mais leur demande est rejetée26.

1974 : Le Ministère de la Santé accorde l’autorisation de mise sur le marché(l’AMM) au benfluorex, non pour son action anorexigène, mais comme « adjuvant » au régime dans deux indications : hypertriglycéridémies et diabète chez les patients en surcharge pondérale5. En août 2011, deux anciens chercheurs du laboratoire Servier, Jean Charpentier et Jacques Duhault, déclareront aux juges que les caractéristiques anorexigènes du Mediator (du fait de sa nature amphétaminique) ont été cachées pour en faire un antidiabétique, afin de faciliter l’obtention de l’AMM27.

1976 : Mise sur le marché du benfluorex sous le nom commercial de Mediator pour les deux indications mentionnées en 1974 : hypertriglycéridémies en complément d’un régime, et chez lesdiabétiques en surpoids21.

1976 : Un article du mois de décembre 1976 de la revuePratiques souligne que le Mediator est un dérivé de l’amphétamine et que cette caractéristique, peu mise en évidence par Servier, doit être connue des prescripteurs, afin de surveiller les réactions des malades. L’article conclut : « Dans quelques années, quand on commencera à savoir un petit bout de la vérité, ça en fera déjà des millions de boîtes de Mediator vendues28 ! » La revue Pratiques ou les cahiers de la médecine utopique, du Syndicat de la médecine générale, publie de nouveau un article critique de trois pages, en février 197729.

1977 : Servier dépose une demande d’autorisation de mise sur le marché belge pour le benfluorex. Après évaluation du dossier, la Commission des médicaments belge émet un «avis défavorable» du fait de l’insuffisance de données relatives aux effets à long terme du médicament. Servier fait appel de cette décision30.

1977 : Henri Pradal, médecin et coauteur duDictionnaire critique des médicaments, édition 1977-1978, souligne la proximité des formules du Mediator et du Pondéral, et son absence d’efficacité attendue. (ref : rapport IGAS).

1978 : La Commission des médicaments belge confirme son« avis défavorable ».

Et pourtant, en France, personne ne s’émeut, les autorisations sont renouvelées systématiquement…

Septembre 1998 : À la demande des autorités sanitaires italiennes, le Mediator fait l’objet d’une enquête au niveau européen, dont la France et l’Italie sont les rapporteurs. Les interrogations portent sur la similitude chimique entre l’Isoméride(interdit à la vente) et le Mediator (benfluorex). Aucune suite n’est donnée à l’enquête42.

21septembre 1998 : Dans un courrier adressé au directeur général de l’Agence du Médicament, Jean-René Brunetière, trois médecins-conseils, le Professeur Hubert Allemand, médecin-conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), le Professeur Claudine Blum-Boisgard (CANAM), le Professeur Patrick Choutet (Mutuelle Sociale Agricole) écrivent : « Il nous apparaîtrait opportun de procéder à une réévaluation de l’utilité du Mediator dans la stratégie thérapeutique de la maladie diabétique et dans celle des hyperlipidémies. » « Il nous semble utile d’alerter l’Agence du médicament sur l’utilisation non contrôlée d’un produit de structure amphétaminique, dans un but anorexigène. Il est en effet assez paradoxal de constater que la prescription de Mediator est tout à fait libre, tandis que celle des médicaments du groupe des amphétaminiques est strictement encadrée depuis mai 1995 »42,43.

 

Février 2009 : Onze cas devalvulopathies sous Mediator sont signalés à l’Afssaps par le CHU de Brest.

3juin 2009 : Irène Frachon, médecin au CHU de Brest se rend à l’Afssaps à Saint-Denis, à un groupe de travail intitulé «Plan de gestion des risques et pharmaco-épidémiologie» et fait part de ses inquiétudes concernant le lien entre valvulopathies et prise de Mediator.

10juin 2009 : Après la réunion du 3 juin 2009 à l’Afssaps, l’épidémiologiste Catherine Hill adresse un courriel à tous les experts de l’Afssaps. Elle évoque un « signal particulièrement clair » entre la prise du benfluorex et valvulopathies. Elle juge « très peu prudent d’attendre pour agir » et note que « si nous étions aux États-Unis, le risque de procès serait très élevé ». Elle rappelle que le médicament a été retiré du marché en Espagne « pour les mêmes raisons » depuis plusieurs années54.

Juillet 2009 : Selon une étude d’Irène Frachon, duCHU de Brest, « 70 % des malades souffrant d’atteintes inexpliquées de leur valvule mitrale ont été exposés à une prise de Mediator, contre 6 % chez les malades ayant une cause connue de valvulopathie »49.

4septembre 2009 : Nouvelle réunion à l’Afssaps avec l’équipe du CHU de Brest. Il existerait un lien très fort entre valvulopathies et prise de Mediator54.

29septembre 2009 : La Commission nationale de pharmacovigilance de l’Afssaps conclut qu’il n’est pas possible de laisser les patients face à un tel risque.

7octobre 2009 : Malgré les alertes, une autorisation de mise sur le marché (AMM) est délivrée pour deux génériques du Mediator aux laboratoires Mylan et Qualimed54.

C’était Roselyne Bachelot qui était ministre….

Octobre 2009 : Une étude effectuée par laCaisse nationale d’assurance maladie à partir de sa base de données d’une cohorte d’un million de diabétiques montre que le risque de chirurgie valvulaire est multiplié par près de quatre pour les patients exposés au Mediator.

23octobre 2009 : La Commission Nationale de Pharmacovigilance de l’Afssaps note «un signal relatif aux anomalies des valvules cardiaques soupçonné depuis plusieurs mois par les données de pharmacovigilance». À la fin de la réunion, la Commission ne rend pas d’avis54.

Quid du principe de précaution ?Il va falloir encore plusieurs semaines avant qu’il y ait suspension… (et non interdiction…)

12 novembre 2009 : L’autorisation de mise sur le marché(AMM) du benfluorex (Mediator et ses génériques) est suspendue54.

25novembre 2009 : L’Afssaps décide de suspendre le Mediator55, ainsi que les deux génériques du Mediator qui venaient d’obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché le 7 octobre. Selon l’Agence, un seul cas confirmé de valvulopathie cardiaque associée au Mediator a été déclaré jusqu’à la fin 2008.

30novembre 2009 : Le benfluorex (Mediator et ses génériques) est retiré des pharmacies54.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Benfluorex

 

Il aura fallu 33 ans, oui, vous avez bien lu, 33 ans et des millions de patients intoxiqués au point d’en mourir pour un certain nombre d’entre eux pour que la France,bonne dernière, se résolve à suspendre la vente du Mediator, il faudra encore quelque temps avant qu’il disparaisse totalement…

Cela ne peut pas être le hasard, ni une succession d’incapables parmi les décideurs.

S’il reste de véritables journalistes d’investigation dans notre pays, ils ont du pain sur la planche. Mais peut-être que les plaignants qui ont obtenu la condamnation du laboratoire Servier auront la judicieuse idée d’aller plus loin, afin que les complices de Servier, tout autant responsables, soient identifiés et comparaissent en justice.

Christine Tasin  

 

 1,022 total views,  1 views today

image_pdf

4 Commentaires

  1. Encore une affaire qui a fait beaucoup de bruit pour finir par pas grand chose , beaucoup d’argent dépensé pour des procès ou personne n’est condamné ou si peu , beaucoup de battage merdiatique pour rien et les responsables toujours en liberté et vacants a leurs juteuses activités . C’est comme pour l’affaire du sang contaminé ou michel garetta a tenu le rôle de fusible , les autres coupables ne seront jamais inquiétés et continueront leurs carrières en toute tranquillité , l’un deux est toujours ministre actuellement , ” responsables mais pas coupables ” ( sic ! ) ça a marché .

  2. QUI avait intérêt à continuer la commercialisation du médiator ??? Mais le labo !!! Pour du fric ! L’homéopathie est sans danger, mais évidemment, contre le diabète elle est je crois, inefficace. par contre, comme coupe faim, elle peut donner des résultats, je ne sais pas, je ne l’utilise pas pour ça. Mais pour les “bobos”, je n’hésite pas. Haro sur les médocs et les labos empoisonneurs !

  3. Si Xavier Bertrand était ministre de la Santé du 3 juin 2005 au 26 mars 2007, il connaissait parfaitement les effets meurtriers du Mediator, lui qui a reproché à MLP d’avoir fait les poches de son père avec FP, que va t-il se voir reprocher ? D’avoir fait les poches de centaines de milliers de malades et de centaines de cadavres avec ses amis de Servier ?

Les commentaires sont fermés.