Le groupe de rock canadien « Metric » met en musique l’effondrement

 

Je les écoute depuis plusieurs années, trouvant dans leurs mélodies et leurs textes une résonance.

Metric fait assurément partie de cette constellation inspirante qui m’aide à vivre, canaliser mes émotions, engranger de la force, apercevoir la vérité, toucher la profondeur de l’existence et surtout sentir l’instant présent dans toute son exactitude…

25 ans de carrière, 8 albums, ne sauraient se résumer en quelques phrases. La discographie de Metric est riche et il s’en dégage une énergie particulière ainsi qu’une certaine étrangeté, un sentiment de décalage.

Quelques pépites méritent, me semble-t-il, d’être partagées. Le thème de l’effondrement, de l’anomalie est souvent exploré par ce groupe anglophone.

Comment ne pas être happé, à notre époque, par ce sentiment d’un effondrement du monde, d’une anomalie permanente, finalement une dystopie devenue réalité ?

L’art de Metric consiste aussi à dissimuler parfois sous une forme légère et acidulée cette noirceur recyclée, ce pessimisme réaliste transformé en musique énergique, en rock. Car c’est bien une forme de recyclage, de transformation ou plus poétiquement d’alchimie qu’il s’agit de réaliser : créer une énergie, un courant vital à partir de l’angoisse, du désarroi provoqués par une réalité sociale hostile, un monde sans repères qui écrase l’être humain, afin peut-être d’y trouver la force de le combattre.

Comment en effet cette alchimie peut-elle opérer s’il n’y a pas au bout du tunnel une lueur d’espoir ?

Or, il y a bien chez Metric cette dichotomie, cette opposition profonde entre une noirceur très présente et une lueur, voire une lumière qui apparaît comme une issue que l’on parvient à dégager, fût-ce un filament, celui choisi pour illustrer leur album « Fantasies » contenant les chansons « Sick muse » (muse malade, que Baudelaire aurait volontiers embrassée puis reniée) et « Help I’m alive » (au secours, je suis en vie).

L’ironie est sous-jacente lorsqu’ils font paraître en 2022 et 2023 deux albums intitulés « Formentera » I et II, du nom de la plus petite île de l’archipel des Baléares.

Loin des plages paradisiaques et de l’outrance lumineuse des Baléares, l’album est sombre, comme à l’accoutumée chez Metric, mais avec toujours en arrière-plan ce faisceau lumineux, ce filament qui soutient une force vitale diffuse, cette lumière entrevue au bout du tunnel, qui peut même se faire néon au milieu de la nuit sur une piste de danse…

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Je conçois bien sûr que tout le monde ne soit pas réceptif à cette musique résolument moderne. Dans leur album Formentera, les Metric ont choisi d’aborder par exemple le « doomscrolling », un mot intraduisible en français qui exprime l’émotion d’angoisse que l’on ressent lorsque l’on balaie sur son écran numérique les informations médiatiques, l’actualité, c’est-à-dire la charge négative qui résulte de l’absorption de toute cette violence sociale relatée qui nous entoure.

Il me paraît évident que cela parle à tout un chacun ici, face à l’accumulation quotidienne d’horreurs que nous apprenons sur l’état de notre pays et du monde. Ce sentiment que cette charge médiatique négative, reflet d’une réalité ensauvagée, d’un effondrement de la civilisation, produit, fait partie de notre quotidien. Et la rage qui en découle est le signe manifeste du fait que cette mort diffuse de la civilisation n’a pas encore triomphé. Quand il n’y a plus de rage, il n’y a plus de vie.

Face au « doomscrolling », la tentation peut aussi être de fuir, et de ne plus s’informer.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Doomscrolling

Certaines personnes ont commencé à faire face à l’abondance des actualités négatives en évitant complètement les actualités. Une étude menée entre 2017 et 2022 a montré que l’évitement des actualités est en augmentation, et que 38 % des personnes ont admis qu’elles évitaient parfois ou souvent activement les actualités en 2022, comparativement à 29 % en 2017[28].

Vous comprendrez sans doute mieux pourquoi j’ai tenu à partager avec mes amis de Résistance républicaine le grand intérêt sinon la passion que j’ai pour Metric.

Parfois, je me demande si certains contributeurs et commentateurs que nous lisions quotidiennement autrefois n’ont pas fini par arrêter de s’informer face à la nausée que suscite cette accumulation d’informations révoltantes.

Je ne peux finir sans consacrer quelques mots à la superbe chanson « All comes crashing« , littéralement « Tout s’effondre« .

« If all we knew came crashing down tonight, I’d be with you, and there’s no one I would rather be dying beside » chante Emily Haines, la principale interprète du groupe : « Si tout ce que nous connaissions venait à s’effondrer ce soir, je serais avec toi et il n’y a personne d’autre auprès de qui je souhaiterais mourir ».
Un bombardement, une fusillade, un attentat… Combien de victimes ont effectivement eu la peur de leur vie, sont effectivement mortes auprès de l’être aimé lorsqu’elles ont vu la fin de leur vie arriver ?
Je pense aux victimes de l’attentat du Bataclan par exemple, qui, lorsqu’elles essayaient de maintenir fermée la porte qui les protégeait des tueurs adorateurs d’Allah, se trouvaient auprès de leur conjoint, leur amoureux, et sachant qu’elles allaient mourir n’ont pu obtenir ce moment d’intimité final…
https://www.youtube.com/watch?v=_GesZGGvlNc

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7 Commentaires

  1. Formidable de voir un groupe actuel utiliser un bon vieux Synthé Modulaire Analogique « MOOG 55 »: un instrument unique, qui n’a pas pris une ride, et dont les compositeurs progressifs d’aujourd’hui s’arrachent les derniers exemplaires encore existants!…

  2. D’un point de vue musical, c’est remarquable! Cà me fait penser aux meilleures compositions de « Dépêche Mode » et de « Frankie Goes To Hollywood »… Du Rock Progressif comme on l’aime!

  3. Cette musique est angoissante.
    Elle nous transporte dans un univers parallèle où règne le néant.

  4. Merci Maxime . Je n’ai jamais été très « musique » et n’écoute plus le peu que je m’étais mis à écouter avec beaucoup de retard sur ma jeunesse, mais là je suis conquis.

  5. Merci pour le tuyau !
    Je ne connaissais pas, j’ai testé, j’adore et ai déjà commandé 2 CDs sur Amazon.
    Merci !

  6. Merci Maxime pour cette découverte, en effet les paroles de ce groupe ne sont pas du sucre fondu comme c’est souvent le cas, mais la musique, je ne supporte pas, elle me fait penser que son inspiration remonte à Kraftwerk, autre groupe allemand des 70′ c’est plus de la « techno » que du rock. Chacun ses goûts !