La "Catalogne" appartient à la France depuis le traité de Verdun de 843…

Illustration : le roi d’Aragon avait pour vassaux les seigneurs de presque tout le Midi proprement dit, et s’était fait le « protecteur » du comte de Toulouse. La carte proposée ci-dessus en illustration montre l’étendue de son domaine et explique son intervention militaire pour appuyer le comte de Toulouse contre les Croisés de Simon de Montfort.

La Catalogne, entre Hispania et Gallia

Les puissants qui dirigent les peuples sous un titre quelconque ont de tous temps cherché à étendre le territoire soumis à leur pouvoir, sous toutes sortes de prétextes. Que l’on se rappelle, par exemple, l’expansion de l’islam par les armes à partir du VIIe s., celle du royaume puis empire franc à sous les Carolingiens, les guerres d’Italie du XVIe s., celles de Louis XIV, celles de Napoléon Ier, pour répandre les “bienfaits” de la Révolution…

L’agitation indépendantiste en Catalogne me donne l’occasion de rappeler deux séries de faits historiques concernant les Catalans.

1 – De l’intégration du comté de Barcelone au royaume d’Espagne

Le comté de Barcelone fut une subdivision du royaume wisigoth en Hispanie. La conquête musulmane l’intégra à Al-Andalus à la fin du VIIIe siècle, mais il fut très vite repris par Charlemagne en 801, et intégré à la « marche d’Espagne », province frontière de l’empire carolingien. Ses comtes étaient alors nommés par les souverains carolingiens. Mais ils se succédèrent de père en fils à partir de 897.

En 985, le calife de Cordoue Al-Mansur attaqua et pilla Barcelone. C’est en vain cependant que le comte Borrell II appela à l’aide son suzerain Hugues Capet, ce qui lui permit de prendre une indépendance de fait.

Un siècle et demi plus tard, en 1137, l’un de ses successeurs Raimond-Bérenger IV épousa Pétronille d’Aragon, ce qui permit à leur fils de joindre le titre de roi d’Aragon à celui de comte de Barcelone, à partir de 1162.

C’est encore à la suite de son mariage secret en 1469 avec la future Isabelle Ière de Castille que Ferdinand d’Aragon, comte de Barcelone, devint roi de Castille en 1471, mais en laissant la réalité du pouvoir à Isabelle. Dès lors, Aragon et Castille furent définitivement unis.

Et en dehors de toute pression juridique ou politique, la langue catalane, qui jusqu’au XVe siècle affirmait par « och » (prononcé [ok]), comme les langues d’oc de France, adopta le « si » castillan, pour ne plus jamais revenir à « och » (Pr. Germán Colón, « La dénomination langue d’oc en deçà des Pyrénées », 1978).

Mais au temps de la Guerre de Trente ans (1618-1648), le Portugal et la Catalogne se voulurent indépendants de la Maison d’Autriche. Le premier choisit pour roi Jean de Bragance tandis que le 23 janvier 1641, les Catalans reconnaissaient le roi de France Louis XIII  comme comte de Barcelone et de Roussillon. Cependant, l’armée française envoyée pour prendre possession de la nouvelle province fut vaincue par les Espagnols. Il n’en resta que l’annexion du Roussillon lors du Traité des Pyrénées de 1648.

Mais en 1700, le roi d’Espagne Charles II, qui, sans enfant, était soucieux de maintenir l’unité du royaume, désigna comme son héritier le second petit-fils de Louis XIV, Philippe, et mourut peu après, le 1er novembre 1700. Hormis l’Empire, les pays européens approuvèrent. Mais les actions de Louis XIV sur l’environnement du jeune roi firent craindre à l’Empire et à ses alliés une liaison trop forte entre France et Espagne au détriment de leurs intérêts. L’Angleterre et la Hollande (tous deux sous domination de Guillaume d’Orange), l’Autriche, puis le Portugal déclarèrent la guerre à la France et à l’Espagne. D’où la Guerre de succession d’Espagne qui se traduisit dans le pays par une guerre civile, opposant notamment les Castillans, partisans des Bourbons, et les Catalans, partisans du candidat de l’Autriche.

Conforté par la victoire des siens, Philippe V appliquera une politique centralisatrice, réduisant les pouvoirs des provinces. Les Catalans le lui reprocheront, évidemment. Mais ne demanderont pas leur indépendance.

2 – Jusqu’en 1213, Catalogne et Aragon visaient le nord des Pyrénées

Le rappel qui précède a laissé de côté les visée médiévales des rois d’Aragon, comtes de Barcelone sur le sud de la France.

Le royaume de France avait été en quelque sorte institué par le traité de Verdun de 843 qui avait partagé l’empire de Charlemagne entre ses trois petit-fils ; Charles (le Chauve) avait ainsi reçu le royaume de l’ouest, de l’Atlantique à une ligne approximative Meuse-Saône-Rhône, et de la Flandre à la Navarre et à la Marche d’Espagne, au sud des Pyrénées.

On a vu plus haut que l’incapacité de Hugues Capet à aider le comte de Barcelone contre les musulmans avait abouti à détacher la Catalogne du royaume de France.

Mais le système féodal permettait toutes sortes de combinaisons de suzerainetés, au moins nominales, et occasionnait bien des conflits entre seigneurs, petits et grands. Ainsi, le XIIe s. fut marqué par des guerres incessantes entre les dynasties qui dominaient le Midi du royaume, princes d’Aquitaine, comtes de Toulouse et comtes de Barcelone, bientôt rois d’Aragon, avec toutes les manœuvres des vicomtes vassaux, des nobles et des bourgeois, qui profitaient des rivalités des grands.

C’est dans ce contexte que se développa l’hérésie cathare qui, bien au delà des aspects proprement religieux, mettait en péril les structures de la société. D’où la croisade menée contre les hérétiques à partir de 1208 par un petit seigneur de l’Ile de France, le fameux Simon de Monfort ; et le puissants choisissaient leur camp en fonction de leurs intérêts.

Or à ce moment-là, le roi d’Aragon avait pour vassaux les seigneurs de presque tout le Midi proprement dit, et s’était fait le « protecteur » du comte de Toulouse. La carte proposée ci-dessus en illustration montre clairement l’étendue de son domaine et explique son intervention militaire pour appuyer le comte de Toulouse contre les Croisés.

Mais ces « alliés » s’entendaient si bien que le 12 septembre 1213, le roi Pierre II d’Aragon attaqua sans l’accord du comte de Toulouse Simon de Monfort enfermé dans la petite ville de Muret. Et avec seulement mille cavaliers, ce dernier réussit à mettre en déroute la puissante armée adverse, dans un combat où Pierre II fut tué.

S’il avait gagné, plus beaucoup d’autres « si », le Midi français parlerait castillan, aurait connu la guerre civile de 1936-1939 et « bénéficié » du franquisme pendant 36 ans…

En tout cas, la défaite aragonaise fut la fin des « prétentions catalanes pour la domination du Languedoc et de la Provence » comme l’écrit sans ambages le linguiste valencien Lluís Gimeno Betí (Els origens de la llengua, Valence, 2005, p. 73) ; on peut le croire, car il ne cache pas davantage son adhésion aux thèses occitanistes, au point que, p. 69, il voit dans « la déroute de Muret, [le] début de l’occupation et du colonialisme français en Occitanie. » Sans doute ignore-t-il que ces terres appartenaient au royaume franc occidental depuis le traité de Verdun de 843 !

Conclusion : l’Histoire étudiée sereinement est bien dangereuse pour tous les discours des prétendus défenseurs des libertés des peuples !

 

Rappel : nos articles sur la Catalogne 

http://resistancerepublicaine.com/2017/10/01/des-blesses-en-catalogne-bien-fait-pour-leur-gueule-ils-navaient-qua-rester-chez-eux/
http://resistancerepublicaine.com/2017/10/07/ces-etranges-catalans-francais-de-droite-qui-volent-au-secours-des-pires-gauchistes-de-catalogne/
http://resistancerepublicaine.com/2017/10/06/excellent-numero-de-tete-a-clashs-avec-christine-tasin-catalogne-philippot-colbert-macron/
http://resistancerepublicaine.com/2017/08/21/catalogne-apres-le-coup-detat-du-23-fevrier-1981-celui-du-premier-octobre-2017/
http://resistancerepublicaine.com/2017/08/20/catalogne-nid-de-salafisme-plus-de-200-mosquees/

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12 Commentaires

  1. La Catalogne n’appartenait pas à la couronne d’ Espagne,
    quand Isabelle de Castille expulsa les Musulmans et les Juifs d’ Espagne ,
    en 1492-
    La Catalogne était autonome : les Juifs purent donc continuer d’y vivre en toute tranquilité .
    La Catalogne fut anexée à l’ Espagne en 1714.

  2. Mon colonel,
    Pour le plaisir de l’échange, si je peux me permettre un petit détail aujourd’hui sans importance, mais qui a joué un rôle certain dans l’histoire des relations entre la France et l’Espagne … en 1795 …
    Extrait de cette page
    http://cril17.eu/de-labsence-descendants-temple-lhistoire-de-france-8-juin-1795-3maj-0410
    « Et par un curieux paradoxe provoqué par l’actualité espagnole, comment ne pas se souvenir que l’Espagne avait exigé la libération des enfants de Louis XVI pour signer la paix avec la République et avait même offert de céder au Roi Louis XVII les provinces limitrophes de la France ( Navarre et Catalogne donc !… ) , lors des négociations du traité de Bâle, [ Voir L‘Europe et la Révolution française. IV, Les limites naturelles, 1794-1795 / par Albert Sorel (1842-1906) ]
    Et il est admis aujourd’hui que, selon l’hypothèse la plus probable, les révolutionnaires n’ont pas hésité, au cours des négociations préparatoires, à empoisonner le substitué de Louis XVII, qu’ils ne pouvaient plus livrer au roi Carlos IV, afin de signer le traité de paix avec l’Espagne, le 22 juillet 1795 ; et on sait que la mort de « Louis XVII » en juin 1795 a été accompagnée de celle du célèbre Dr Desault et deux de ses collègues Chopart et Doublet, tandis qu’un troisième médecin ami, le Dr Abeille, était obligé de s’enfuir précipitamment en Amérique pour ne pas subir le même sort …
    Merci pour votre bienveillante attention, avec mes hommages à la Dame Blanche de la République, ci-devant Présidente de RR !

  3. Qu’il serait bon de revenir à Pépin le bref et son père Charles Martell pour casser hors de Catalogne et de France les sarrasins.Je veux bien commander une armée, mais il en faudrait d’autres.

  4. Et même historiquement, la partie française de Catalogne (Septimanie) de notre cher ami Roudier fut définitivement libérée des berbéro-arabo-musulmans en 759 par Pépin le Bref fils de Charles Martel avec la prise de Narbonne !
    Mais pour remonter à Charles Martel, la grande victoire dont il n’est pas parlé dans l’Histoire est celle de Berre en 737 (nom d’une petite rivière de l’Aude), bien plus importante que celle de Poitiers. Elle bloque définitivement l’expansion musulmane en détruisant l’armée venue au secours de Narbonne. Si Poitiers est réputée, c’est l’arrêt d’une razzia organisée vers un des lieux les plus riches de l’Eglise, la basilique de St Martin de Tours. Poitiers-Tours est la deuxième défaite des musulmans après celle du siège de Toulouse en 721…
    Pour rajouter, dans la même année 737, Charles Martel reprit Avignon..
    Pour ajouter aux détails, quand à cette époque une ville était prise après s’être défendue, généralement les habitants étaient massacrés, ce fut le cas pour Avignon et Narbonne !

  5. héhéhé! comme tous les Ségadores, on récolte ce que l’ on sème….

  6. « DIRECT. Catalogne : entre 350 000 et 950 000 personnes à la manifestation anti-indépendance de Barcelone 8/10
    ……….
    ça y est! on est reparti pour un nouveau « Paso del Ebro »
    ay Carméla! Ay Carmééélaaa
    una noche el rio paso……………………..roum balaboum bam boum !! 😆

  7. Cette brillante leçon d’Histoire nous montre surtout… qu’il faut manier avec des pincettes les faits historiques, car on peut leur faire dire à peu près n’importe quoi: la Catalogne serait française ou la France serait catalane, ou la France du sud serait catalane ou que sais-je encore…
    Mieux vaut rester d’un prudence de Sioux et s’en tenir aux rapports de force actuels, c’est déjà bien assez complexe sans rajouter la sauce idéologico-historique ! L’Histoire peut éclairer la scène politique actuelle, mais elle ne peut pas la remplacer (les nationalistes catalans, tout comme les occitans, oublient régulièrement ce fait)
    Je pense que Jean sera de mon avis…

    • tout à fait d’accord, cette rétrospective est intéressante, mais ne pas faire des raccourcis abusifs

  8. Bonjour,
    Merci pour cette passionnante rétrospective.
    On découvre que, dans le sac et le ressac de la longue Histoire, il est de mauvaise foi d’isoler quelques dates (comme 1640 ou le 11 septembre 1714) dans un but de victimisation.

  9. Monsieur, les faits sont justes, l’interprétation douteuse… exemple: vous prétendez que le sort inversé d’une bataille en 1236 aurait fait parler castillan le sud de la France et l’aurait vu ravager par la guerre civile 700 ans plus tard! Il fallait oser le raccourci uchronique…
    De plus tout ceci parle de batailles et de traités: où sont les peuples, leurs langues et leurs cultures? Juste le petit remplacement du « oc » par le « si »: vous trouverez d’ailleurs « oc » sur les bulletins du referendum, car la langue occitane est proche du catalan, mais différente et toujours pratiquée dans les Pyrénées (val d’Aran).

    • Jean vous répondra, linguiste spécialiste du gascon il en connaît un rayon

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