« Le Royaume-Uni n’a pas de constitution écrite, et Theresa May a déjà signalé qu’elle voulait s’éloigner de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) » nous dit l’auteur de l’article de Taurillon publié dans nos colonnes récemment.
http://resistancerepublicaine.com/2016/10/25/revolution-a-londres-le-premier-ministre-veut-moins-detrangers/
Or, l’article du Taurillon comporte des lacunes à mon avis.
Quelles sont les raisons pour lesquelles May chercherait à se défaire de la CEDH ? Quels sont les textes qui l’indisposent ? S’agit-il, notamment, de la non discrimination de l’article 14 ?
Cela a cependant le mérite de souligner que sortir de l’Union européenne n’est pas tout, car le Conseil de l’Europe fait à certains égards double emploi avec l’Union européenne : si la Grande-Bretagne n’aura plus à craindre une condamnation de la CJUE lui imposant ainsi certains choix législatifs, elle reste exposée à une condamnation de la Cour EDH parfois pour les mêmes motifs, tant qu’elle n’a pas dénoncé la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention EDH) de 1950.
Cette perspective peut conduire les juridictions nationales à anticiper le risque de condamnation en optant pour la solution la plus favorable aux libertés individuelles (musulmanes notamment) et au détriment de considération d’ordre plus général, comme la sécurité, l’hygiène au travail etc.
On en a un exemple avec la Suisse, liée par la CEDH, mais qui ne fait pas partie de l’UE.
La Suisse a condamné un employeur ayant licencié une voilée parce qu’elle avait enfreint son interdiction de porter le voile au travail, interdiction motivée par des raisons d’hygiène.
http://www.tdg.ch/suisse/politique/porter-voile-motif-licenciement/story/31864101
Il n’en reste pas moins vrai que, tant qu’aucune loi n’est votée à ce sujet, ce sont les juges qui décident et ils n’ont pas besoin de la perspective d’une condamnation par la CJUE ou la CEDH pour décider ce qu’ils veulent au nom des libertés fondamentales. En effet, ce n’est pas parce que le Royaume-Uni n’a pas de constitution écrite qu’il a attendu l’Europe pour consacrer des libertés fondamentales. Les juges y ont un pouvoir de création considéré comme plus légitime qu’en France. D’ailleurs, l’Angleterre est le berceau des droits de l’homme avec le Bill of rights de 1689.
On en revient finalement à l’arlésienne de l’élection des juges ainsi qu’au referendum qui serait bienvenu sur ces questions qui touchent au « vivre ensemble » (ou au « vivre avec »…), à moins que le Royaume-Uni se dote d’une loi à ce sujet, comme c’est de plus en plus courant outre Manche. « L’avantage » qu’ils ont sur nous, à cet égard, est qu’ils ne connaissent pas le contrôle de constitutionnalité. C’est sans doute une donnée plus pertinente que celle avancée par les auteurs de l’article du « Taurillon »…
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