Quand le roman nous donne un bon cours d’histoire…

Les replis de l’âme ou le paradis perdu – extrait de l’oeuvre de Thérèse Zrihen-Dvir

La France et l’Europe en bloc faisaient un recul pour mieux examiner leur passé ombrageux, leurs prétendus méfaits contre les plus faibles, leur colonisation et sombrer illicitement dans le remords, la contrition, puis la soif de remédier le mal dont ils se sentaient, à tort ou à raison, coupables. Quelques-uns réclamaient même réparation et justice pour tous leurs crimes…

Ce qu’Adrien de son vivant avait constaté n’était que le début de l’effritement des colonies françaises sous la pression de leurs indigènes lesquels luttaient, l’arme au poing, pour se défaire du joug de la colonisation. L’indépendance de l’Algérie faisait suite à la hausse de la population indigène durant la colonisation française – environ 3 millions de musulmans pour 500 000 non-musulmans.

En 1960, l’Algérie comptait environ 9,5 millions de musulmans contre 1 million d’Européens non musulmans, dont 130 000 étaient juifs. Le conflit s’inscrivait dans le cadre du processus de décolonisation qui se déroulait vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela concernait pour la France, entre autres, les colonies d’Indochine, La Guinée, Madagascar, l’Afrique-Équatoriale française et l’Afrique-Occidentale française ainsi que les protectorats dont celui du Maroc qui obtint son indépendance le 2 mars 1956 et la Tunisie le 20 mars de la même année. Les empires s’effritaient.

La décolonisation ramena en France des hordes de fuyards de diverses religions, dont la majorité musulmane opta pour la citoyenneté française, avec son régime laïque. En son sein s’était toutefois ancré un clan vindicatif et rancunier à divers degrés. L’effet boomerang de ce clan se révélera au fil des ans.

Les années 1960-70 avec ses hippies, ses fleurs, ses Beatles et la chanson de John Lennon « Imagine all the people », devenue hymne à la paix, dénonçant les causes des conflits qui déchirent le monde comme la peur, le mépris, le dogmatisme, la cupidité, invitaient au rêve :

Imagine tout le monde vivant en paix.

Tu dois te dire que je suis un rêveur.

Mais je ne suis pas le seul.

J’espère qu’un jour tu nous rejoindras…

et que le monde vivra uni.

Pour Louis, contrairement à Adrien, le rebutant pot-pourri politique ne suscitait aucun intérêt. Ces petits contretemps n’allaient plus causer des révolutions, songeait-il… Il se trompait. Adrien avait vu clairement à travers ces changements, les pas de géant du progressisme suivi par l’arrivée en masse des ressortissants des colonies, une atteinte à l’hégémonie même de la France.

En parallèle, l’Europe, affranchie ou presque de ses juifs, allait maintenant connaître un aspect tout à fait antithétique en son sein : le communautarisme. Si les juifs vivaient partout et s’étaient admirablement intégrés, les musulmans n’étaient pas près de les imiter. Si au début, la proximité d’une culture exotique intriguait les Européens de souche, elle cessa de l’être lorsqu’il devint évident que ces populations n’avaient aucune intention de s’adapter aux us et coutumes d’une culture principalement judéo-chrétienne.

On vint à spéculer sur la futilité/l’inefficacité de l’identité, de la nationalité, des frontières… révélant l’évidence des prévisions acerbes d’Adrien.

Avec la mise en œuvre en 1985 de l’accord de Schengen (incluant les 26 États européens – 22 membres de l’Union européenne et 4 États associés, membres de l’AELE) un espace unique en matière de voyages internationaux et de contrôles frontaliers, où le franchissement des frontières intérieures s’effectue librement, sans passeport, sans inspection, engendra des pommes de discorde au fil des ans. Cet accord implique des dispositions de politique commune en vue du séjour temporaire des personnes, pour une durée de trois mois, de l’orchestration des contrôles aux frontières extérieures, de la coopération policière transfrontalière et de la coopération judiciaire.

Mais avec la crise migratoire en Europe de 2015, les contrôles aux frontières de dix États membres ont été provisoirement rétablis sur tout ou une partie du tracé, conformément aux dispositifs prévus par les accords qui permettent de déroger à la règle pendant 2 ans et 8 mois.

Le Schengen s’avéra pourtant inefficace pour contrôler la mouvance migratoire.

À la fin du second millénaire, des progrès bouleversants se profilaient, tant en termes de technologie que de politique. L’Amérique élisait un président noir, véritable pied de nez au monde occidental qui l’estimait raciste. Démocrate jusqu’au bout des ongles, ce président favorisait le multiculturalisme – existant déjà dans la majorité des pays d’Occident et aux USA – le mondialisme et le mariage pour tous. Dans les coulisses, c’était un islam radical rampant qui se profilait sous forme d’un cheval de Troie. L’islam possède plusieurs courants dont les plus impérieux sont le wahhabisme et le chiisme. Les deux luttent pour la suprématie, tant dans leur contrée qu’au-delà. Leur cible commune et principale : les pays d’Occident, les USA, le Canada, l’Australie – toutes les démocraties, là où les deux courants s’étaient déjà subrepticement implantés et comptaient maintenant quelques dizaines de millions de citoyens musulmans. Soudain, ils étaient partout, dans tous les domaines et même au sein des gouvernements. Les deux courants ont investi des sommes considérables dans l’érection de mosquées et de centres communautaires islamiques, ayant pour objectif la dissémination de l’islam en terre occidentale. L’échec des printemps arabes et leur dégénérescence en conflits armés et guerres civiles, en Afrique, en Libye et en Syrie, précipitèrent une émigration massive, débouclée, provenant des pays d’Afrique, en direction des pays occidentaux, menaçant de basculer l’étoffe et le régime démocratique de la population existante.

Aussi impensable qu’il le lui eût semblé, les prédictions d’Adrien se concrétisaient, lentement mais incontestablement.

N’étaiet-ce pas là après tout les portées du progrès, de la modernisation, du laïcisme ? Louis ressassait les mots étalés devant ses yeux sur le petit carnet. Il se demandait si cette situation grotesque n’allait pas finir par mener la France vers une guerre civile, ou vers une substitution pacifique de population qui renverserait alors la hiérarchie des pouvoirs et, de là, procéderait à une islamisation de l’Europe entière ?

Le cap était franchi.

Louis reprit le carnet de son père pour y inscrire ses propres impressions :

Je suis tout remué par ta lucidité, Père. Et dire que tu avais prédit ces changements que je croyais rocambolesques. Ils ne le sont pas : tiens, les Champs Élysées ne ressemblent déjà plus à ce qu’ils avaient été dans le passé. On se heurte trop souvent à de nombreuses femmes voilées et des hommes barbus, emmitouflés dans une longue robe, la tête enturbannée. Je tends à penser qu’un jour ou l’autre, ces nouveaux émigrants s’émanciperont à notre proximité. Ils essaieront de nous calquer, de nous ressembler, écrivit Louis, dominé par une tristesse infinie.

Le plus grand obstacle demeure pourtant leur foi qui visiblement les incite à vivre à l’écart de ceux qu’ils appellent « les infidèles ». Mais Père, la terre appartient à l’homme et à tous ceux qui vivent. Nous devons tous apprendre à nous accepter et accepter le partage. Rien n’est réellement éternel… Nous sommes tous d’éphémères visiteurs, appelés à nous reproduire pour perpétuer la succession de la vie sur terre. Comme tu l’as si bien dit, nous risquons la submersion et ce qu’elle entraînerait… dont l’imposition d’une foi et d’un régime non démocratique. Tout cela me semble encore trop loin. L’idée même d’un danger menaçant notre quiétude ne m’effleure que rarement.

L’aspect le plus embarrassant est notre attitude et celle des médias qui évitent de nous révéler certaines vérités de peur de décacheter le Djinn de sa bouteille. Sommes-nous si près du chaos, ou bien n’est-ce qu’une impression ? Beaucoup d’écrivains nous informent dans leurs études et leurs livres, l’arrivée de l’apocalypse. Brusquement, ils surnomment l’Europe Eurabia. Je suis désolé de t’annoncer qu’en parallèle, la laïcité a pris une ampleur inimaginable et les églises abandonnées sont converties graduellement en mosquées. Le mode de vie qui nous était familier se dissout au fil des jours. Nous avons aussi des restaurants halal, trop d’événements bouleversants ont lieu sur notre continent… Dans les classes d’école, on constate la présence de nombreux élèves noirs, des musulmanes voilées, des écoles coraniques ; une véritable révolution… Qu’en sera-t-il de notre patrimoine, de notre passé et de notre futur, si futur est possible dans ce capharnaüm qu’est devenu d’Europe. Et que dire sinon que l’antisémitisme reprend de vigueur…

Louis vivait en réalité un embryon de tout ce qui se tramait dans la sphère occidentale et dont les tentacules s’incrustaient avec frénésie au sein de la population. Les premières années du vingt et unième siècle demeuraient voilées, mais il ne faisait plus de doute que l’étoffe originelle de l’Europe allait radicalement changer. Détails que Louis reproduisait littéralement dans son carnet. C’était une France au bord de la révolte, de l’insurrection, du heurt des classes et des races… Une France appauvrie par une immigration rampante et son intégration, gangrenée par la terreur, luttant pour maîtriser la colère des Français de souche.

La race blanche, majoritaire en Europe, s’estompait, dominée par un métissage à outrance avec les autres races, d’où la création d’une race nouvelle de couleur indéfinie. Tandis qu’en parallèle, les États démocratiques œuvraient activement pour l’abolition de l’identité nationale, voire même du genre. L’événement le plus crucial et le plus navrant fut le réveil de l’antisémitisme dans une Europe qui se complaisait à croire que cette bête hideuse ne renaîtrait jamais.

Louis fêtait désormais ses quatre-vingt-dix ans. Il n’était guère d’humeur à se lancer dans d’infructueuses diatribes ou dans des échanges déprimants avec Hervé son fils, marié et père, qui se mesurait aux aléas des nouvelles règles gouvernementales. Nicolas, son petit-fils n’y trouvait aucun inconvénient.

 Cela m’est égal que mon voisin soit noir et musulman, répliqua-t-il à son père lors d’un de leurs débats houleux. Je suis athée et je respecte les croyances des autres. Pour moi, le monde doit devenir une nation unique, là où ni la race, ni la foi, ni les drapeaux, ni toute chose n’élèverait un obstacle qui évoluerait en conflit.

Comment comprendrait-il les combats intestinaux de son vieux grand-père ? se demanda Louis. Il n’a pas vécu à mon époque ni n’a connu de Grandes Guerres. Il est fait d’une autre étoffe, étant né avec une cuillère d’or dans la bouche, à une ère où les enfants ne contribuent pas au gagne-pain familial. Il a reçu le tout sur un plateau d’argent. Comment pourra-t-il voir les dangers auxquels nous nous sommes confrontés et prévenir leur récurrence ? Écœuré, il poursuivit,

 Pour atteindre cet objectif, cette étape idéale, il aurait fallu que la race humaine soit homogène… Or, elle ne l’est pas Nicolas, répliqua Louis, d’un ton coléreux, jetant un regard navré à cette génération qui s’écartait de toute logique. Estime-toi heureux d’avoir joui pour un temps, de la liberté. Qui sait ce que nous réserve demain ? Nous risquons de virer vers l’exposition à de nouveaux démons qu’il faudra combattre. Il suffit d’observer le recul de civilisation opéré en Iran pour comprendre les portées de ce que vous avancez sans réellement les mesurer ?

Puis observant son petit-fils, Louis ne put s’empêcher de se demander : est-ce faisable ?

Le vieillard reprit le calepin de son père et relit à haute voix les prédictions d’Adrien :

Tout ce processus est naturel et suit pas à pas les règles du progrès et de la modernisation. En réalité, ce qui nous semble à certains degrés, absurde ne l’est pas et nous ramène à l’homme dans son modèle préhistorique originel, lorsque le monde n’était pas divisé, n’avait aucune frontière, hormis celles naturelles, n’avait aucune bannière, alors que le concept ‘nation et patrie’ était inconnu mais se profilait insensiblement. La division s’est opérée par la suite entre les tribus, les clans qui formaient la population de la terre, face à la nécessité de se défendre et de protéger leurs avoirs, leurs acquis et leur culture. Cela n’empêcha jamais, le plus fort de tuer le faible et de s’approprier ses biens.

— Marque bien ces phrases, elles proviennent de mon père. Il avait prophétisé tout ce que nous vivons à l’heure actuelle. Il n’a jamais posé un pied dans une université… Il m’a assuré que l’histoire ne cesse de se répéter. Puis il poursuivit :

L’homme revient à reculons sur ses pas, après avoir tenté de trouver une solution qui conviendrait le mieux aux récentes aspirations qu’il se découvre graduellement. L’humanisme, dans sa connotation la plus correcte, est paradoxal au concept patrie, nation, peuple, culture. Si l’homme veut suivre ses instincts humanitaires, ce qui est fondamentalement noble, il doit se destituer de tous ces éléments qui formaient une clôture autour de son identité, de sa nation, son peuple, sa culture, sa foi. L’aspect déplorable de cette initiative entraînera inévitablement la perte de sa sécurité préliminaire et vitale et l’exposera à de nouveaux défis, dont en premier lieu, une conquête pacifique et lente de son territoire par ceux qui, hier encore, faisaient partie du tiers-monde. Son identité, sa nation, son peuple et son pays seront, de ce fait, remis en question, mais renaîtront sous d’autres identités. Inutile de te faire un schéma de ce deviendra le monde… C’est en quelque sorte, l’homme de la préhistoire en format moderne.

— Faudrait-il laisser notre histoire s’éteindre, notre identité disparaître, notre langue et nos mœurs être éclipsées ? Avec la perte de la langue vient la perte de nos terres… Jette un coup d’œil sur les pays qui ont cessé d’exister, leur langue est morte. L’hébreu par exemple était une langue morte. Il n’a ressuscité qu’avec la réinstallation des juifs sur leurs terres. Je comprends mieux aujourd’hui ce que les ancêtres de ce peuple ont éprouvé lors de la perte de leurs terres, de leur langue, de leur patrie, de leur temple… Je me sens un peu comme eux, déplumé. Je les ai vus embrasser les pierres gigantesques du mur des Lamentations, sans réellement en comprendre la raison… Nostalgie ? Histoire ? Ne sont-elles pas en fait, que des pierres ?

Du haut de son promontoire philosophique, Louis ne put que fermer les yeux, complètement fourvoyé par l’image qu’il se faisait maintenant du monde, des peuples, des races. Dans un élan de révolte, il les rouvrit vers le firmament et cria :

— Seigneur, je suis complètement désorienté. Je manque de solution à tous nos problèmes. Il doit pourtant en exister quelques-unes. Allons-nous progresser vers cet étrange kaléidoscope proposé par la guerre des étoiles (Star Wars), avec des extraterrestres peuplant toutes les galaxies ? Fiction, réalité ? Où en sommes-nous ? Quelle place pour l’être humain dans l’univers désormais ?

Il s’entendit dire soudain, tout au fond de son cœur : « Descends sur terre, Louis… Et retourne à la Genèse : tu y trouveras les réponses à tes questions ».

Louis rouvrit la Genèse sans perdre une minute. Là, sous ses yeux anxieux, il vit cette phrase si simple et si symbolique qui disait : « 7 – L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, Il insuffla dans ses narines un vent de vie et l’homme devint un être vivant.

L’homme a été créé à partir d’une poignée de sable. Il n’est que du sable ayant reçu une âme. À sa mort, il redeviendra poussière… Ces pierres qui forment les soubassements du mur des Lamentations, des pyramides, des anciens vestiges d’autres peuples disparus, sont faites à base de ce même sable (rochers), qui n’est autre que la substance dont est fait l’homme et à laquelle il retourne à sa mort. C’est de là que ces pierres, toutes les pierres, détiennent leur sainteté puisqu’elles sont les restes de toutes les générations des humains, animaux et végétaux ».

La gorge nouée, les yeux humides, il conclut dans un souffle de désespoir : « nous sommes tous faits de sable ; ces pierres qui nous entourent ont possédé une fois une âme, puisque faites du même sable duquel l’Éternel a créé tout Son cosmos. Le sable que nous foulons à nos pieds, c’est ce qui reste de tout ce qui vivait sur notre planète : les hommes, les plantes, la faune, les bêtes, tout n’est que sable… Un sable qui a pourtant reçu le souffle de la vie. Ce qui explique le lien de la nature humaine, animale et végétale avec le Créateur.

Avec le souffle de la vie, le Créateur nous transmet cette étincelle, particule, molécule divine qui nous dicte nos fonctions et en même temps nous relie à LUI. Nous faisons donc partie du Créateur lui-même. Tout comme le corps se rattache à la cervelle pour tirer toutes ses fonctions, dont celles du parcours et de la structure de tout l’univers et de toute la création selon les règles décrétées par le Créateur, nous ne pouvons que faire partie du Créateur lui-même… Tout gravite autour du Génie Divin. C’est la raison pour laquelle le corps se désintègre à sa mort puisqu’il n’est que sable ; mais pas l’âme, elle est divine et elle refait le chemin inverse vers le Créateur qui l’insufflera à nouveau à d’autres formes, qu’elles soient humaines, animales ou végétales : réincarnation.

Cette étincelle/particule ou molécule/souffle sera dotée d’une intensité particulière adaptée à la nature de celui et de celle qui la recevra de l’Éternel, puisque rien ne Lui est inconnu, ne Lui est secret. C’est pourquoi dans nos prières, nous déclarons : Béni soit Ton nom, Créateur de toutes les âmes, de toutes les formes, Maître de tous les actes. Ce souffle définira le futur de chaque âme…

Si solennel est l’adage : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme… »

Un Dieu impersonnel est une pure invention des professeurs de philosophie, un mot vide de sens pour contenter les niais et faire taire les cochers de fiacre, a pu écrire le philosophe Arthur Schopenhauer.

Le livre est disponible chez l’auteur.

Thérèse Zrihen-Dvir 

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