
Interviewé à la télévision le 5 octobre 2024, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a déclaré, en parant de la période coloniale : « L’Algérie a été choisie pour le vrai Grand Remplacement qui est de chasser la population locale pour ramener la population européenne. Combattre l’Islam pour christianiser l’Algérie ».
Le problème c’est qu’il s’agit d’une falsification de l’histoire. Certes, il n’est pas le premier à inventer un « roman national » servant ses intérêts et, comme disait Goebbels : « Plus un mensonge est gros, plus il passe « .
Ses propos réducteurs traduisent soit une méconnaissance de l’histoire, soit une volonté d’entretenir une haine de la France, la rendant responsable de tous les échecs de son régime, et ils sont nombreux ! Une propagande hélas quasi constante depuis 1962.
Ses propos font écho à un article du blog ci-dessous, à destination de la population musulmane de France, prétendument « victime d’islamophobie » et qui n’hésite pas à parler de « génocide« , un terme bien à la mode chez les tenants de La France Insoumise, pour expliquer une prétendue chute de population entre 1830 et 1872 …
Le problème est que ces accusations reposent sur des données démographiques pour le moins fantaisistes. Il faut se référer à un travail de fourmi mené par le CNRS sur la question des données démographiques algériennes pendant la période coloniale. L’auteur, Kamel Kateb, chercheur démographe à l’INED, a écrit dans « Histoire et Mesure (1998), la gestion statistique des populations dans l’empire colonial français. Le cas de l’Algérie » : « Tous les auteurs s’accordent sur le peu de crédibilité des résultats dès qu’il s’agit des populations autochtones« . Il ajoute qu’il n’existe aucun dénombrement fiable avant 1886 en dehors des villes et des zones urbanisées.
Admettons la véracité des ordres de grandeur utilisés par nos détracteurs : soit 4 millions d’indigènes en 1830. Cette population est passée à plus de 10 millions en 1962, soit une augmentation de 150 % alors que dans le même temps, la population de la France métropolitaine est passée de 33,3 millions en 1830 à 46,6 millions en 1962, soit une hausse de 40 %. Pour un génocide orchestré, on fait mieux !
L’article évoque « l’effondrement démographique entre 1860 et 1871 » et sous-entend qu’il serait lié à une politique d’élimination des populations autochtones. Ceux qui connaissent l’histoire de France savent qu’il s’agissait du Second empire et que la politique de Napoléon III était une politique d’émancipation des populations arabes et de défense de leurs intérêts contre les appétits de certains colons convoitant toujours plus de terres.
Il faut plutôt en rechercher la cause dans l’épidémie de choléra de 1867 qui a laissé de nombreux orphelins dans les régions côtières d’Algérie.
https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/le-royaume-arabe-d-algerie/
On dit que l’Algérie fut une colonie de peuplement. Rappelons que les habitants d’origine européenne n’ont jamais représenté plus de 10 % de la population totale. En matière de Grand remplacement, on fait mieux ! À titre de comparaison, sur 11 millions d’habitants, l’Île-de-France compte 2 millions d’individus de confession musulmane, soit presque 20 %.
Même si à certaines époques, des facilités ont été offertes aux Européens pour s’installer dans l’Algérie coloniale, les succès de cette politique ont été plutôt limités.
https://shs.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2018-1-page-81?lang=fr
Ce sont surtout des événements historiques qui expliquent quelques pics d’immigration vers l’Algérie : les révolutions de 1848 en Europe, la défaite de 1870 qui a conduit des Alsaciens à s’installer en Afrique du Nord plutôt que de devenir allemands et la guerre d’Espagne, qui a vu nombre de « républicains » vaincus par Franco s’installer en Oranie.
https://www.persee.fr/doc/emixx_1245-2300_2009_num_3_3_858
À vrai dire, l’Algérie coloniale n’a jamais été très attractive, en comparaison avec l’Amérique du Nord, sauf pour les plus démunis des campagnes françaises en proie à l’exode rural durant la révolution industrielle. La rudesse du climat de la colonie, les épidémies, la pauvreté des infrastructures, l’insécurité y sont pour quelque chose.
Quant à la volonté délibérée d’anéantir les populations locales, il faut être honnête : la question a traversé l’esprit de certains politiques au milieu du XIXe siècle (et ce n’est pas à leur honneur). Mais, nous dit l’article, jamais aucune décision politique n’a été prise en ce sens. On rapporte qu’Alexis de Tocqueville (député de Valognes sous Louis-Philippe puis sous la Deuxième République, puis ministre des Affaires étrangères ) s’y était fermement opposé, pour des raisons que l’on qualifierait aujourd’hui d’humanistes. Il dit : « Ne recommençons pas en plein XIXe siècle l’histoire de la conquête de l’Amérique. N’imitons pas de sanglants exemples que l’opinion du genre humain a flétris. Songeons que nous serions cent fois moins excusables que ceux qui ont eu jadis le malheur de les donner ; car nous avons de moins qu’eux le fanatisme, et de plus les principes et les lumières que la Révolution française a répandus dans le monde« .
L’autre raison moins louable rapportée par Maurice Wahl (géographe de l’Algérie) était de penser que la population indigène serait utile à la colonisation dans la mesure où elle fournirait une main-d’œuvre bon marché. Il ne faudrait pas oublier pour autant les expéditions militaires punitives, parfois abusives, les razzias, qui avaient pour but de réprimer par la peur, les tentatives d’insurrection et de contestation de la colonisation.
Quant aux allégations de volonté politique de christianiser l’Algérie, on est dans le pur fantasme. Cette idée a en effet très vite été abandonnée. Vous me direz : « Et les Pères Blancs ? »
Sans oublier que, jusqu’à la conquête arabe, l’Afrique du Nord a été le bastion de la chrétienté, l’œuvre des Pères Blancs s’inscrit dans une vaste politique de missions, tant en France que dans les colonies pendant le dernier quart du XIXe siècle. En Algérie, ils se sont consacrés à l’éducation des orphelins, suite à l’épidémie de choléra de 1867 mais aussi à l’évangélisation des populations du Sahara. Le tout dans la droite ligne du catholicisme social, mais également dans le but de pallier aux criants besoins d’instruction et de santé. De là à dire qu’il y eut une volonté de « combattre » l’Islam en Algérie, il n’en a jamais été question. D’ailleurs, dès 1830 la Convention de reddition adressée au Bey d’Alger entendait respecter le libre exercice de la religion musulmane. Hors de question de substituer la croix au croissant ! Cette politique ne fut d’ailleurs jamais battue en brèche. De manière constante et même à l’époque du célèbre Cardinal Lavigerie, évêque d’Alger, les dirigeants français redoutaient à juste titre qu’un prosélytisme ostentatoire ne suscite un rejet massif des Français par les populations musulmanes.
https://www.oasiscenter.eu/fr/peres-blancs-et-islam
Les propos fallacieux du dirigeant actuel de l’Algérie sont pourtant passés comme une lettre à la Poste. Or qui ne dit rien consent et c’est bien cela le drame. À croire que les intellectuels français, sans parler des politiques (sauf peut-être Sarah Knafo), sont dans une culpabilité plus ou moins consciente par rapport à l’aventure coloniale algérienne qu’ils connaissent peu, alors qu’il s’agissait simplement de rétablir une vérité historique et de ne pas être complice d’une propagande mensongère, nous faisant passer pour d’horribles racistes. Ce n’était pourtant pas très compliqué de remettre Tebboune à sa place !
On laisse des discours de haine contaminer les esprits. Pourquoi s’étonner alors de voir surgir des comportements revanchards dévastateurs ? La culpabilité postcoloniale s’est transformée en un laissez-passer pour agresser, violenter, piller voire assassiner des « roumis » pris au hasard.
Les « nique-la-France » ne sont rien d’autres que ces esprits contaminés, auto-transformés en justiciers de l’Histoire. À qui profite le crime ? Certainement pas au peuple algérien qui n’aspire qu’à des relations apaisées avec la France, leur seconde patrie, qui l’a fait entrer dans la modernité après des siècles de domination ottomane. C’était d’ailleurs le vœu pieux du général De Gaulle, lui qui rêvait d’une indépendance « avec la France » et non « contre la France ».
Hector Poupon
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Après les accords d’Évian, nous avons pu croire que c’en était fini avec ce pays. Hélas, il n’en est rien. On aurait aimé pouvoir oublier un jour. On aimerait pouvoir oublier tout court. Mon père, militaire de carrière, décédé en 2006, qui a fait entre autres la guerre d’Algérie, a eu cette phrase. Quand un peuple réclame son indépendance, méfiance, c’est pour mieux t’occuper ensuite.
Bien d’accord, la guerre d’Algérie n’est ps terminée. Elle se poursuit sur le sol français
L’historien britannique James McDougall à propos du rapport de la France avec l’Algérie : « La politique mémorielle est aujourd’hui bien plus rentable en France qu’en Algérie »
Le Président algérien a bien raison d »affirmer que l’Algérie est l’épouvantail derrière lequel marchent la Droite et l’Extrême-Droite Françaises