Ceux qui négocient avec les islamistes les légitiment

Traduction d’un article de « Jacobin MAGAZIN »

Ceux qui négocient avec les islamistes les légitiment

Après l’attentat de Solingen, la coalition « feu tricolore » a conclu un accord d’expulsion avec les Talibans par l’intermédiaire du Qatar. Cela ne permettra pas de maîtriser le danger. Car l’islamisme n’est pas un problème migratoire.  

 

Ilyas Ibn Karim

L’attentat de Solingen, lors duquel un homme d’origine syrienne a tué trois personnes, a déclenché une nouvelle fois une discussion sur la migration, les réfugiés et l’islamisme. Le chef de la CDU, Friedrich Merz a proclamé une « situation d’urgence nationale ». Pour de larges parties des milieux politiques, du Gouvernement jusqu’à l’opposition, le fautif semble rapidement trouvé : la migration non réglementée. Issa A. est arrivé en 2022 en Allemagne par la route des Balkans et aurait dû en fait être transféré en Bulgarie via la procédure Dublin. On en tire à présent la conséquence que les réfugiés amènent l’islamisme dans nos murs. Merz en rajoute encore une couche et demande un arrêt complet de l’accueil de gens de Syrie et d’Afghanistan.

La coalition gouvernementale en feu tricolore fait elle aussi chorus avec le mouvement. Le ministre des Finances, Christian Lindner demande des restrictions rigoureuses pour les demandeurs d’asile, et le ministre fédéral de l’Intérieur, Nancy Faeser annonce les premières expulsions vers l’Afghanistan depuis la prise de pouvoir par les Talibans. Dès le premier semestre de cette année, le Gouvernement fédéral a déjà procédé à 9 465 expulsions. Le Cabinet Scholz tient sa promesse « d’expulser à grande échelle ». Cela nous protégera-t-il d’autres attentats en nous évitant une radicalisation islamiste ? Sans doute que non. Aucune de ces mesures n’arrêtera la radicalisation islamiste. L’islamisme est aussi bien un problème mondial que local. Mais ce n’est pas un problème migratoire.

La majorité des islamistes classés comme dangereux agissant en Allemagne détiennent un passeport allemand. Cela ressort d’une réponse du Gouvernement fédéral à une Petite Interrogation par le groupe parlementaire de l’AfD en mai de cette année. L’islamisme n’est pas une « importation » par conséquent et il ne disparaîtra pas non plus si on tente de l’expulser vers un autre pays – et vers quel pays expulser des gens comme Pierre Vogel ? L’accent doit être mis sur les causes de cette radicalisation. On ne devient pas criminel uniquement à cause d’une autre empreinte culturelle. Les causes de la radicalisation islamique sont avant tout de nature psychosociale.     

Réaction de défense contre un sentiment d’impuissance

Le chercheur britannique en sciences sociales Tahir Abbas voit un besoin d’appartenance et d’identité comme catalyseur principal de la radicalisation. Ce besoin est provoqué par un sentiment d’exclusion sociale par exemple par suite d’expériences racistes. Ces personnes éprouvent un sentiment d’inutilité susceptible d’être renforcé par des influences extérieures telles que des problèmes économiques. Beaucoup se sentent impuissants, ce qu’ils compensent de leur côté par l’usage de la violence.

Selon les éducatrices sociales et chercheuses en extrémisme, Winnie Plha et Rebecca Friedmann, des groupements réactionnaires « aident » à surmonter des conflits intérieurs. L’idéologie fournit des réponses simplistes à l’environnement incompréhensible et augmente l’amour-propre. Cependant, ces conflits internes ne sont pas vraiment résolus. La personne concernée continue à être dépendante du groupe pour trouver soutien et stabilité.

Les personnes influencées par des idéologies réactionnaires souffrent, à en croire Plha et Friedmann, d’un sentiment de frustration, de culpabilité et de honte. En réaction, certains deviendraient violents. De nombreux jeunes islamistes montraient déjà avant leur radicalisation des caractéristiques antisociales. L’idéologie islamiste propose un groupe ennemi à ce potentiel de violence. La projection de ces conflits internes sur un groupe ennemi extérieur serait à son tour « récompensée » par un sentiment de reconnaissance et d’appartenance.

« Il n’y a jamais eu d’honnêtes préoccupations à légitimer indirectement un régime islamiste au travers de négociations. Tant que les Qataris négocient en notre nom, il ne semble plus y avoir de réserves. »

Il est important de souligner ici qu’on n’observe pas ces aspects exclusivement dans le cas d’une radicalisation islamiste. L’idéologie qu’on choisit finalement dépend en premier lieu de « l’offre » et de la biographie personnelle. Comme les groupements islamistes abordent avant tout la réalité de la vie de jeunes Musulmans d’origine migratoire, c’est leur groupe cible primaire.

Au plus tard depuis 2015, on discute également d’un possible rapport entre inégalité socioéconomique et radicalisation islamiste. Beaucoup de ces djihadistes européens partis en Syrie en 2015 pour s’y rallier au groupement dit ÉI émanent de milieux sociaux et économiques désavantagés. Pour citer des noms, il s’agit des banlieues parisiennes, du quartier bruxellois Molenbeek ou de Dinslaken en Rhénanie du Nord-Westphalie. L’inégalité sociale peut-elle être le détonateur des conflits internes susvisés ? Le chercheur en sciences politiques, Heiner Vogel met en garde contre des concluions prématurées. L’insatisfaction et la frustration de jeunes islamistes se fondent en règle générale plutôt sur une perception subjective de l’inégalité, selon Vogel. Entre attentes de valeurs et droit à valeur existerait un véritable fossé. Un désavantage socioéconomique serait absolument susceptible de renforcer cette perception.

L’endoctrinement islamiste ne thématise pas par contre l’inégalité sociale. Finalement, toute allusion à la lutte des classes et aux réalités de la vie d’autres groupes migratoires ou marginalisés éloigne de l’identité musulmane. La politique des Verts pourrait aborder la question ici. Des modèles explicatifs alternatifs, une identification en fonction de la classe sociale, et de nouvelles communautés offrant un soutien, peuvent faire la différence ici. Vont au contraire à l’encontre du but recherché des mesures renforçant encore davantage une exclusion sociale et un isolement de certains groupes. Un exemple à cet égard est représenté par des réductions radicales des prestations aux réfugiés selon le principe du minimum « lit-pain-savon ». 

Loin des yeux, loin du cœur  

Issa A. aurait en fait dû être expulsé vers la Bulgarie selon la procédure Dublin. L’indignation quant à l’expulsion ratée est grande, car elle aurait pu empêcher un attentat à Solingen. Mais comment cela aurait-il été à Sofia ou une autre ville bulgare ? La disposition à un tel acte sanglant ne dépend pas de l’endroit. Cette indignation souligne toutefois la devise derrière la logique d’expulsion : « Loin des yeux, loin du cœur ». Surtout pas chez nous. Peu de temps après l’attentat de Solingen, le gouvernement en feu tricolore a annoncé avec fierté expulser à nouveau vers l’Afghanistan. Vendredi dernier, 28 personnes ont été renvoyées en Afghanistan par les airs.  Ce sont les premières expulsions vers ce pays depuis la prise de pouvoir par les Talibans islamistes il y trois ans.

Il y a peu de temps encore, cela était impensable. Le Gouvernement fédéral ne voulait en aucun cas négocier avec les Talibans. Ce tabou est tombé maintenant, même si c’est le cas via le Qatar comme médiateur. Dans la pratique, le résultat probable sera le même, mais on peut se persuader de ne pas avoir perdu la face. Finalement, on n’a pas parlé directement avec eux ou s’est même laissé prendre en photo avec eux. Et c’était finalement le seul souci.

Il n’y a jamais eu d’honnêtes préoccupations à légitimer indirectement un régime islamiste au travers de négociations. Des réserves sur le plan du droit international au regard des expulsions vers l’Afghanistan n’ont jamais représenté un véritable obstacle. Le problème était plutôt que le fait de s’asseoir à une table avec les leaders des Talibans ne cadrait pas avec le concept publicitaire de la « politique extérieure féministe ». Tant que les Qataris négocient en notre nom, il ne semble plus y avoir de réserves. On n’hésite pas à s’abaisser à parler avec le diable, comme le formule Merz. Et quel diable c’est !

Amnesty International a sévèrement critiqué les expulsions vers l‘Afghanistan. L’organisation de défense des droits de l’homme reproche au Gouvernement fédéral de contrevenir à ses « obligations en matière de droit international ». L’Afghanistan et la Syrie continuent à ne pas être des pays d’origine sûrs. Concernant le régime taliban, Amnesty écrit que « des exécutions sommaires, des disparitions et des tortures y sont à l’ordre du jour ». Expulser vers un tel régime terroriste, c’est également une forme de légitimation de ce régime précisément. La semaine dernière encore, les Talibans ont promulgué une nouvelle « loi de la vertu » interdisant aux femmes d’élever la voix en public. Le fait qu’Annalena Baerbock, ministre des Affaires étrangères ait bruyamment condamné cette loi la semaine dernière encore laisse aujourd’hui une impression de cynisme.

« L’islamisme tue », a écrit Baerbock sur Instagram après l’attentat de Solingen. Mais cela semble en fin de compte dépendre de la personne précise qu’il tue et de l’endroit où il tue. Tant que cela se passe en Afghanistan, en Syrie ou peut-être même en Bulgarie, ce n’est pas notre affaire, selon la devise. Mais l’islamisme est un problème aussi bien mondial qu’allemand. Seules des mesures contrevenant à la radicalisation en Allemagne même peuvent aider de façon pérenne. Une suspicion généralisée à l’encontre de groupes entiers de même origine et des accommodements louches avec des régimes islamistes représentent la mauvaise voie.

Traduction de Jean Schoving pour Résistance républicaine

https://www.jacobin.de/artikel/solingen-abschiebungen-afghanistan-islamismus

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3 Commentaires

  1. L’islamisme c’est l’intégralité de l’islam appliquée !

    Il faut interdire l’islam, une idéologie terroriste totalitaire… à la conquête du monde.

    8/39. Et combattez-les jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus d’association, et que la religion soit entièrement à Allah…

    61 : 9 – C’est Lui (Allah) qui a envoyé Son messager (Mahomet) avec la religion de vérité, pour la faire triompher sur toute autre religion, en dépit de l’aversion des associateurs (polythéistes ou trinitaires).

    9 : 29 – Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation (impôt islamique) par leurs propres mains, “après s’être humilies”.