Le vin : un bienfait d’Allah ou une invention de Satan ?

Vin : Le mot « khamr », traduit pas « vin » en français, désigne « toute boisson fermentée qui enivre ». Ce mot peut désigner le vin de raisin ou le vin de palme. C’est à partir des 4 versets mentionnant ce « khamr » et de ceux mentionnant « les boissons enivrantes » que le droit musulman  a tenté d’énoncer des règles et de les étendre à toutes substances procurant l’enivrement, dont les drogues.

Le vin est passé d’un extrême à l’autre en 4 étapes

1) Dans le Coran, le vin est d’abord un bien procuré par Allah, un signe de la bienveillance du Créateur envers les hommes: « Des fruits des palmiers et des vignes, vous tirez une boisson enivrante et un aliment excellent. Il y a là un signe pour les gens qui réfléchissent. » (16, 65).

2) C’est ensuite un avertissement à destination de ceux qui s’enivre, leur interdisant d’aller à la prière en état d’ivresse : « Ô vous qui croyez, n’accomplissez pas la prière alors que vous êtes ivres.» (4, 43).

3) Puis il est dit que la consommation de vin comporte un risque car elle est à double tranchant : « Ils t’interrogent à propos du vin et du jeu. Dis : Il s’y trouve à la fois un grand péché et des choses profitables pour les gens mais le péché l’emporte sur le profit.» (2, 219).

4) Enfin, la prohibition devient totale : « Ô vous qui croyez, le vin, le jeu, les pierres sacrées, et les flèches divinatoires ne sont que des abominations, œuvres de Satan. » (5, 90).

Un récit populaire pour diaboliser le vin

On raconte dans la culture musulmane, que « de la première vigne on fit du jus de raisin et le jus de raisin n’est pas alcoolisé en lui-même mais un jour Satan eu l’idée d’uriner sur le pied de la vigne en question… C’est depuis ce jour-là que le jus de raisin est doté de la capacité de fermenter donc de se transformer en vin. »[1] Et le vin devint satanique !

Mais le vin coule à flots au paradis d’Allah

« Voici la description du Paradis qui a été promis aux pieux: il y aura là des ruisseaux d’une eau jamais malodorante, et des ruisseaux d’un lait au goût inaltérable, et des ruisseaux d’un vin délicieux à boire, ainsi que des ruisseaux d’un miel purifié. Et il y a là, pour eux, des fruits de toutes sortes, ainsi qu’un pardon de la part de leur Seigneur… » (47, 15).

Près de ces flots de vin, de miel, de lait, on servira aux élus un vin encore plus rare : « On leur sert à boire un nectar pur, cacheté, laissant un arrière-goût de musc» (83, 25-26).

Une contradiction non résolue

Le fait est que les hadiths montraient souvent le Prophète ne refusant pas l’offre d’un peu de vin, par exemple lors de son pèlerinage : « Il demanda de lui amener un seau d’eau du puits de Zamzam pour le verser sur le vin et dit : il faut le couper ainsi avec l’eau ». Ce faisant, Mahomet a abrogé l’interdiction de boire du vin. Si c’était interdit, il l’aurait jeté au lieu d’y verser de l’eau et de le boire (Selon Abd-Allah Ibn Mas’ud). Mahomet aurait aussi consommé des boissons à base de fruits fermentés préparées par la servante d’Aisha ; l’esclave expliqua “qu’elle fermentait la boisson pendant la nuit et l’accrochait, et Mahomet en buvait.” (selon Ibn Al-Qushayri). [2]

Dans la littérature normative de l’islam,  les interprétations les plus libérales ont cédé le pas aux interprétations plus contraignantes. La sanction serait de 80 coups de fouets à celui qui a bu du vin. La malédiction frappe le vin dans dix aspects : le vin en soi, celui qui le presse, qui charge autrui à le presser, celui qui le vend et celui qui l’achète, celui qui le porte et celui en faveur duquel il est porté, celui qui en reçoit le prix, celui qui le boit et celui qui le donne à boire.

Une hypothèse pour expliquer ce durcissement de la « charia », serait que la consommation d’alcool et de drogue – classés ensemble, sous le nom de « khmar », dans les « substances enivrantes – n’a fait que s’accroître au fil du temps ; l’affirmation des interdits étant alors une réaction à ce phénomène qu’on tentait d’endiguer.

En réalité, vin, alcools, drogues n’ont cessé de circuler avant et après l’islam

Avant la Révélation, la très respectée Khadija, Mère des croyants, n’a-t-elle pas saoulé son père pour le faire consentir à son mariage avec le jeune Mahomet ? Le condiment favori de Mahomet n’était-il pas le vinaigre, fabriqué avec du vin ? Plus tard, « les sources arabes regorgent d’histoires sur les califes qui ont violé la prohibition du vin, et en ont abusé, tandis qu’ils sanctionnaient ceux qui tombaient entre leurs mains. »[3]  Quant aux poètes de langue arabe, la célébration de l’ivresse et du vin est un de leur thèmes de prédilection :

Il n’a pas vécu ici-bas celui qui a vécu sans ivresse

Et celui-là n’a pas de raison qui n’est pas mort de son ivresse[4]

Autre exception, en Turquie, l’école hanafite, d’inspiration sunnite et de tradition soufi, a toujours été accommodante vis-à-vis de l’alcool, ce qui explique la présence du raki dans cette terre d’Islam ![5]

Les drogues en islam

L’usage du hashish s’est répandu depuis longtemps en terre d’islam, plutôt dans les classes populaires. Sa consommation reste aujourd’hui importante malgré la répression décrétée par les états (Egypte, Maroc, Algérie, Syrie, Liban). Le hashish accompagne souvent les fêtes religieuses comme les séances de musique et de danses mystiques.

L’opium, en raison de son prix, est surtout consommé par la « jeunesse dorée » ainsi que les drogues les plus dures. Quant au captagon, à base d’amphétamines, il annihile la peur au combat : Le combattant peut prendre 5 ou 6 balles, il ne les sent pas. Il devient invincible. Il est rempli de bravoure. Il n’a plus peur de la mort »[6] video :

En conclusion l’exemple du vin est révélateur à plusieurs égards. L’évolution progressive du statut du vin jusqu’à son interdiction atteste, si besoin était, de la plurivocité du Coran et de ses modifications au cours du temps, battant en brèche le dogme d’un Coran incréé, parole unique et définitive d’Allah. D’autre part, en un temps où la diffusion et la consommation de drogues de plus en plus destructrices constitue un danger primordial pour les jeunes dans les pays musulmans comme dans les pays d’accueil de cette immigration, les « savants » de l’islam ne semblent guère s’en préoccuper. La focalisation sur l’interdit du vin est sans doute motivée par la fonction liturgique de cette boisson dans le christianisme et par son usage traditionnel, au même titre que les alcools, dans la convivialité à l’européenne, particulièrement en France.

[1] Hocine BENKHEIRA, « Interdits aliementaires : pourquoi les musulmans ne mangent-ils pas de porc ? » , Centre de recherches sur les arts et le langage, à la minute 9 : 33 de la video publiée le 14/04/2020 https://www.youtube.com/watch?v=b7wCIA6AhvQ

[2] Sami Aldeeb : « L’islam et le vin 4 », in Savoir ou se faire avoir, publié le 26 août 2019  https://www.sami-aldeeb.com/sami-aldeeb-lislam-et-le-vin-4/

[3] Ibid.

[4] Ibn al-FÂRID (1234) .

[5] Marie Josèphe MONCORGE, « La cuisine arabe préislamique et du temps de Mahomet », in La Méditerranée à table, une longue histoire commune, tome 1, TAMBAO, publié sur Old cook, février 2013. https://www.oldcook.com/histoire-cuisine_arabe

[6] video  « Le captagon, la drogue des djihadistes » Allodocteurs.fr, publié 06/07/2015.

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5 Commentaires

  1. Bonjour Agathe. Je ne sais par l’entremise de quel djinn, le magnifique ouvrage d’Omar Khayyâm ” L’AMOUR LE DESIR & LE VIN” a trouvé place dans ma minuscule bibliothèque… Dans un verre à pied, un petit extrait.

    Ni les actes-mauvais ou bons-du genre humain
    Ni le bien, ni le mal que nous fait le destin
    Ne nous viennent du Ciel, car le Ciel est lui-même
    Plus impuissant que nous à trouver son chemin.

    L’alla en prend pour son grade !

    Merci d’exister Agathe.

  2. Bonjour,

    Merci pour cet article passionnant.

    J’ai toujours pensé que cette interdiction du vin signait la différence radicale qui existe entre l’Islam et notre civilisation : l’impossibilitté en Islam de vivre libres, la nécessité d’étre soumis à un “règlement” permanent pour ne pas sombrer.

    Ce n’est pas pour rien, au contraire, que le vin est au centre de la civilisation judéo-chrétienne.

    Par exemple, les rabbins conseillent, dans la fête qui marque le début du mois, de s’enivrer légèrement au cours du repas.

    Parce qu’on est Homme, on est capable de “taquiner” les limites de sa liberté, sans sombrer et sans être verrouillé par des normes totalitaires.

    On pourrait développer de la même façon sur le voile : l’islam verrouille parce que la maîtrise de soi n’existe pas.