L’islam a-t-il une Morale ?

Morale : Au sens d’une définition du Bien dans l’absolu et de la ligne de conduite pour s’y conformer, ce terme n’existe pas dans le Coran. Le Bien (“al kayri”),  est à déduire d’une paire de termes antagonistes que sont « le convenable » (« al marouf ») et « le blâmable » (« al mounkar »). La traduction peine à rendre compte du sens étymologique de ces termes en arabe : le « convenable » est ce qui est connu et reconnu par la loi divine, à l’opposé, le « blâmable » est ce qui est nié et non reconnu par la loi divine. Ils sont parfois abusivement traduits par “le Bien et le Mal”.[1]

Une conception littéraliste de la morale : les paroles d’Allah dans le Coran sont la pierre de touche qui permet de valider ou d’invalider n’importe quelle action. La communauté musulmane est érigée en gardienne de cette morale : « Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes : vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Dieu » (3, 110 et aussi 3, 104 ; 3, 110 ; 3, 114, 7, 157 ; 9, 71 ; 31, 17 ). Tel est le fondement scripturaire de la police des mœurs en terre d’islam.

Un policier de la police de la moralité verbalisant une femme à Téhéran le 22 avril 2006, photo Fars Media Corporation

Emprunts au Décalogue Le Coran reprend les principes généraux des 10 commandements transmis par Moïse, qu’on retrouve éparpillés dans les versets  (sauf les 3e et 4e commandements) :

1 Adorer un dieu unique (dans les sourates 6, 151 ; 4, 171 ; 9, 31 ; 14, 52 ; 16, 22 et 51 ; 18, 110 ; 20, 98 ; 21, 108, 28, 38 ; 29, 46 ; 40, 37 ; 41, 6 ; 43, 84 ; 46, 4 ; 114, 3).

2 Ne pas vénérer d’idoles (dans les sourates 4, 91 ; 2, 51, 54, 92 ; 4, 153 ; 37, 125 ; 2, 23 ; 3, 151 ; 6, 74 ; 7 ; 138 et 152 ; 10, 30 ; 11, 21 ; 14, 35-36 ; 16, 56 ; 21, 57 ; 22, 30 ; 26, 71 ; 29, 17 et 25 ; 71, 24 ; 22, 34 ; 25, 68 ; 28, 38 ; 29, 46 ; 37, 4 ; 38, 5 ; )

3 Ne pas prononcer faussement le nom de Dieu

4 Le Sabbat est jour sacré

5 Bien traiter ses pères  et mères (dans les sourates 6, 151 ; 17, 23 ; 4, 36 ; 19, 14 :; 29, 8 ; 31, 14 ; 46, 15 et 17 ;  ; …).

6 Ne pas tuer ( dans la sourate 5, 32 ).

7 Ne pas commettre l’adultère ( dans les sourates 4, 25 ; 60, 12).

8 Ne pas voler ( dans la sourate 5, 38).

9 Ne pas faire de faux témoignages ( dans les sourates 2, 140  et 283 ; 4, 135 ; 5, 106 ; 24, 4 ).

10 Ne pas convoiter les biens ou la femme de son prochain ( dans la  sourate 4, 32 ).

Modifications propres à l’islam

Un hadith ajoute le vendredi comme jour de prière, invalidant le sabbat des juifs le samedi, tout comme le dimanche, jour du Seigneur chez les chrétiens : « Allah avait caché le vendredi à ceux qui vous ont précédés: les Juifs célébraient le samedi et les Chrétiens le dimanche. Et Allah nous a donné le vendredi et fait succéder le vendredi, le samedi et le dimanche. Aussi viendront ils (les Juifs et les Chrétiens) après nous au jour de la Résurrection. Nous sommes les derniers ici- bas et les premiers dans l’au-delà: ceux qui seront jugés avant les autres créatures » (Muslim, 856).

Le Coran mêle sans ordre hiérarchique les préceptes fondamentaux et des prescriptions de détail : ne pas spolier l’orphelin (6, 132, 17, 34 ; 76, 8 ; 90, 15 ; 93, 9 ; 107, 2), inscrire les dettes (2, 282 ), éviter l’arrogance dans sa démarche (31, 18), savoir donner sans gaspiller car « les gaspilleurs sont les frères des diables » (17, 26-27) etc…

Le viol n’existe pas : une créature féminine se soumet au désir de l’homme musulman, que ce soit une esclave (33, 50), une épouse (2, 223), l’épouse d’un non-musulman (Muslim, 8 : 3432), et même les houris du Paradis « cloîtrées dans une tente » dans l’attente du coït ! (55, 72).

Le vol au détriment des ennemis d’Allah n’est pas un péché. Si le voleur et la voleuse d’un musulman encourent l’amputation, la razzia qui est, à grande échelle, un vol aggravé des pires violences, est une activité parfaitement légitimée par le Coran et toute la tradition. ( cf. la sourate 8 intitulée « Le Butin » ; et aussi 3,161 ; 4, 94 ; 48, 15 et 19 et 20-21 ; 59, 6 et 7).

L’interdiction de tuer se mue en autorisation de tuer !

En effet, si on lit rapidement le verset qui suit, on peut croire qu’il s’agit du copié-collé du 6e commandement qui est : « Tu ne tueras point. »[2] : – C’est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d’Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes. En effet Nos messagers sont venus à eux avec les preuves. Et puis voilà, qu’en dépit de cela, beaucoup d’entre eux se mettent à commettre des excès sur la terre. » (5 : 32).

Cependant, l’exception qui a été ajoutée ici au 6e commandement en renverse le sens. Car ce verset dit qu’on peut tuer un meurtrier ou celui qui est « coupable de corruption sur la terre ».

Cette accusation vague de corruption peut viser à peu près n’importe qui, mais elle cible, en premier lieu, les non-musulmans, comme l’indique sans ambages le verset qui suit immédiatement : « La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie ici-bas; et dans l’au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment. » (5, 33).

En matière de mensonge, le Coran s’inquiète surtout du « mensonge contre Allah » (une centaine de fois). La ruse est blâmable contre l’islam mais louable dans l’autre sens. Allah donne l’exemple : il est capable de ruse, il est même le meilleur comploteur (13, 42 ; 27, 50 ; 86, 16 ; 8, 30 ; 7, 183 ; 68, 45 ; 3, 54 ; 7, 99). Quant à la taqîya (= prudence, contrainte, dissimulation) qui consiste à ruser pour se protéger des non-musulmans et réussir à les tromper, elle n’est en rien blâmable[3]; c’est même un devoir [4]. C’est la ruse qui fut appliquée par les musulmans faussement convertis au catholicisme après la Reconquista en Espagne (entre 1499 et 1526). Elle trouve une application bien actuelle dans le projet de conquête des pays occidentaux :« Boire, fumer, sortir en boîte, écouter de la musique, se raser la barbe… Tous ces interdits de l’islam radical deviennent autorisés dans le cadre de la taqîya, ou “technique de dissimulation » ».[5] Cette ruse, utilisée en France par les auteurs des attentats les plus dévastateurs[6], se fonde sur le Coran, sans y figurer nommément :

  • « Celui qui renie Dieu après avoir eu foi en Lui — excepté celui qui a subi la contrainte et dont le cœur reste paisible en sa foi —, ceux dont la poitrine s’est ouverte à l’impiété, sur ceux-là tomberont le courroux de Dieu et un tourment terrible » (16, 106),
  • « Que les croyants ne prennent pas pour alliés des infidèles au lieu de croyants. Quiconque le fait contredit la religion d’Allah, à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux. Allah vous met en garde à l’égard de Lui-même. Et c’est à Allah le retour. Dis : Que vous cachiez ce qui est dans vos poitrines ou bien que vous le divulguiez, Allah le sait. Il connaît tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Allah est omnipotent » (3, 28-29).

Sources d’embarras pour le lecteur

Prédestination ou libre-arbitre, une contradiction insurmontable Allah dit voir avoir « destiné beaucoup de djinns et d’humains pour l’Enfer» (7, 179). Il a d’avance « scellé les coeurs et les oreilles »  des futurs pécheurs. Comment Allah peut-il ensuite leur imputer une mauvaise conduite qu’il a lui-même programmée, lui « qui égare qui il veut », “qui  dirige qui il veut »  (14, 4) ?

Incertitudes dues aux abrogations Allah affirme ; « Si Nous abrogeons un verset quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur, ou un semblable ». (2 : 106 et aussi 16, 101). Ces abrogations à l’intérieur du Coran sont d’autant plus gênantes que rien ne les signale et que le verset abrogé et le verset abrogeant demeurent dans le texte. En conséquence, selon les interprétations,  il y a une énorme variation du nombre d’abrogations reconnues par les uns et les autres : de 25 à… 250 ![7]

 

L’obsession de la souillure. Le scrupule religieux peut être poussé à l’extrême, comme de s’abstenir d’un acte licite, par crainte d’être insensiblement entraîné vers le péché. Par exemple,  s’abstenir de manger du raisin provenant d’une vigne… arrosée par un aqueduc… construit avant le temps de l’islam…  à une époque où les fonds pour cette construction n’ont pu provenir de l’impôt canonique instauré plus tard par l’islam ![8]

Le comportement du Prophète Mahomet pose problème Dans le Coran, Allah déclare «Vous avez en le Prophète un Beau Modèle (“uswa ḥasana”) » (33, 21). Ce verset légitime l’élaboration de la « voie à suivre » (“charia”) , non seulement à partir du Coran mais en étudiant la vie du Prophète. Ce qu’a fait le Prophète ne saurait être mauvais, et ce qu’il a dit prend une valeur prescriptive. En ce cas, s’il n’est pas strictement obligatoire de l’imiter (illettrisme, hygiène douteuse, pédophilie, assassinats, misogynie, viols, pillage, esclavage…), cela ne saurait être interdit !

Le pouvoir des juristes-théologiens découle, pour une bonne part,  des difficultés d’interprétation du corpus islamique formé par le Coran, les hadiths (près de 133 000), les moindres faits et gestes du Prophète (« sunna »). A l’intersection de la morale, de la théologie, du droit, des pouvoirs politiques, imams, mollahs, oulémas[9] sont censés orienter la conduite des fidèles par leur « compréhension » (fiqh) des textes. Ils tranchent, alors que le Coran lui-même confesse que certains versets « peuvent prêter à des interprétations diverses » (3, 7). En 14 siècles, cela n’est jamais allé sans divergences mais le consensus qui s’en dégage (ljmâ’) place les devoirs religieux au-dessus de tout : ils constituent le Bien absolu.

Le Mal absolu est donc le refus de se soumettre à Allah, l’anathème islamique vise prioritairement les non-musulmans et encore davantage les apostats.  La gravité des châtiments qui leur sont promis sur terre et dans l’au-delà et la fréquence de cette menace montrent où se situe le plus grand Mal du point de vue de l’islam : ne pas suivre le chemin d’Allah (“charia”). Dans le Coran, plus de 600 versets sont consacrés à la guerre qu’il faut mener contre les non-musulmans et les apostats. « Et combattez-les jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus d’oppression (envers les musulmans), et que la religion soit entièrement à Allah. Puis, s’ils cessent (ils seront pardonnés car) Dieu observe bien ce qu’ils oeuvrent. »(8, 39 ; 2, 193 , 2, 117 ).

En conclusion, prétendre aligner les règles de l’islam sur les principes d’une Morale universelle relève de l’utopie, quand cela n’est pas, de la part de musulmans qui connaissent leurs textes et les appliquent, une pure et simple manipulation tactique.

 

[1] Par exemple par Ida ZILIO-GRANDI, « Bien et Mal », in Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, Paris, 2007, pp.131- 134.

[2] La source de ce verset se trouve dans le Talmud de Babylone, traité Sanhedrin, 37a, ouvrage compilé autour du VI siècle au sein de la diaspora juive du Moyen-Orient : « Adam le premier homme a été créé seul, pour vous enseigner qu’à l’égard de quiconque détruit une âme du peuple juif, c’est-à-dire tue un Juif, le verset l’appelle blâme comme s’il détruisait un monde entier, comme Adam était une personne, dont la population d’un monde entier est venue. Et inversement, quiconque soutient une âme du peuple juif, le verset lui attribue le crédit comme s’il avait soutenu un monde entier. »

[3] TABARI, (sura XVI, 108), Dar al-Kutub al-‘Ilmiya, Beyrouth, 2000, vol. 10, p. 98.

[4] Tafsir al KAbir ar RAZI, Dar al-Kutub al-‘Ilmiya, Beyrouth, 2000, vol. 10, p. 98.

[5] Cécile de Sèze, « Terrorisme : qu’est-ce que la “taqîya” (ou “technique de dissimulation”) ? », in RTL « Infos », publié le 23/01/2018. https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/terrorisme-qu-est-que-la-technique-de-dissimulation-7791954922

[6]Adel Kermiche, lors de l’attentat de l’église de Saint-Etienne-du-qui Rouvray avec son complice AbdedMalik Petitjean, assassins du Père Hamel.

Mohamed Merah, qui maniait si bien cette technique que les renseignements français avaient même émis l’hypothèse de le recruter.

Aucun des terroristes qui ont frappé la France le soir du 13 novembre 2015 ne portait de barbe longue. Ni Amédy Coulibaly ni les frères Kouachi, responsables des attentats de janvier 2015.

[7] Marie-Thérèse URVOY, « Morale », in Dictionnaire du Coran, op. cit., p. 569.

[8] Marie-Thérèse URVOY, « Scupule religieux », in Dictionnaire du Coran, op. cit. , p. 809.

[9] Adrian DOMBRINE, « Imam, mollah et oulémas : quelle différence ? », in La culture générale.com, publié 10/11/2020.  https://www.laculturegenerale.com/imam-molla-oulemas-difference/

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