Chute des Frères musulmans en Égypte : la fin de l’Islam politique annoncé ?
C’était de là que tout avait commencé et c’est peut-être, de là que tout pourrait se terminer. L’Égypte, pays des pyramides et des pharaons, est-elle en train de construire un autre sarcophage…Celui de l’Islam? La question mérite d’être posée, tant le pays par lequel s’était propagée cette religion vers l’Afrique du nord, qui a participé activement aux conquêtes et à l’asservissement de ses peuples, semble fatigué de porter un étendard de plus en plus lourd et décrié.
Hassan Al Banna, l’homme par lequel tout a commencé
Dans un contexte de mouvement de libération, d’effritement de l’empire Ottoman et de crise identitaire, de nombreux pays arabes se retrouvèrent vulnérables et orphelins de leurs «protecteurs coloniaux». Le roi Fouad 1er après son intronisation en 1922, va donner au pays, une orientation progressiste et laïque, en se tournant vers les anciennes puissances à l’instar de la Grande Bretagne, la France ou l’Allemagne.
C’est alors que des mouvements populistes islamiques, réclament entre autres, un régime théocratique, l’instauration de la charia et le retour au Khilafa. Hassan al Banna (1), instituteur de 21 ans, forme secrètement la confrérie des Ikhwanwe el muslimine avec sept autres membres, sous une bannière associative et œuvre dans la clandestinité. Le Roi Farouk un gamin de 16 ans, est intronisé en remplacement de son père décédé en 1936. C’est alors qu’âgé de 29 ans, Al Banna va faire au nouveau souverain, une proposition pour le moins surprenante: l’introniser Amir Al Mouminie ! (Prince des croyants).
Le roi Farouk, allié aux Britanniques et signataire d’un nouveau traité de protectorat, l’ignore, et nomme dans la foulée un gouvernement multi-ethnique, composé d’Arabes, de coptes et de juifs égyptiens! Mal digéré par Al Banna, cet « affront » va conforter en lui, l’idée de la prise de pouvoir par le jihad, et conduit à la formation d’une armée islamique clandestine qui participera entre autre, à la lutte contre Israël en 1948 en terre palestinienne. Hassan Al-Banna fut liquidé en 1949 en représailles à l’assassinat du premier ministre Mahmoud an-Nukrashi Pacha.
Tantôt affaibli, tantôt craint, le mouvement est interdit puis réhabilité maintes fois, suivant les intérêts et les conjonctures. Sous Hosni Moubarak, il est considéré comme une entité religieuse respectable mais non politisé. Le « Rais » tient en laisse son épouvantail, et le fait agiter au gré des événements que traversera le pays.
Al-Azhar, de la sacralité influente au dénigrement outrancier :
Cette école coranique (2) fondée en 969, va profondément influencer, non seulement la société égyptienne, mais l’ensemble du monde arabe par la suite, en formant des imams, des enseignants et des futurs dirigeants dont un certain Houari Boumedienne. Même si les sources se contredisent sur la scolarisation d’Hassan Al Banna à Al-Azhar, il demeure certain, que son père, y était diplômé. Il avait édité le Musnad d’Ahmad Ibn Hanbal et composé des ouvrages sur les hadiths en assurant la fonction d’imam.
L’enseignement des préceptes rigoristes de l’Islam à Al-Azhar (Chiite à ses débuts), et pervertie davantage par les Al-Saoud, va directement générer le mouvement des frères musulmans et les autres mouvements terroristes à travers le monde en; Palestine, au Yémen, au Soudan, en Algérie, en Irak et tout récemment en Syrie. Pour preuve, ces mouvements n’ont jamais remis en cause, ni ne se sont opposés aux enseignements prodigués par cette institution restée conservatrice des siècles durant. Après la révolution de 2011, et blasée par les attaques que subit l’islam et les privilèges grandissants du clergé d’Al Azhar, des jeunes théologiens réformistes (pour la plupart Azharien) dont le Khatib de Maidan al Tahrir, Muhamed Abduallah Nnasr dit Mizou (3), l’islamologue Ahmed Abd Mahir, le docteur Ahmed Amara et le docteur Faraj Fouda (4) (assassiné pour ses positions sur « le mensonge du hijab »), dénoncent la mainmise d’Al Azhar sur la pensée islamique et exigent sa libération.
S’ensuit alors, une vague de dénonciations et de révélations sans précédent qui ont fait la une des journaux locaux et le bonheur des plateaux de télévision, sur des Hadiths violents ou farfelus enseignés de nos jours à El-Azhar. Les plus célèbres étant : la tentative de suicide du prophète, son ensorcellement, son empoisonnement, l’extermination de 900 juifs de Banou Qurayda par le prophète, l’allaitement de l’adulte, la sexualité pratiquée sur les cadavres, le châtiment dans la tombe, les versets sataniques où le prophète glorifie les Gharanik (les dieux préislamique), le mariage des adultes aux fillettes, la traite des femmes prisonnières de guerre (Essabaya), le mariage en temps de guerre (Zawaj Al Mutaa), l’assassinat de Nowayra par Khaled bnou el Walid et bien d’autres (Tous les Hadiths sont disponibles et documentés sous la mention Sahih (Avéré) dans Al-Boukhari et Muslim). Cette liberté de ton va encourager d’autres courants dont l’athéisme, et amplifier le mouvement d’apostasie, tant Al-Azhar, restait inflexible et surtout sans réponse face à ses détracteurs.
La prise du pouvoir par Morsi et la « fenêtre » démocratique
Plus structurés et mieux préparés que quiconque, les frères musulmans profitent naturellement du climat de confusion que vit l’Égypte à l’époque. Ahmed Morsi gagne les élections de 2012, après une campagne menée sous le thème de la conquête de l’Urne (Ghazouat al Sandouk). Aucunement tenté par l’alternance du pouvoir, il commence à appliquer à la lettre les cinquante points du manifeste (5) rédigé par Hassan Al Banna, et qui explique la méthode à utiliser pour fonder un état islamique en instaurant la Charia et le principe d’Al Khilafa.
Ce manifeste reprend entre autres des idées fascistes de l’époque dont faisait Al-Banna les éloges, dans un article de son journal Ennadir intitulé : El senior Mussolini explique un des principes de l’islam(6), qui n’est autre que le Jihad. Morsi commence alors par former une milice militaire islamique, parallèle avec un but inavoué de remplacer l’armée régulière Égyptienne.
C’en était trop pour la junte militaire, à leur tête Sissi, qui finit par renverser le régime d’Al Ikhwane en juillet 2013. Ce putsch est suivi d’une vague d’arrestations massives et d’exécutions, souvent arbitraires. Mais bizarrement, la confrérie ne bénéficiera pas du soutien populaire qui l’avait propulsée au pouvoir, tant la misère sociale avait atteint des sommets durant l’année de leur règne. Sans assise populaire et sans appui, la confrérie sombre peu à peu dans le dénigrement et l’oubli, et ses dirigeants autrefois adulés, moisissent dans les geôles. Jamaat Al Ikhkwane Al Muslimine est déclarée terroriste, puis dissoute dans l’indifférence générale.
Sissi, le coup de grâce ?
La confrérie des frères musulmans, longtemps utilisée comme la «bête de Gévaudan», bénéficiait d’un laxisme coupable de la part des Autorités Égyptienne, en contrepartie d’une gestion du pays sans partage. Ce «pacte des loups» va concrétiser le bradage de la rue contre le pouvoir exclusif des militaires. Après le putsch de Sissi, accepté par une grande partie de la population égyptienne, le régime militaire va réaliser quelque chose d’inédit dans le monde arabe et musulman; il lâche la confrérie, et brise (provisoirement?) l’alliance institutionnalisée par Moubarak avec toutes les instances religieuses, Al-Azhar compris. Il désigne même un gouvernement, dont les membres sont laïques, voir hostiles à l’islam tel Hilmi El Namnam ministre de la culture et farouche opposant aux frères musulmans.
Plus de chiens de garde et plus de bêtes menaçantes, des jeunes se sentent libres de déclarer leurs apostats, même s’il y a toujours la peur de se faire lyncher ou emprisonner. Un islamologue Irakien, Insar Jamel Eddine, explique le principe des « deux épées de l’islam instauré par le Calif Abu Bakr, et qui permit de sauver cette religion, et de la maintenir en vie pendant 14 siècles: « celui qui ne se soumet pas est menacé par une épée, tout comme celui qui veut en sortir, et les gens se retrouvent coincés entre celle de la conquête et celle de l’apostasie ». C’est là que l’action de Sissi est salutaire, car elle venait de lever une des deux épées, posée depuis les guerres d’apostasies, (Houroub Al Ridda) (7), sur les cous des musulmans. Du coup, les langues se délient et la parole se libèrent, et on commence à entendre aux côtés de réformistes, une jeunesse lasse et décomplexée.
En chef de file, Ahmed Harkane, un élève d’Al Azhar, mais surtout le sociologue et islamologue Hamed Abd Essamed, auteur de plusieurs ouvrages dont – dans l’ordre de parution-: « La chute du monde musulman » et le « Fascisme et l’islam »(8). Dans son premier ouvrage, l’Égyto-Allemand prédit bien avant les révolutions arabes, l’effondrement du monde musulman d’ici vingt ou trente ans. Dans un entretien accordé à la chaîne satellitaire Al Hayat et repris par à un site Canadien (9), il explique ses théories par le déclin intellectuel et moral, et estime que tous les ingrédients sont réunis pour l’écroulement du monde musulman : » …c’est que dans tous les pays à majorité musulmane, on constate le déclin de la civilisation et la stagnation de toute forme de vie. L’islam n’offre aucune réponse convaincante aux défis du 21ième siècle. C’est un déclin intellectuel, moral et culturel – une religion vouée à l’échec, sans conscience de soi et sans aucune option pour agir« . Il constate également que l’islam est dans l’impossibilité de se réformer car c’est une religion d’ »Apartheid » : « … Cela empêche l’intégration, parce que l’islam divise le monde entre amis et ennemis, entre croyants et infidèles. » Il estime qu’autant que musulmans, on vit un rapport hypocrite avec la modernité : « Nous (musulmans) vivons en conflit avec la modernité, nous acceptons uniquement la moitié de la modernité, c’est à dire ses outils techniques: le téléphone portable, la télévision, l’internet… Mais pas les idées qui sont derrière ces outils.» Il regrette cependant que l’Islam ne soit pas uniquement d’ordre personnel et spirituel: « Mon rêve, en effet, serait un islam des Lumières, sans la charia, sans le djihad, sans l’apartheid entre hommes et femmes, sans prosélytisme, et sans mentalité dominatrice. Une religion qui serait ouverte à la critique et au questionnement ».
Cette jeunesse égyptienne mène un combat sans relâche pour faire entendre sa voix dans un pays en proie à des maux sociaux graves, et encore réticent envers un discours anticlérical ou athéiste. Ils s’organisent néanmoins à travers les réseaux sociaux, se manifestent sur des sites internet ou des émissions TV, démontant point par point, la religion qui les a vus naître. Qui mieux qu’un ancien musulman pour parler d’islam, et qui mieux qu’un musulman pour expliquer les contradictions et les frustrations vécues? Les Athées d’Égypte dont le nombre ne cesse de croître ont créé une rue en plein Caire qui se nomme Charii al Moulhidine (la rue des Athées), un espace inédit dans le monde arabe.
Mais qu’on se le dise, le régime égyptien n’a permis cette ouverture que d’une manière provisoire et dans l’esprit de castration des frères musulmans. De nombreux athées dénoncent les pratiques perverses du pouvoir de Sissi, incapable de se défaire complétement des vieilles méthodes inquisitoires. En avril 2015 Le Figaro (10), donne la parole à Ismaël Mohammed, 32 ans pionnier de l’athéisme, qui accuse le régime du maréchal Sissi de jouer un jeu trouble. « Il anime toujours, sur YouTube, une chaîne dédiée à l’athéisme. Baptisée « Les vilains petits canards ». Il déclare que : »D’un côté, Sissi fait des discours sur la tolérance religieuse. De l’autre, le ministère de la Jeunesse nous décrit comme des malades mentaux qu’il faut soigner. Sans compter Al-Azhar qui, dans une récente enquête, parle de 866 athées en Égypte ! Un chiffre inventé de toutes pièces. À vrai dire, nous sommes des millions. Et c’est ça, justement, qui fait peur au pouvoir », poursuit Ismaël. Des millions donc, peut-être moins, mais dans cette guerre des chiffres, un vent de changement violent est en train de souffler sur l’islam en l’Égypte, et menace de faire voler en éclats les fondements même de ce dogme. À défaut d’une nouvelle ère démocratique, la révolution égyptienne aura servi au final, à libérer la pensée dans une rue arabe et à défier des démons séculaires que l’on pensait enraciner pour l’éternité.
H. K
Renvoi
(1) Site officiel des frères musulmans
(2) Site officiel d’Al-Azhar
(3) Vidéo youtube Muhamed AbduallahNnasr
(4) Vidéo youtube docteur Faraj Fouda
(5) Le manifeste en cinquante points de Hassan al-Banna
(6) Article Hassan al Banna sur Mussolini
(7) Guerresapostasies
(8) Livre fascism- Islam
(9) Entretien Hamed Abd El Samad
(10) En Égypte, la chasse aux athées bat son plein
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Il ne faut pas être intelligent pour rester dans cet Islam pauvre d’esprit, ils ont bien raison de quitter cet connerie.
Place à l’intelligence et pas aux croyances sans réfléchir, est d’un des meilleurs moyens de combattre cet Islam stupide et ridicule.
Pour Sissi, voir s’il ne joue pas provisoirement sur les deux tableaux Islam et athées, pour laisser la place aux athées et la possibilité de se développer.
L’Islam calamité a assez montré ce qu’il vaut en absurdie total.
Les femmes (même si ce mouvement est encore minoritaire) se dévoilent. Certaines femmes que j’ai connues voilées ne le sont plus.
merci pour ce témoignage encourageant venu d’Egypte