C’est en février 1891 que l’on propose à Tchaïkovski de mettre en musique le conte d’Alexandre Dumas, lui-même inspiré d’un conte allemand d’E.T.A. Hoffmann, Casse-Noisette. Le compositeur russe était déjà l’auteur de deux ballets, Le lac des cygnes et La Belle au bois dormant. Le premier est le plus connu avec son thème magnifique confié au hautbois. La Belle au bois dormant est le plus long des trois ballets et sans doute le plus complexe au niveau musical, ce qui a fait grincer quelques dents « le compositeur abuse de sa maitrise », disait-on alors. Il est vrai qu’avec Tchaïkovski, nous sommes à des années-lumière de l’insipide Minkus et de sa Bayadère !
Mais revenons à Casse-Noisette, c’est le 18 décembre 1892 que l’œuvre fut créée au Théâtre Impérial de Saint-Pétersbourg. Le chorégraphe était Marius Petipa (un nom prédestiné !) avec des instructions pour le compositeur dignes d’une musique de film :
« …La scène est vide. Retour de Clara. 8 mesures de musique mystérieuse mais douce. 2 mesures pour sa frayeur. 8 mesures de musique fantastique, très dansante. Minuit sonne. Un court trémolo, Clara s’aperçoit que le hibou se transforme en Drosselmeyer, avec son sourire rusé. Elle veut fuir, mais ses jambes la trahissent. Après le trémolo, 4 mesures pour le grattement des souris, etc, etc. »
Et tout est comme ça ! On se demande comment, avec un tel cahier des charges, la musique n’en souffre pas et semble aller de soi !
Je vais donc vous présenter une version du ballet due à la troupe du ballet de San-Francisco, qui situe l’action en 1915, au moment de l’Exposition internationale panaméricaine qui s’est tenue dans la ville qui avait connu un séisme puis un incendie gigantesque en 1906. Il s’agit d’une version spectaculaire, qui rafraîchit considérablement l’œuvre et d’ailleurs depuis que j’ai le DVD, je ne veux plus voir que celle-là ! Et si on commençait ? Avec l’ouverture miniature et la marche :
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Au cours d’une des deux danses suivantes, nous allons entendre une chanson bien de chez nous, Bon voyage, Monsieur Dumollet. Tchaïkovski était imprégné de culture française à une époque où aucun chef d’État n’aurait osé la remettre en cause, comme le freluquet que nous avons actuellement et qui se croit Président. Dans les opéras Eugène Onéguine et La Dame de Pique, le compositeur avait déjà placé des airs en français (l’air de Monsieur Triquet dans le premier et l’air de la Comtesse « Je crains de vous parler la nuit » dans le second). A l’âge de sept ans, Tchaïkovski écrivait déjà ses premiers poèmes en français (l’orthographe a été respectée) :
« Tes ailes dorées ont volé chez moi / Ta voi m’a parler, / O ! Que j’étais heureuse / Quand tu venait chez moi. / Tes ailes sont blancs et purs aussi. / Viens encore une foix / Pour parler de Dieu puissant… »
Le premier acte se termine par la magnifique Valse des flocons de neige qui fait appel à un chœur d’enfants :
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C’est dans le deuxième acte que l’on retrouve la plupart des morceaux qui composent la suite qui a été tirée du ballet par Tchaïkovski lui-même et je n’irai pas par quatre chemins, ce n’est pas ce que le compositeur a fait de mieux : pourquoi avoir coupé la fin de la danse de la fée dragée ? Pourquoi avoir omis des passages magnifiques tels que Mère Gigogne et les polichinelles ou le somptueux Pas de deux ? il faudrait réécrire cette suite ! Mais revenons à cette partie de l’acte 2, une suite de danses plus ou moins exotiques à l’instar de ce qui a été fait dans Le lac des cygnes, avec ses danses espagnole, napolitaine, russe, hongroise. On va commencer par les danses du chocolat, du café et du thé. Dans cette mise en scène, La danse du café est envoûtante, sensuelle avec une pointe d’érotisme, jusqu’à ce que j’apprenne que la danseuse était la sœur jumelle d’Alice Coffin ! Je plaisante, voyons, rassurez-vous !
Les trois danses suivantes à présent avec un coup de gueule. Comme la danse russe dans le lac des cygnes, Mère Gigogne et les polichinelles est quasiment supprimée à chaque enregistrement ou chaque exécution du ballet, comme j’ai pu le constater à l’Opéra-Bastille il y a une dizaine d’années ! Un vrai scandale, surtout si l’on sait que cette pièce délicieuse comporte deux chansons françaises, Giroflée-Girofla et Cadet Rousselle !
Mais ce qui est remarquable dans cette version du ballet de San-Francisco, c’est La danse des mirlitons ! Pour en souligner le côté français, une danseuse porte un plumet bleu, l’autre un plumet blanc et la dernière un plumet rouge et en plus les trois esquissent un french-cancan !
Et comment passer à côté de La valse des fleurs ?
Et pour terminer, un finale en beauté, Clara avait juste fait un rêve merveilleux !
Maintenant, si cette version vous a plus, je vous conseille vivement de l’acquérir, même sur Amazon !
Certaines personnes ont vivement critiqué cette chorégraphie au motif que « Ce n’est pas le Bolshoï ! », c’est évident ! Mais je le répète cette version est complète, Clara est une jeune fille adorable, bref tout est là avec le ballet de San-Francisco, et si vous voulez en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les bonus du disque.
Et pour finir, il m’est impossible de passer à côté de la version de concert donnée à Rotterdam un soir de Noël, avec le chœur d’enfants du premier acte, ils ne se tiennent pas tous très bien ! La vidéo est heureusement chapitrée, ainsi vous pourrez vous rendre à n’importe quel endroit du ballet, le chef est totalement habité par cette musique :
LES BONUS
Je vous propose trois bonus provenant du DVD dont je vous ai parlé plus haut, qui vous diront tout sur la conception de mise en scène originale :
MON CADEAU POUR FINIR
Pas de flash mob cette fois-ci, mais mon petit cadeau à tous, lecteurs, contributeurs, à tous ceux celles qui font marcher Résistance Républicaine. Un petit film de Noël de chez moi. Vous pardonnerez le tuyau d’arrosage non rangé (c’est la remarque que ma femme a fait !) et les tremblements pendant la prise de vue, je vais demander au Père Noël un stabilisateur pour caméscope ! Du soleil, de la chaleur et surtout un meilleur moral à la vue de cette vidéo ! Et puis n’hésitez pas à désobéir, Papy et Mamie à la même table que vous, pas de masque et puis inutile d’ouvrir les fenêtres 10 minutes par heure ! Quelle honte et le gouverne-ment ose passer en boucle leurs messages mortifères sur les chaînes soumises de la télévision !
JOYEUX NOËL A TOUS !
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Un immense merci à Filoxe pour ce gigantesque cadeau, alliant la superbe musique de Tchaïkovsky, aux commentaires si passionnants. Enfant, j’ai été bercée, entre autres, par cette oeuvre grâce à des parents mélomanes, mais c’est un vrai bonheur d’avoir découvert ici de nombreux détails que j’ignorais.
Merci également pour le petit clin d’oeil personnel de la fin, où tout est si beau que l’on y viendrait s’y installer immédiatement sans problème…
MERCI pour vos fabuleux articles !
Très beau cadeau que Casse Noisette que j’ai eu la chance de voir joué par une troupe ukrainienne
Merci, merci ! Quel magnifique article, quelle présentation passionnante !
Et, bien sûr, quelle musique !
Grâce à Disney (du temps où il ne faisait pas que des mauvaises choses), j’ai découvert le casse-noisette avec Fantasia (et plein d’autres classiques). Je dois avouer que le Tepak, la danse russe, m’impressionne toujours. Ayant vu une fois des danseurs russes effectuer le pas cosaque, ils ont une telle énergie pour enchainer pirouettes et sauts, ça me scie à chaque fois.
Dire que certains mettent le « twerk » au rang de ces magnifiques danses…