On se gardera bien de déjuger les agriculteurs français qui sont parmi les premières victimes de la mondialisation. La ruine de l’agriculture en Occitanie et dans la France entière amène à dresser un bilan et à rassembler des éléments qui permettent de préfigurer le sort de le paysannerie et de la terre de France. Les observations qui suivent ont été faites dans le Gers, sur des terres essentiellement dédiées à la production de céréales et d’oléoprotéagineux, mais elles valent pour toute l’agriculture française.
Un système fou qui a ruiné les sols et les paysans
L’arbre en illustration nous dit ce qu’il en est de l’érosion des sols dont il est le témoin vivant. Comme on peut le voir sur cette image, à cet endroit le terrain naturel est descendu d’au moins un mètre, vraisemblablement suite à l’érosion due aux labours intensifs mais également à la déshydratation et à la récession des couches profondes due à l’accélération du cycle de l’eau.
C’est ainsi que toute la terre de France a perdu ses qualités naturelles, qu’elle est devenue un substrat stérile qui ne peut plus produire que par l’adjonction massive d’engrais, de fertilisants et par des labours de plus en plus profonds et ravageurs.
Le fait est, en deux générations depuis la fin de la guerre, les paysans ont ruiné leur terre, celle qui leur a été transmise. Or on ne devient pas paysan, on naît paysan. On l’est parce que les générations précédentes l’étaient, qu’elles ont jardiné, amendé le sol, pratiqué une agriculture mesurée, qu’elles nous ont transmis un héritage sans cesse préservé, amélioré. Par construction, il n’y a pas plus conservateur, plus enraciné qu’un agriculteur, c’est quasiment génétique. On voit donc là la puissance destructrice du système productiviste et maintenant de la mondialisation marchande. Nous pouvons le proclamer, les agriculteurs qui par nature sont les plus conservateurs d’entre nous sont les victimes de ce système qui leur a fait ruiner le fond dont ils tirent leur existence. Les 400 suicides d’agriculteurs par an en France sont le marqueur de ce drame.
L’endettement, ruine finale de la paysannerie
Partout dans les campagnes, on peut voir une exposition de matériel qui n’a rien à envier au Salon de l’agriculture. Tracteurs flambants neufs, remorques gigantesques, pickups 4×4 tout récents… À l’arrière et à l’avant de ces tracteurs, des dispositifs permettant l’attelage simultané d’outils entraînés à l’avant et à l’arrière de la machine ; ce qui laisse imaginer le parc de machines et les bâtiments qu’il faut pour les abriter ; quand ce ne sont pas les silos pour stocker les récoltes.
Le machinisme agricole a atteint un niveau inouï et avec lui, l’endettement massif de la paysannerie.
Pour acheter le matériel, l’agriculteur ou les groupements d’agriculteurs s’endettent massivement auprès du Crédit agricole qui prend des hypothèques sur les terres. Pour acheter la semence, les engrais, les pesticides, l’agriculteur s’endette auprès des coopératives qui prennent un nantissement sur les récoltes. Parfois même, la coopérative rachète l’endettement du paysan auprès du Crédit agricole en augmentant le taux du crédit au passage et en le ficelant définitivement pieds et poings liés. Le paysan n’a alors plus qu’un seul interlocuteur, la coopérative qui est son seul fournisseur, son seul client et son unique banquier. Virtuellement dépossédé de sa terre par l’hypothèque, ses récoltes saisies par avance au prix de la coopérative, le paysan se trouve ruiné à devoir exploiter la terre de ses ancêtres pour le compte de la coopérative et des industriels qui ne lui laissent que quelques centaines d’euros pour vivre. Telle est très souvent la réalité.
La réponse de Jean PUECH, ministre de l’Agriculture du gouvernement Balladur en 1993, était déjà édifiante quant au cynisme et au mépris des politiques.
https://www.senat.fr/questions/base/1993/qSEQ931204020.html
Les subventions, compensation de la prédation exercée par les secteurs en aval.
Pour comprendre le mécanisme pervers des subventions, il faut remonter la chaîne des prix à partir du prix payé par le consommateur. En premier lieu, le prix affiché par la grande distribution est toujours fixé au plus haut de ce qu’accepte de payer le consommateur. Ces prix ne cessent d’augmenter, au point que la plupart des ménagères ne peuvent plus boucler les fins de mois. De là, il faut déduire les marges gigantesques de la grande distribution hyperconcentrée et sans concurrence. Ensuite reste le prix payé à l’industriel de l’agroalimentaire qui lui va aussi prendre la marge maximale. De là reste le prix payé à l’agriculteur qui est ajusté sur ce qui reste après que les autres se soient servis. Voilà comment ce prix est largement inférieur au coût de production. Il faut donc compenser cette prédation pour maintenir les agriculteurs en vie. C’est le rôle des multiples subventions octroyées par la PAC. Autrement dit, les subventions servent à compenser la prédation exercée par l’industrie agroalimentaire et par la grande distribution en aval de la production primaire. Le contribuable européen finance donc indirectement les gigantesques bénéfices de ces secteurs ultraconcentrés, sans concurrence, et dont les lobbies font la loi à Bruxelles. C’est aussi simple que cela.
Les paysans victimes des institutions et de leurs représentants syndicaux
Cela fait des décennie que la paysannerie française a été mise en coupe réglée par le Crédit agricole, les coopératives, le syndicalisme agricole, les SAFER, Bruxelles et les ministres français successifs.
À cet égard nous pointons la responsabilité particulière de Christian Jacob dont la carrière a débuté dans le syndicalisme agricole.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_Jacob
Nous pointons également le parcours de feu Xavier Beulin, particulièrement représentatif de la caste qui a mis la paysannerie en coupe réglée.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Beulin
Hyper concentration – corruption – écrasement.
De la même manière, les milieux de la représentation agricole sont très largement corrompus ; ce qui explique très largement leur soumission aux lobbies industriels de l’agroalimentaire et des marchés des commodities (denrées agricoles). L’argent disponible dans ce secteur et les moyens dédiés au lobbying permettent d’acheter n’importe qui. Aucune conscience ne peut y résister.
Ainsi, à l’aval, les ABCD dirigent le monde depuis la Suisse. Ces quatre trusts qui dominent le marché mondial sont ainsi dénommés selon l’acronyme de leurs initiales. Ce sont les quatre plus grosses sociétés du trading de matières premières agricoles. Archer Daniels Midland (ADM), Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, se partagent à elles seules 90 % du marché des céréales. Elles dominent donc largement le marché mondial des matières premières agricoles. Leur pouvoir est proprement vertigineux.
Il en est de même des mastodontes hyperconcentrés en amont, (semences, engrais, phyto…) que sont DOW-duPONT (fusionnés), CHEMCHINA-SYNGENTA (fusionnés) qui ont écrasé toute concurrence et BAYER-MONSANTO.
Enfin, les secteurs de l’agroalimentaire sont également hyperconcentrés au niveau mondial. NESTLÉ, PEPSICO, UNILEVER, COCA COLA, DANONE (et en France LACTALIS) se partagent le marché mondial.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Classement_mondial_des_entreprises_leader_par_secteur
Il en est de même de la grande distribution en France : CARREFOUR, AUCHAN, LECLERC, INTERMARCHÉ, et à un moindre degré, CASINO et SYSTÈME U dominent le marché.
65 millions de consommateurs n’ont pas d’autre choix que de passer par ces mastodontes pour l’essentiel de leur consommation alimentaire. On le voit bien, aux trois stades de la transformation, la filière est hyperconcentrée : négoce des commodities, industrie agroalimentaire et grande distribution sont cartellisées à chaque stade pour ne pas se faire de concurrence et pour pratiquer les prix les plus élevés et optimiser leurs marges. 65 millions de consommateurs d’un côté et moins de 50 000 paysans producteurs primaires de l’autre sont mis en regard au travers de ces entonnoirs auxquels rien n’échappe.
Nos paysans sont laissés sans protection par les politiques et littéralement écrasés par ces mastodontes qui font la loi non seulement à Bruxelles, mais dans le monde entier. Les subventions de la PAC ne sont qu’un cautère sur une jambe de bois. Les problèmes sont en amont, en aval, et il serait du devoir du politique de réguler l’excès de puissance de ces secteurs. Ce n’est évidemment pas le cas, bien au contraire.
Solidarité de fait entre paysans et consommateurs
On le voit, tous les secteurs qui entourent l’agriculture en aval et en amont sont hyperconcentrés au niveau mondial et national. Leur puissance dépasse celle des États, tandis que nos paysans qui ne sont plus que 450 000 environ leur sont livrés sans aucune protection. De l’autre côté, 65 millions de consommateurs payent le prix fort et doivent en plus subventionner par l’impôt la prédation exercée sur l’agriculture. Il existe donc une solidarité de fait entre les paysans et les consommateurs : celle des victimes de la mondialisation.
Pourtant on peut observer que dans l’opinion, les paysans passent de plus en plus pour des gens peu productifs, gavés de subventions indues. Les fils de commentaires des lecteurs sur les différents sites de la presse main streamtémoignent de cette opposition catégorielle injustifiée. L’opinion est très largement hostile aux paysans, même s’il subsiste une certaine nostalgie romantique, qui s’exprime une fois l’an au Salon de l’agriculture. La force des mondialistes, c’est d’instiller dans les peuples des oppositions catégorielles factices qui nous divisent pour mieux asseoir leur règne. En France, l’opposition catégorielle est devenue la règle, tout le monde déteste tout le monde.
Le transfert de nos productions vers les zones de production intensives hors de France.
C’est surtout vers les pays de l’Est qu’a déjà été transférée une grande partie des productions qui autrefois se faisaient en France. Maîtrise foncière facilitée dans les pays sortis du bloc communiste : Pologne, Hongrie, Roumanie, et maintenant Ukraine et Russie, création de vaste latifundia de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’hectares d’une seule main, main d’œuvre agricole à très bas coût, absence totale de règlementation, absence totale d’écologistes sur place ; tous ces éléments ont favorisé l’évasion des productions vers ces régions où tout est possible, en totale liberté, et dans les meilleures conditions financières pour les très grands groupes précédemment cités. On le voit, la mondialisation est en train de dévitaliser l’agriculture française. C’est un drame national et pourtant, personne n’en parle.
Effondrement de l’excédent agricole français
C’était encore inimaginable il y a quelques années, mais l’excédent agricole français est en train de s’effondrer au point que de pays exportateur, nous allons devenir pays importateur de matières premières agricoles. Si notre balance du commerce extérieur de produits agroalimentaires, c’est à dire y compris des produits transformés reste positive, ce n’est plus le cas de celle des produits bruts.
Préfiguration de l’avenir
Virtuellement, les quelques paysans qui restent en France ne sont plus propriétaires de leur sol. Les hypothèques prises par les banquiers et les coopératives, comme le jeu pervers des SAFER les en ont dépossédés. La réalité est que les très grands groupes de la mondialisation ont déjà largement mis la main sur le patrimoine foncier de la paysannerie française. Il ne leur reste plus qu’à exécuter leurs titres pour s’en emparer définitivement.
La mondialisation a ruiné l’agriculture française par la dette. Les banques comme les très grands groupes industriels et commerciaux de la planète vont maintenant convertir ces masses de dettes devenues irrécouvrables en bien matériels tangibles ; en l’occurrence en terres agricoles. Ils vont se rendre définitivement propriétaires des terres ; ce qui leur permettra de restructurer leurs bilans. Cela explique le paradoxe de l’augmentation du prix des terres agricoles qui n’est évidemment pas le fait des paysans ruinés, mais bien la preuve de ce que les grandes manœuvres d’accaparement on déjà commencé. Ce serait inexplicable autrement.
La finance mondiale s’apprête à s’emparer de tout le patrimoine foncier de la France ; y compris comme nous l’avons déjà expliqué, celui résidentiel de la classe moyenne. Tout doit y passer. Après nous avoir ruinés par la dette et la monnaie, la finance mondiale a besoin de valeurs tangibles pour se refaire. Nous sommes en train d’assister au dénouement d’un grand cycle économique, celui de l’accaparement par la dette.
Seule une action globale sur le pouvoir permettra de nous libérer de la mondialisation. Il n’y a pas d’autre alternative.
Localisme et circuits courts, solutions d’attente
Pour rendre les choses supportables en attendant le dénouement de cette crise majeure, on peut prescrire le localisme et le recours aux circuits courts en matière alimentaire. Des filières courtes existent déjà qui mettent directement les producteurs en regard des consommateurs. Certains producteurs, notamment dans l’élevage et le maraîchage, se sont déjà organisés et structurés dans ce sens. Il existe des regroupements d’éleveurs qui se sont échappés du système infernal de la mondialisation. Ils font abattre et travailler leur productions dans leurs propres ateliers, ils la distribuent dans leur propre réseau de magasins fermiers.
La qualité des produits est comparable à celle que l’on trouvait il y a 40 ou 50 ans, les prix sont ceux des autres circuits, on y trouve des promos tout à fait intéressantes.
Les saveurs, la fraîcheur et la garantie de l’origine des produits y sont assurés.
Pour les producteurs comme pour les consommateurs, la sortie de l’enfer mondialisé est un acte de résistance, elle est une préparation à la nécessaire recomposition économique et sociale que nous prônons.
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Le marché européen va bientôt s’effondrer de toute façon. Certaines populations commencent à importer leurs propres denrées :
Croissance du trafic de « viande de brousse » dans de nombreuses villes d’Europe.
De la viande de singe vendue sur un marché en Belgique… Ce n’est pas un cas isolé, mais un phénomène dangereux.
http://www.fdesouche.com/1223437-croissance-du-trafic-de-viande-de-brousse-dans-de-nombreuses-villes-deurope
Il va de soi que toutes les conditions sanitaires et vétérinaires sont respectées, n’est-ce pas ?
Excellente description de la situation…et bien trop réelle, hélas !
Seulement, les responsables : « les mondialistes » ne sont pas les seuls ! Les plus responsables sont les français ( sans F volontairement ! ) de bas en haut de l’échelle. Par leur vote ( voire blanc s’il n’y a personne de valable ), ils pourraient et surtout auraient pu changer la situation mais ils n’ont aucun discernement et ne voient même pas le bourrage de crâne qu’ils absorbent. Pas de vision à long terme, « après moi, le déluge » est leur devise. Le principal est de profiter du moment en espérant que cela dure jusqu’à leur fin de vie…
Un exemple : je m’approvisionne chaque fois que cela est possible directement auprès de producteurs « bio » qui sont en même temps de vrais écologistes ( pas les faux-écologistes socialistes ! ). Dans mon village « riche », un millier d’habitants, la distribution d’un prospectus d’un petit éleveur d’agneaux ne lui a rapporté qu’un client : moi !
Si je comprends que celui qui n’a aucun moyen ne puisse acheter un demi-agneau, que penser des autres ? C’est simple, il va au plus simple…
La nature ? le citadin est venu ici pour être à la campagne surtout que nous sommes à côté de la ville. Il ne remarque même pas que les abeilles disparaissent, qu’il n’y a plus de papillons ( et si vous lui faites remarquer, il vous répond que si, regardez, il y en a un là ! ( une malheureuse survivante, la piéride du chou ), voilà le « français »… et je ne vous parle pas des oiseaux, de moins en moins nombreux et dont les espèces se raréfient.
Tous les français ont leur part de responsabilité, y compris les paysans en supprimant les haies par exemple et l’hiver ont à mis des espèces de haies artificielles pour éviter les congères…et maintenant, on ne met plus rien : c’est le progrès…
On pourrait continuer longtemps l’énumération…
Triste France ! Pauvres Français !…Allez, chantez cigales…
Horreur !
4ème phrase avant la fin, lire : on a mis des espèces…
Voilà ce qui arrive quand on ne relit pas et qu’on parle en même temps…
Toutes mes excuses aux lecteurs.
ça fait des années que cette situation a été enclenchée avec la construction initiale de la CEE, et du marché commun agricole
les trusts prennent possession de tous les marchés, et maintenant des terres agricoles, c’est une immense catastrophe, les SAFER ainsi que le Crédit agricole, jouent un rôle d’intermédiaires, voulant passer pour des aidants, alors qu’ils coulent le paysan, et sont les instruments de sa ruine