Commandés par l’État et conçus par Claire Tabouret, les nouveaux vitraux de Notre-Dame de Paris doivent remplacer, d’ici fin 2026, ceux imaginés par Viollet-le-Duc entre 1855 et 1865. Leur présentation au Grand Palais soulève de nouveau des incompréhensions.
« Nul besoin d’être spécialiste pour voir que ces dessins posent de multiples problèmes ». Trahison des proportions, des représentations, du sens donné par Viollet-le -duc à ses vitraux destinés exclusivement à Notre-Dame et au christianisme. Comment imaginer qu’une Tabouret pourrait « interpréter le thème de la Pentecôte ? De quel droit ? Dans une oeuvre qu’elle créerait pour elle, pour d’éventuels acheteurs, clients, certes, mais pas pour remplacer le sacré. Et le sacré ce sont les vitraux de Viollet-le-Duc, forcément. Moi je vous le dis tout de go, je m’en fous de l’histoire que veut raconter la Tabouret ! Je ne veux que l’histoire de Notre-Dame, l’histoire de Jésus, telle qu’elle est narrée dans les Evangiles; pas telle qu’une quelconque Tabouret veut la ré-inventer.
L’exposition intitulée « D’un seul souffle » présente les maquettes grandeur nature de l’artiste. Claire Tabouret y propose une interprétation du thème de la Pentecôte, « symbole d’unité et d’harmonie entre les hommes ». « J’ai été emportée par la beauté, la poésie du thème de la Pentecôte », a-t-elle expliqué dans un communiqué. L’artiste affirme avoir souhaité créer une série de six baies racontant une histoire, tout en respectant « la lumière blanche de Notre-Dame ».
Cependant, cette vision séduit peu les spécialistes. Un expert en vitraux, cité par le JDD, a indiqué : « Les dessins ont été réalisés au mépris des règles fondamentales en la matière. Lorsqu’il réalise ses dessins, l’artiste doit tenir compte des contraintes architecturales, des meneaux, des barlotières. […] Nul besoin d’être spécialiste pour voir que ces dessins posent un problème. » Pour Didier Rykner, directeur de La Tribune de l’Art, la démarche témoigne effectivement d’une « méconnaissance complète de l’exercice ». Dans un article publié sur son site, il fustige une œuvre d’une « médiocrité insigne », dénonçant «des scènes d’une laideur frappante », des couleurs « criardes » et « une exécution incroyablement faible et d’une grande pauvreté d’inspiration ». « Surtout, l’artiste démontre qu’elle ne comprend rien à ce qu’est un vitrail, et à la manière dont il se conçoit », pointe encore Didier Rykner, avant d’expliquer plus en détail : « Les remplages, ce réseau de pierre qui le soutient, ont de tout temps été intégrés, en laissant le spectateur imaginer qu’ils se trouvent au-dessus du dessin. Or Claire Tabouret semble avoir fait ses cartons, puis les avoir découpés pour les installer de chaque côté des remplages. Le résultat est désolant : les figures apparaissent coupées, la continuité des personnages n’existe pas. Les têtes sont ouvertes en deux, les bras sont trop grands, rien ne tient. »
« Comment ne pas voir, en outre, que tout esprit religieux est absent de cette prétendue représentation de la Pentecôte », fait remarquer Didier Rykner. Et de conclure : « Il n’y a décidément rien à sauver dans ce naufrage, qui va coûter quatre millions d’euros, et probablement d’ailleurs beaucoup plus comme on commence à l’entendre. »
Une mobilisation patrimoniale sans précédent
L’opposition ne se limite pas aux cercles d’experts. La pétition « Conservons à Notre-Dame de Paris les vitraux de Viollet-le-Duc », lancée par La Tribune de l’Art via Change.org et soutenue par l’association Sites & Monuments, a déjà recueilli plus de 327.000 signatures. « Jamais une pétition concernant un sujet patrimonial n’avait connu un tel succès », souligne d’ailleurs Didier Rykner. Pour rappel, la décision de remplacer les vitraux de Notre-Dame, soutenue par l’archevêque de Paris Mgr Laurent Ulrich, remonte à décembre 2023, lorsque Emmanuel Macron avait exprimé le souhait que la cathédrale « porte la marque du XXIᵉ siècle » à travers l’installation de six verrières contemporaines dans le bas-côté sud de la nef.
Remplacer les vitraux d’origine trahit donc l’esprit même de la restauration entreprise après l’incendie. « Comment peut-on justifier de restaurer des vitraux qui ont survécu à la catastrophe pour aussitôt les enlever ? Qui a donné mandat au chef de l’État d’altérer une cathédrale qui ne lui appartient pas en propre, mais à tous ? » interroge la pétition.
L’association Sites & Monuments a déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris pour tenter d’annuler le marché public. Bien que ce premier recours ait été rejeté fin novembre, d’autres actions juridiques sont prévues. « Le combat est loin d’être terminé », a averti La Tribune de l’Art. De nouveaux référés contre l’autorisation de travaux sont envisagés. Et Didier Rykner de promettre : « Enfin, s’il le faut, si toutes ces actions étaient vaines, nous continuerions à nous battre pour que ce remplacement de vitraux puisse être, un jour, annulé et que le retour à l’état de Viollet-le-Duc soit décidé. »
Pour être clair, on en veut pas!
Pourtant Macron aurait dû conserver ces vitraux, vu son amour des vieilles choses, dont Brigitte.