Ce dimanche après-midi 14 décembre 2025, sous un ciel d’hiver grisâtre, s’est produit avenue Hoche à Paris, près de l’Arc de Triomphe, un événement historique : laproclamation de l’indépendance de la Kabylie.
Organisée par le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) et le Gouvernement provisoire en exil (Anavad), la cérémonie s’est tenue à cet endroit, dans l’urgence et la détermination. Initialement prévue à Versailles, symbole de la grandeur française, elle a été brutalement interdite par la préfecture des Yvelines. Prétexte : «risques de troubles à l’ordre public ».
Une décision politique du gouvernement français, qui, une fois de plus, plie devant les pressions d’Alger, sacrifiant ses principes et sa grandeur sur l’autel de la realpolitik. Pathétique !
Invité à cet événement, j’étais présent pour soutenir ces courageux Kabyles, menés par leur président, Ferhat Mehenni. Sa voix ferme et passionnée résonnait dans la salle bondée, pavoisée de drapeaux bleu et vert ornés du Yaz, le symbole kabyle de l’homme libre. Vêtu d’un costume sombre, micro en main, il lut sobrement avec émotion la Déclaration d’Indépendance, proclamant la liberté de la Kabylie, et traçant les contours d’une république fédérale. Un acte de rupture totale et définitif avec l’occupant algérien, fondé sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, gravé dans la Charte de l’ONU, et même, ironie du sort, dans la Constitution algérienne elle- même.
Je l’avais rencontré brièvement quelques mois auparavant avec Mourad Amelal son directeur de cabinet, un de mes amis. Il m’était apparu comme un homme doux et courtois, cultivé, presque timide – un artiste plus qu’un tribun. J’ai pensé à son parcours : son long et pénible exil, les menaces d’extradition, les intimidations, la perte terrible de son fils en 2004, assassiné par le pouvoir algérien.
Sa retenue malgré ce drame et ces épreuves force le respect : elle dit quelque chose de profond sur la nature de cette lutte, qui n’est pas seulement politique, mais profondément culturelle, identitaire et ancrée dans une histoire millénaire et glorieuse.
Quoi de mieux pour cette nation qui renaît qu’un homme civilisé pour la diriger : il rappelle Václav Havel par sa dignité et son attachement aux valeurs démocratiques. Ces qualités honorent la Kabylie qui renaît ; elles contrastent avec la violence d’un régime algérien marqué par la dictature et la répression. Et ses compagnons ? Alger les qualifie de « terroristes » mais ce sont des modérés : militants du MAK, poètes, intellectuels – tous ont défié les pressions : harcèlement diplomatique, campagnes de désinformation, voire risques physiques parfois matérialisés. Ils incarnent la résilience d’un peuple qui refuse l’assimilation forcée et la soumission.
Plus de mille personnes avaient fait le déplacement – diaspora européenne, nord-américaine, quelques-uns venus d’Afrique. La salle était pleine, les visages tendus vers l’estrade. Des applaudissements chaleureux, un hymne national entonné ensemble, des larmes discrètes : rien d’exubérant, mais une émotion sincère celle de l’espoir d’un peuple qui renaît. En les regardant, je me suis surpris à envier cette unité formidable autour d’un projet commun. Ils ne réclamaient pas seulement un État ils cherchaient à retrouver une continuité historique, une langue, des références millénaires – des Numides à la reine Dihya, des gravures du Tassili à la reconnaissance récente du tamazight par l’UNESCO.
Deux petites videos que j’ai faites in situ. Cliquer dessus pour les voir.
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Cette quête d’enracinement m’a renvoyé à mes propres interrogations sur l’identité française : comment se réconcilier avec son histoire quand elle est fracturée, quand le récit national semble parfois hésiter entre fierté et culpabilité ? Quoi qu’il en soit, comme il est émouvant et profondément réconfortant de contempler cet élan vers la liberté que nous avons en grande partie perdu. Un peuple qui veut recouvrer sonindépendance, retrouver son histoire volée, ses langues ancestrales, ses coutumes millénaires avec une fierté que nous leur envions tant elle contraste avec notre nationalisme français, terne, divisé, souvent nostalgique et peu tourné vers l’avenir. Merci aux Kabyles de nous rappeler aujourd’hui que la fierté et l’amour de la patrie ne sont ni des vices ni des chimères du passé, mais des biens précieux pour l’avenir.
L’absence à cette cérémonie des responsables politiques français – qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition dite « souverainiste » – m’a particulièrement frappé. Je comprends sans les approuver les contraintes diplomatiques et d’ordre public qui pèsent sur la majorité actuelle, obsédée par ses alliances pétrolières avec Alger et la présence dans nos cités de nombreux arabes algériens hostiles. Mais je m’interroge sur le silence des souverainistes, eux qui placent la défense de l’identité et de la souveraineté au cœur de leur discours. Personne parmi eux n’a daigné se montrer, malgré les invitations envoyées…
Soutenir une aspiration comme celle des Kabyles n’aurait-il pas pu enrichir leur réflexion, les inspirer dans leur action politique et montrer que le principe de souveraineté peut s’appliquer universellement ? Leur absence soulève un problème plus large : peut-on défendre ardemment sa propre nation sans reconnaître la légitimité des autres à faire de même ? Cette question me semble essentielle si l’on veut éviter que le patriotisme ne se referme sur lui- même.
Notre pays a donc encore une fois raté un rendez-vous avec l’histoire. Nous n’attendions rien de Macron, pour qui tout patriotisme est un ennemi, sauf lorsqu’il s’agit de l’Ukraine et de s’opposer aux Russes, bien sûr. Mais que dire de ses opposants souverainistes qui s’érigent en défenseurs de notre indépendance perdue ? Comment croire à leurs intentions ? Alors qu’ils désertent le chevet d’autres luttes légitimes et souvent symétriques. Et comment n’ont- ils pas vu qu’en soutenant l’autodétermination kabyle, ilspourraient mobiliser en leur faveur une partie de l’électorat français d’origine kabyle, qui est assez significative car elle représente plusieurs centaines de milliers de voix ? Ne voient-ils pas non plus que, ne serait-ce que par pure tactique, soutenir la Kabylie c’est aussi etsurtout semer « La Discorde chez l’ennemi » comme l’écrit de Gaulle, c’està dire affaiblir notre ennemi algérien.
D’autres voix ont répondu présent. Des délégués québécois, héritiers d’une autre quête d’autonomie, celle du « Québec Libre » annoncé par le général de Gaulle. Mais aussi des représentants indépendantistes corses – que nous n’apprécions guère d’habitude, car ils sont aussi nos adversaires – à qui les patriotes français qui les combattent ont laissé, par leur absence, non seulement le champ libre mais aussi une tribune.
Nous aimons chez eux leur patriotisme, car ils sont fiers de leur île, que nous voulons garder. Ils étaient là, côte à côte avec les Kabyles. Ces présences symboliques – discours croisés sur la solidarité des nations captives – ont ajouté une couche d’universalité à l’événement – l’universalité de l’amour de la patrie. Le Québec, avec son référendum de 1995, inspire les kabyles ; l’expérience Corse, avec ses assemblées autonomistes, résonne à leurs oreilles. Ensemble, ils forment un front invisible contre les états centralisateurs et les peuples dominateurs.
En quittant la salle, j’étais exalté, mais aussi pensif. Ce que j’avais vu n’était pas une révolution tonitruante, mais un acte posé, presque méditatif, de réaffirmation d’une identité ancienne : « La Kabylie renaît de ses cendres » nous dit posément son président Ferhat Mehenni dans son discours. Son pays, par cette déclaration, se place désormais sur la scène internationale. Le chemin sera sans doute long et semé d’obstacles.
Alger fulmine, Paris tergiverse, mais l’élan est lancé. Bientôt, l’ONU sera saisie, et le monde devra choisir : la liberté ou la complaisance. Mais au-delà du destin kabyle, cet événement nous renvoie à nous-mêmes : que faisons- nous, en France, de notre propre souveraineté et de notre capacité à accueillir les aspirations des autres sans les craindre ?
Je ne sais pas si cette proclamation changera demain le cours des choses. Mais elle nous a rappelé qu’un peuple qui assume calmement son histoire et son avenir possède une force intérieure rare.
Peut-être est-ce là une leçon dont nous aurions, nous aussi, besoin. Pour que la France, un jour, suive cet exemple magnifique et se réveille enfin pour reprendre son indépendance perdue.
Emmanuel Crenne
Conseiller Régional d’Occitanie (2015-2021)
Ci-dessous la photo de la Déclaration d’indépendance remise aux invités
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« les déplacementS », désolé…
Et puis… pas de femmes voilées (ou alors une ou deux que j’aurai manquées dans les déplacement rapides de la caméra). Bon vent aux Kabyles ! Et oui, quel dommage qu’aucun de nos partis patriotes ou souverainistes n’ait jugé bon d’être présent.
Ce retour aux sources pourrait bien les libérer de la peste verte.
il ya plus de mosquees a tizi ouzou en kabylie que dans tout autre ville d’algerie,l’ecole algerienne a forme des kabyles islamistes en tres grand nombre,,la connerie des kabyles a ete de declarer la guerre a la france en 54 ,cela a profite a la mouvance islamo baathiste menee par boumedienne,,la proclamtion de l’independance de la kabyle arrive trop tard,,
Il reste néanmoins nombre de Kabyles non islamistes il faut espérer au contraire que ce nouveau départ ramène l’égaré dans la bergerie