
Serge Gainsbourg, Le Palace, Paris, 1979, photo Tony Frank
Le Palace « renaît » en 2026, mais peut-on ressusciter l’esprit d’une époque ?
2026 marquera le grand retour du Palace, cette discothèque mythique qui a fait vibrer Paris pendant deux décennies. Retour sur un lieu de légende où toute une génération a dansé, aimé et rêvé.

Les années de gloire : quand Paris dansait jusqu’à l’aube
Dans les années 1970 et 1980, le Palace n’était pas simplement une boîte de nuit. C’était le sanctuaire de la nuit parisienne, un théâtre reconverti en temple de la fête où se croisaient artistes, mondains, anonymes en quête de liberté et de transgression. Ouvert en 1978 par Fabrice Emaer, l’établissement de la rue du Faubourg-Montmartre est rapidement devenu l’épicentre de la vie nocturne parisienne.

Un air d’ambiance zazou
Le Palace était un microcosme où les classes sociales se mêlaient sur la piste de danse, où la musique disco puis new wave faisait office de langage universel. Les soirées y étaient orchestrées comme des spectacles totaux : jeux de lumières révolutionnaires, performances artistiques audacieuses, DJ visionnaires. Grace Jones y a chanté, Mick Jagger y a dansé, et toute la scène artistique parisienne s’y retrouvait religieusement.

Anna Karina, Marie-Hélène de Rothschild, Françoise Sagan et Edgar Faure à la soirée de Caroline de Monaco au Palace

Julio Iglesias sur scène au Palace pour la soirée “Le Bal de Salomé » en 1981

Concert de Serge Gainsbourg et le groupe de rock français Bijou au Palace en 1979

Patrick Dewaere et Serge Gainsbourg à une soirée au Palace, en 1980

Serge Gainsbourg en 1981 au Palace
Serge et les autres : chronique d’une époque
Serge Gainsbourg était un habitué des lieux. L’homme à la Gitane y venait régulièrement, incarnant parfaitement cet esprit Palace fait de provocation élégante et de créativité débridée. On l’y croisait souvent au bar, verre de whisky à la main, observant le ballet des noctambules avec cet air à la fois amusé et désabusé qui le caractérisait.
Régine, la reine de la nuit parisienne, avait elle-même immortalisé le Palace dans sa chanson. Dans « Okazou » , elle chantait avec malice sa proximité géographique avec le lieu, un clin d’œil amusé à cet établissement concurrent qui attirait désormais toutes les foules. Cette mention dans une chanson témoignait à elle seule de l’importance culturelle qu’avait pris le Palace dans le paysage parisien.
C’était l’époque où la nuit parisienne rayonnait encore, où les discothèques étaient de véritables laboratoires culturels, des espaces de rencontre et de création. Le Palace incarnait cette ère de liberté et d’expérimentation, avant que la normalisation et la marchandisation ne transforment progressivement l’univers nocturne.
Régine rachète Le Palace en 1991.
En 1991, Régine, la « Reine de la Nuit », tenta de ressusciter Le Palace, un lieu qui, après l’ère de son fondateur Fabrice Emaer, avait perdu de sa splendeur mythique. Forte de son expérience passée avec ses propres clubs, elle avait l’ambition de restaurer l’ambiance de fête et de liberté qui caractérisait les nuits parisiennes de l’époque, en faisant à nouveau converger la jet-set, les artistes et les personnalités underground.

Sylvie Vartan et Régine lors de l’ouverture du Palace à Paris en 1992
Cependant, cette tentative de relance fut de courte durée et s’avéra un échec financier, car le contexte des nuits parisiennes avait changé, rendant impossible la simple réédition de l’esprit des débuts du Palace. Le mythe est difficile à recréer : l’esprit de fête des années 70 et du début des années 80 était révolu. La clientèle avait changé, et l’avènement de nouvelles formes de musique (comme la house et la techno) et de nouveaux lieux de rassemblement rendait difficile la recréation de l’atmosphère unique du Palace.
2026 : le décor revient, mais l’esprit ?
La réouverture annoncée pour 2026 suscite le doute. Les promoteurs du projet promettent de préserver l’architecture originale, de retrouver cette atmosphère unique qui faisait l’âme du lieu. Les stucs, les dorures, l’escalier majestueux, tout sera restauré avec soin.
Mais peut-on vraiment faire revivre un lieu en ne restaurant que ses murs ? Comme le chantait Charles Trenet dans une mélodie mélancolique, on peut retrouver le décor intact d’un endroit aimé, et pourtant constater que quelque chose d’essentiel a disparu. L’ambiance d’une époque, son innocence, son audace, ne se reconstituent pas sur commande.
Le Palace de 2026 retrouvera sans doute son lustre visuel. On y dansera certainement, on y fera la fête. Mais ce ne sera plus tout à fait le même Palace. Celui des années folles appartient désormais à la mémoire collective, aux récits nostalgiques de ceux qui l’ont vécu. Car comme le rappelait aussi Dalida dans l’une de ses chansons les plus poignantes, quand une histoire se termine, la comédie prend fin et il faut savoir tourner la page.
Le nouveau Palace sera autre chose : peut-être un hommage, certainement un nouveau chapitre. Mais l’esprit originel, lui, restera à jamais figé dans ces nuits magiques des années 70 et 80, quand Paris dansait encore avec insouciance et que le Palace était bien plus qu’une simple discothèque – c’était un état d’esprit. Après est arrivée la dégringolade générale, le Grand remplacement et la tristesse, l’ambiance de crise permanente, financière, terroriste, sanitaire et l’usure émotionnelle.
« Les lieux me sont restés, mais les fleurs sont passées. » Alfred de Musset (dans Souvenir) :
J. Ferry
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« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » ! La NOSTALGIE, seule, reste en mémoire…
Merci Jules !