Mohamed Ben Salmane n’ose pas demander aux Saoudiens d’aimer les Juifs

L’Arabie saoudite estime qu’elle peut se passer d’une relation officielle avec Israël.

Tous ceux (les Israéliens notamment) qui rêvaient d’une annonce importante, mardi 18 novembre, à l’issue de la rencontre entre Donald Trump, président des États-Unis, et Mohamed Ben Salmane, prince régnant d’Arabie saoudite, en sont pour leurs frais. Ce n’est pas de sitôt que les Saoudiens rejoindront les accords d’Abraham, ouvriront une ambassade à Jérusalem et noueront des partenariats économiques avec les start-up israéliennes.

Pourtant, Israël et l’Arabie saoudite ont de solides raisons de faire alliance.

Des raisons militaires

Israël et l’Arabie saoudite ont l’Iran pour ennemi commun. Les ayatollahs ont beau se trouver à la tête d’un pays failli, ruiné sur les plans agricole et industriel, chaque dollar de leur rente gazière et pétrolière sert à financer un projet d’hégémonie religieuse et militaire sur le Moyen-Orient. Cet impérialisme iranien vise à imposer une figure de référence chiite, le Guide suprême iranien, à l’ensemble du monde musulman, y compris les sunnites. Et dans cette logique, le royaume saoudien (sunnite) a de bonnes raisons de se sentir menacé.

Pourquoi Israël et l’Arabie saoudite n’unissent-ils pas leurs forces contre un ennemi commun ? En réalité, sans le dire, ils coopèrent déjà . Comme l’écrivait NBC en 2017, la coopération entre les services saoudiens et israéliens existe déjà, depuis si longtemps que c’en est un « secret de polichinelle ». Très récemment encore, malgré la guerre contre le Hamas à Gaza, la coopération militaire entre l’Arabie saoudite et Israël s’est intensifiée. Lors de l’attaque d’Israël par l’Iran en juin 2025, l’Arabie saoudite a « aidé à l’interception de missiles lancés vers Israël ». Les deux pays évoquent en sous-main une possible « architecture régionale de défense aérienne » (missiles + UAV) sous l’égide des États-Unis, au sein de laquelle Israël et l’Arabie pourraient coopérer.

Des raisons économiques

Un partenariat économique israélo-saoudien ferait sens également. Longtemps économie de rente, le royaume saoudien investit à marche forcée pour sortir du sous-développement. Un plan intitulé « VISION 2030 » fixe les grandes étapes d’un projet qui a pour but de développer le tourisme, le sport, de sortir les femmes de la maison et de développer des projets scientifiques capables de générer des revenus hors de la rente pétrolière.

Là encore, le dynamisme économique et scientifique israélien trouverait à se déployer au bénéfice mutuel des deux pays. En réalité, ils le font déjà. Mais en sous-main.

En juillet 2023, l’israélien SolarEdge et le saoudien Ajlan & Bros ont annoncé la création d’une filiale commune pour le développement des énergies renouvelables. En septembre 2023, une délégation d’entreprises israéliennes a été accueillie en Arabie saoudite. Jared Kushner, gendre de Donald Trump, a levé deux milliards de dollars en Arabie saoudite pour investir dans des start-up israéliennesCyberArk, Quadream et Cellebrite, trois start-up israéliennes spécialistes de cybersécurité, ont passé des accords commerciaux avec des institutions saoudiennes. Check Point Software, un géant de la cybersécurité en Israël, serait impliqué dans la sécurité informatique de Neom, un projet de ville futuriste en Arabie saoudite. Etc.

Est-ce le dogme islamique qui empêche une officialisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite ?

A priori, non !

La modernisation économique de l’Arabie saoudite passe par une séparation (en force) de la mosquée et de l’État. De grandes transformations ont déjà été accomplies.

En 2017, le grand mufti d’Arabie saoudite, interrogé sur une éventuelle levée des interdictions concernant les divertissements publics, a répondu :

« La musique, les concerts et le cinéma sont dangereux et corrupteurs. » Il a ajouté : « Ils favorisent la promiscuité et corrompent les valeurs islamiques. »

Mohamed Ben Salmane, qui venait d’accéder au poste de prince régnant, a entrepris de marginaliser ce fâcheux. Mais juste avant de l’envoyer au placard, il lui a arraché – au prix de quelles menaces ? – son feu vert pour autoriser les femmes saoudiennes à conduire une voiture. Ce qui leur était interdit auparavant et les clouait à domicile leur a permis de devenir enfin visibles dans la vie quotidienne et de rejoindre en masse le personnel des entreprises.

Comme l’explique Ahmed Al Omran dans le Financial Times, le prince régnant « a rogné les griffes de la police religieuse, limité la capacité des juges à interpréter les articles de la charia, réduit le temps d’enseignement de la religion islamique à l’école et surtout il a aboli la ségrégation entre les sexes ». Ces réformes ont transformé la vie des 36 millions de Saoudiens.

« Les boutiques qui fermaient cinq fois par jour pour respecter les heures de la prière sont maintenant ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les roses rouges de la Saint-Valentin et les décorations de Noël, autrefois confisquées par la police religieuse, sont désormais vendues ouvertement dans les boutiques. »

Le prince héritier a également rompu avec un pesant protocole. « Aucun dirigeant saoudien avant lui ne s’était montré conduisant un buggy dans un lieu touristique, ni en train de prendre des selfies dans un restaurant, ni même assistant à une course de Formule 1 vêtu d’une veste Barbour bleu marine par-dessus le thobe traditionnel saoudien, de lunettes de soleil aviateur Tom Ford et de baskets Adidas Yeezy Boost 350 », écrit Walter Russell Mead dans le Wall Street Journal.

Mohamed Ben Salmane a lui-même déclaré un jour à des chefs d’entreprise à Riyad : « nous voulons une vie normale, une vie qui soit la preuve de notre religion tolérante et de nos valeurs et de nos normes de vie. »

Qu’est-ce qui empêche une alliance gagnant-gagnant entre Israël et l’Arabie saoudite ?
Réponse : la cause palestinienne.

Ouvrir une ambassade à Jérusalem alors que le Hamas à Gaza fait battre le cœur de la jeunesse saoudienne ? No way !

Interrogé le 18 novembre 2025, sur une adhésion de l’Arabie saoudite aux accords d’Abraham et sur une normalisation des relations avec Israël, Ben Salmane a déclaré : « Nous avons un bon sentiment à ce sujet. Nous voulons la paix pour les Israéliens bla bla bla… » Mais la télévision d’État saoudienne a réécrit la déclaration ainsi : « Il est important de se concentrer sur la phase de paix fondamentale pour la bande de Gaza, pour les Palestiniens et pour toutes les autres zones. » Et il est vraisemblable que Ben Salmane aurait été fâché que ses propos ne soient pas retranscrits de la sorte pour la population saoudienne.

Un sondage du Washington Institute a montré qu’unelarge majorité de Saoudiens est opposée à toute normalisation avec Israël. Tout au long de la guerre de Gaza, de nombreux jeunes Saoudiens ont exprimé leur solidarité avec le Hamas via les réseaux sociaux, postant des vidéos, des messages, des images. Bravant l’interdiction de manifester, ils ont exprimé leur solidarité en cousant des cartes de la « Palestine » sur leurs vêtements.

Le prince régnant saoudien sait parfaitement que cette « cause palestinienne » n’est en réalité que le faux nez de l’intégrisme islamique. Un intégrisme qu’il combat au quotidien. Mais passer la « Palestine » par pertes et profits ? NON, NON et NON !

En Orient comme en Occident, « Palestine » cristallise aujourd’hui quelque chose de puissant, qui résiste à la rationalité… et qui se résume à un retour d’un phénomène que l’on croyait démodé : la haine du Juif.

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