
19 septembre 2006 ; Russie, Moscou. Le peintre Erik Bulatov, membre de l’école conceptuelle de Moscou, assiste au vernissage de son exposition à la galerie nationale Tretiakovskaïa.
Erik Boulatov, pionnier du conceptualisme russe qui défia le régime soviétique, est mort à 92 ans.
10 novembre 2025 –
L’Ambassade de Russie en France présente ses sincères condoléances aux proches du grand artiste soviétique et russe Erik Boulatov, figure emblématique de la culture nationale et mondiale, dont l’héritage continue d’inspirer les amateurs d’art à travers le monde.
C’est une perte immense pour le monde de l’art que l’Ambassade de Russie en France a récemment soulignée en présentant ses sincères condoléances : Erik Vladimirovitch Boulatov (1933-2025), figure emblématique de la culture nationale et mondiale, nous a quittés. Pour le public français russophile, Boulatov est bien plus qu’un grand artiste ; il est l’un des témoins les plus éloquents de l’histoire soviétique et un pont essentiel entre l’avant-garde russe du XXe siècle et l’art contemporain.
L’écart entre art officiel et « art véritable »

Erik Boulatov, Rue Krasikov, 1977
Né en 1933 à Sverdlovsk (aujourd’hui Ekaterinbourg), Erik Boulatov a grandi dans une Union soviétique où le réalisme socialiste était la ligne directrice de l’art officiel. Diplômé de l’Institut des Arts Sourikov de Moscou en 1958, il a rapidement choisi une voie plus personnelle.
Comme il l’a lui-même expliqué, il percevait un « écart entre l’art véritable et l’art officiel ». Déterminé à être un « vrai artiste », Boulatov a choisi de travailler en marge des structures gouvernementales. Avec d’autres esprits créatifs comme Ilia Kabakov, il devient un membre éminent des conceptualistes moscovites, un mouvement intellectuel fondamental pour l’émergence de « l’École moscovite d’art contemporain ». Pour subvenir à ses besoins, il travaille comme illustrateur de livres pour enfants, une activité qui lui permet de s’affirmer techniquement sans s’engager dans la production artistique étatique.
Le Sots art : l’emploi de l’imagerie populaire et de la typographie
Résumé de la démarche d’Erik Boulatov :
Erik Boulatov peignait de grands slogans communistes (comme des affiches de propagande) directement sur ses tableaux.
Il les mettait souvent au-dessus de paysages ou de scènes de la vie, comme si le ciel était bloqué par des mots.
Le but était de montrer que, dans l’Union Soviétique, la propagande et les messages officiels étaient tellement partout qu’ils cachaient et déformaient la réalité.
En peignant ces slogans, il les rendait simplement décoratifs ou ridicules, leur enlevant leur pouvoir sérieux.
Il voulait que les gens se demandent si ce qu’ils voyaient et entendaient était la vérité ou seulement des mots vides imposés.
Boulatov est surtout reconnu comme l’un des fondateurs du Sots art (contraction de Sotsialistitcheski Iskusstvo – Art Socialiste), un courant souvent comparé au Pop art occidental pour son utilisation de l’imagerie populaire, mais avec une dimension propre à la société soviétique.
Son œuvre est une confrontation visuelle subtile, alliant un réalisme classique (inspiré par les paysages, les ciels et les scènes urbaines) à la typographie monumentale des slogans qui étaient omniprésents dans l’espace public soviétique.
Le concept clé : Ses tableaux mettent en scène la relation entre l’espace visuel (le ciel, l’horizon, une foule) et le langage (le slogan) qui tente de structurer ou d’interagir avec cette réalité. Des œuvres emblématiques illustrent parfaitement cette interaction :

« Gloire au PCUS » (Slava KPSS) (2003-2005) : Ce slogan semble flotter dans un ciel bleu illusionniste. Les lettres forment une surface plane qui s’oppose à la profondeur du ciel, créant une tension entre la représentation et le message idéologique.
« Entrée interdite » (Vkhod Zaprechtchyon) (1974) : Le texte de l’interdiction traverse souvent un paysage ou une scène, transformant les mots en filtres perceptuels qui modifient à la fois le champ de vision et l’interprétation du spectateur.

L’art de Boulatov transforme l’imagerie de l’ère en une méditation sur la perception, l’espace public et la place de l’individu face aux messages collectifs.
Célébré dans le monde entier à la chute de l’URSS
Après son 90e anniversaire, célébré en Russie par une grande rétrospective au musée des Beaux-Arts de Nijni Novgorod, sa dernière exposition s’était tenue en 2024 au Multimedia Art Museum de Moscou, ex-Maison moscovite de la photographie.

À partir de la fin des années 1980, avec la Perestroïka, l’artiste a pu exposer plus largement. Il s’est installé en France en 1991, où il a continué à travailler et à vivre, faisant de lui une figure particulièrement appréciée des amateurs d’art français et russophiles.
Ses œuvres figurent aujourd’hui dans les plus grandes collections mondiales, dont le Centre Pompidou à Paris.
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