Traduction google : Un policier retire une pancarte du Centre islamique de Berlin, Ordensmeisterstraße. Suite à l’interdiction du Centre islamique de Hambourg et de ses organisations affiliées, la police a perquisitionné plusieurs propriétés.
Prévention du radicalisme islamiste, interdiction d’associations pour combattre l’islamisme, une arme à double tranchant ?
Clement Lippitsch
Au vu de l’augmentation de la menace extrémiste, par exemple par des groupements islamistes, l’accent est mis sur la question de la force défensive de la démocratie. Comment un État libre peut-il se protéger sans éroder ses propres principes ?
Clement Lippitsch met en lumière à quel point l’interdiction d’associations est vraiment efficace – et où se situent ses limites.
L’islamisme comme défi actuel en matière de politique sécuritaire en Allemagne
Les menaces actuelles en Allemagne, au vu de la recrudescence des attentats (y compris ceux déjoués), de l’augmentation des cas de radicalisation ainsi que de la propagande islamiste renforcée sur les réseaux, catapultent une nouvelle fois l’islamisme au centre des discussions politiques concernant la sécurité : il représente à cet égard un danger concret pour la sécurité intérieure et l’ordre libéral.
Cela a été particulièrement manifeste après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 : dans les semaines qui ont suivi, les autorités sécuritaires allemandes ont enregistré une montée brutale des délits à motivation politique avec un arrière-plan islamiste. Des violences, des attaques antisémites, des actions de propagande et des symboles de provocation ont marqué le paysage urbain dans certaines métropoles allemandes de même que l’espace numérique. Le nombre de délinquants radicalisés augmente parallèlement, notamment par suite d’une progression de la radicalisation en ligne ; ces délinquants commettent des actes de violence graves avec des moyens élémentaires – couteaux, véhicules ou armes de fabrication artisanale (par exemple des explosifs). Cette évolution le montre : l’islamisme est une menace réelle pour la société allemande.
L’Allemagne fédérale est confrontée à cet égard à des défis à trois niveaux :
1. Réseautage transnational : les efforts islamistes agissent par-dessus les frontières nationales. Idéologie, argent et personnel traversent les frontières – via les réseaux sociaux, les associations et les réseaux criminels.
2. Institutionnalisation stratégique : les islamistes utilisent de façon ciblée les marges de manœuvre des sociétés pluralistes pour s’ancrer sur des structures socio-civiles, religieuses ou politiques. Ils fondent des associations, pratiquent un travail d’éducation ou influencent le discours public, pour normaliser socialement leur vision du monde à longue échéance.
3. Djihadisme militant : une partie de l’univers islamiste approuve ou légitime l’usage de la force pour imposer des objectifs politico-religieux – par exemple par des attentats ou le soutien de groupes terroristes.
Comment un État de droit pacifique peut-il réagir à ces groupements extrémistes, sapant de manière ciblée son ordre de base ou voulant le supprimer, sans brader pour autant ses propres principes fondamentaux démocratiques et constitutionnels ?
Ce défi est considéré comme la zone fondamentale de tension que traverse toute démocratie libérale : combien de liberté la démocratie supporte-t-elle – et combien de sécurité nécessite-t-elle ? Trop de liberté est susceptible d’ouvrir des champs d’action à des forces extrémistes et antidémocratiques. Trop de sécurité par contre – par exemple par d’excessives interventions restrictives ou des interdictions – menace d’évider les droits fondamentaux et d’affaiblir la substance démocratique.
C’est justement dans ce rapport de tension que se montre l’ambivalence d’un outil qui n’est certes pas considéré comme le moyen le plus sévère de la démocratie défensive, mais qui s’avère le plus pertinent : l’interdiction d’association (également appelée « droit de réunion »). En tant qu’intervention ciblée dans la liberté d’association, elle peut être expression de l’affirmation de soi démocratique ; en même temps, elle cache toutefois des risques d’abus avec un effet potentiellement nocif pour la démocratie.
L’interdiction d’association dans la zone de tension liberté-sécurité
Le droit de réunion inscrit dans la constitution allemande (art. 9, al. 1) protège le droit de s’unir dans des associations ou des sociétés à des fins politiques ou sociales communes. En vertu de la loi régissant le droit public de réunion, est considérée comme association toute réunion durable de personnes physiques ou morales ayant une volonté commune de poursuite d’un objet commun. La forme juridique – association enregistrée ou réseau libre – est sans importance dans ce cas.
Les interdictions d’association sont des interventions de l’État par lesquelles le droit de liberté d’association peut être restreint. Si les objets ou les activités d’une association sont contraires à des normes constitutionnelles fondamentales, le maintien peut lui être interdit. L’article 9, paragraphe 2 de la constitution constitue la base juridique à cet égard ; cet article stipule qu’une interdiction est possible pour des associations contrevenant à l’ordre constitutionnel ou bien à des lois pénales. La simple supposition d’une mentalité orientée contre l’ordre fondamental libre et démocratique ne suffit toutefois pas. C’est plutôt une attitude agressive et combattive visant à porter atteinte à l’ordre fondamental ou à l’éliminer qui est nécessaire.
En réaction aux attentats terroristes islamistes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, une série d’amendements législatifs ont été implémentés en Allemagne, servant en premier lieu à la lutte contre le terrorisme. Dans un premier temps, on a aboli en 2001 le privilège du culte, grâce à quoi on créait également la possibilité d’interdire les groupements islamistes. Puis en 2002, un renouvellement du droit de réunion a été adopté, comprenant une extension des éléments délictueux constitutifs d’une interdiction d’associations d’étrangers ou étrangères. Depuis, celles-là peuvent être interdites, si elles portent atteinte à la sécurité et l’ordre publics ou à des intérêts fédéraux essentiels, violent des obligations du droit international public, font la promotion de visées extrémistes ou soutiennent l’usage de la violence.
Une interdiction d’association est prononcée par une ordonnance d’interdiction formelle à titre d’acte administratif compromettant. Un tel acte administratif compromettant est une mesure de l’administration, qui a des suites juridiques préjudiciables pour la personne concernée. Une ordonnance d’interdiction n’est pas annoncée au préalable pour éviter de nuire à son exécution (par exemple par un déplacement des biens ou la suppression de données).
La compétence administrative dont relève une interdiction dépend de la zone d’activité géographique de l’association concernée. Le ministère de l’Intérieur (BMI) est compétent si l’association exerce son activité à l’échelle fédérale ou bien dans plusieurs Länder. En cas d’activité à la seule échelle régionale d’un Land, ce sont les ministères de l’Intérieur des Länder respectifs qui sont compétents.
Associations islamistes en point de mire des interdictions d’associations prononcées
Entre 1990 et 2024, le ministère de l’Intérieur a prononcé avec succès un total de 48 interdictions d’associations, dont 21 concernent le phénomène « Islamismus/islamistischer Terrorismus » (ISiT). La majorité des interdictions d’association dans l’entourage de l’ISiT a eu lieu dans le contexte de vagues d’interdictions : tout d’abord à la suite du 11 septembre 2001 (2001 – 2005), puis au cours de la radicalisation salafiste et de la mobilisation djihadiste notamment en rapport avec la guerre en Syrie et la fondation d’un « État islamique » (2012 – 2016), puis à nouveau avec en point de mire les structures dudit « axe de la résistance », notamment le Hamas et le Hezbollah.
Ce modèle ondoyant correspond au constat que les interdictions d’associations interviennent notamment à titre de réaction à des événements historiques que les médias s’approprient de façon particulièrement intensive, qui influencent à long terme le sentiment de sécurité public et mettent les gouvernements sous une pression réelle ou perçue comme telle.
Interdictions d’association au banc d’essai : efficacité et limites
Les interdictions d’association sont censées affaiblir les structures islamistes et empêcher la prise d’influence. Mais quel est leur véritable degré d’efficacité ? Il est incontestable que les interdictions d’association sont susceptibles de toucher sensiblement les organisations extrémistes. Outre les effets directs, elles agissent également comme un signal préventif : elles définissent les frontières d’action licites et dissuadent soutiens et sympathisants potentiels. À l’inverse, des interdictions d’association peuvent également avoir des effets parallèles involontaires. C’est ainsi que cela peut mener à une externalisation des activités extrémistes dans l’espace privé ou informel. Une clandestinité croissante ou le passage dans la clandestinité sont également possibles.
Les interdictions d’association dans le domaine de l’ISiT cachent aussi, parallèlement à leurs effets positifs visés, le risque d’une contre-mobilisation symbolique : les groupes concernés peuvent interpréter une interdiction comme l’expression d’une « société majoritaire répressive » et l’instrumentaliser de manière propagandiste. Un exemple actuel en est l’interdiction du centre islamique Islamisches Zentrum Hamburg (IZH) en 2024. Dans les mois qui ont suivi, des protestations sont régulièrement intervenues, à l’occasion desquelles des manifestants ont interprété la mesure comme attaque de la libre pratique de la religion chiite.
Pour l’application des interdictions d’associations, la mondialisation et la numérisation représentent des défis. Des voies de communication clandestines (numérisées), des serveurs hébergés à l’étranger, l’utilisation de plates-formes cryptées, des structures de domaines imbriquées rendent plus difficile le blocage intégral de contenus extrémistes sur Internet.
Conclusion : les interdictions d’association, une arme à double tranchant
Une interdiction d’association reste cependant une arme redoutable – et chaque fois qu’elle est utilisée, elle coupe profondément dans les droits fondamentaux. C’est pourquoi, une application responsable et mesurée est requise.
Des interdictions intervenant notamment dans un contexte d’événements clés d’importance mondiale – comme l’attaque terroriste du Hamas contre Israël en 2023 – doivent faire l’objet de réflexions critiques. Car de tels événements, reflétés socialement de manière particulièrement intensive par les médias et influençant fortement le sentiment subjectif de sécurité des citoyens, produisent une pression réelle ou subjective poussant l’État à l’action ; si des mesures sont prises pour cette raison plutôt qu’à la suite d’une réflexion sur les intérêts libertaires et sécuritaires, elles restent généralement inefficaces et pourraient plus nuire que profiter à la démocratie.
Traduction de Jean Schoving pour Résistance républicaine
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