Le Palais Morozov

Les Morozov, mécènes de l’art français

Nous avons vu lors d’un article précédent comment, à l’aube du XXe siècle, Mikhaïl et Ivan Morozov constituent une collection exceptionnelle de tableaux, réunissant plus de 250 œuvres phares de l’impressionnisme, du post-impressionnisme et du fauvisme français – une démarche unique parmi les collectionneurs européens et qui n’a d’équivalent que les initiatives des Chtchoukine et des Trétiakov à Moscou.

Nos pas nous conduisent aujourd’hui à la visite du  Palais Morozov. 

L’hôtel particulier construit sur la rue Pretchistenka par Ivan Morozov devient un véritable haut lieu de la vie artistique moscovite, où se rencontrent artistes, écrivains et intellectuels autour des chefs-d’œuvre de la peinture française moderne.

Le Palais Morozov, et plus précisément l’hôtel particulier de Zinaïda Morozova à Moscou, se distingue comme l’un des chefs-d’œuvre de l’architecture Art nouveau russe et un symbole de l’audace esthétique des élites industrielles de la Russie d’avant 1917.

Une commande visionnaire et un projet artistique total

Savva Morozov, industriel et mécène, fit construire ce manoir pour son épouse Zinaïda en 1898, à la suite d’un séjour au Royaume-Uni où il avait été marqué par le style néo-gothique des cathédrales anglaises.

Fasciné par l’éclectisme et la modernité, il choisit le jeune architecte Franz (Fyodor) Schechtel, qui allait réaliser là son premier grand projet urbain et devenir l’un des maîtres de l’Art nouveau russe. Schechtel s’associa au peintre Mikhaïl Vroubel, encore peu connu, pour les décors intérieurs. Ensemble, ils créent une demeure alliant philosophie des volumes, fantaisie médiévale et élégance monumentale.

Caractéristiques architecturales et innovations

Le manoir frappe par son style pseudo-gothique et ses accents Art nouveau : façade animée de rythmes complexes, tour à deux étages, fenêtres semi-circulaires irrégulières, absence de décor surchargé, et importance de la lumière. Chaque façade présente une expressivité originale, s’inspirant par endroits des khoromy russes (anciennes demeures princières et marchandes), où l’agencement intérieur répond aux volumes extérieurs. Le traitement particulier des baies vitrées, des terrasses et des escaliers crée une harmonie très étudiée – chaque détail équipé d’un « double » visible dans d’autres éléments, pour l’unité visuelle du tout.

À l’intérieur, les salons décorés par Vroubel et d’autres artistes rivalisent d’inventivité par la richesse des matériaux (bois de chêne, bas-reliefs, motifs celtiques) et la diversité stylistique des salles : salle romane, classique, etc.

Destin  du manoir

Après la mort tragique de Savva Morozov en 1905 à Cannes, sa veuve vend le manoir à Mikhaïl Riabouchinski, un autre mécène, forcé d’émigrer en 1918. Nationalisé après la Révolution, l’édifice sert de maison de réception du ministère des Affaires étrangères, puis devient un haut lieu diplomatique durant la Seconde Guerre mondiale, accueillant des rencontres internationales majeures. Un incendie en 1995 entraîne une restauration fidèle de l’ensemble, sur la base de photographies d’archives, illustrant l’importance patrimoniale de la demeure.

Le Manoir Morozov demeure aujourd’hui une référence absolue de l’Art nouveau moscovite, alliant innovation, mécénat et cosmopolitisme.

L’idée du présent texte est inspirée d’un site dirigé par Alain, un Français vivant en Russie que nous saluons pour sa gentillesse et ses réponses à nos questions :  le lecteur pourra poursuivre avec profit  sa découverte du Palais Morozov ici : culture-russe.com.

Il y découvrira une photo d’époque, Zinaida Grigorievna Morozova, la « proprio », ainsi que mille autres informations historiques dont un mot sur la vie sociale des Morozov, qu’on imagine très remplie, en ces lieux époustouflants.

Encore merci à Alain de culture-russe.com à qui nous empruntons la sélection de photos qui suit :

Un extraordinaire travail du Bois et du bronze

Le grand salon

Salle de réception

 

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3 Commentaires

  1. Absolument fantastique! Ce mélange des écoles et des genres est du plus bel effet! Peut on le qualifier de « néo baroque »? Je n’irai pas jusque-là ! Je le range dans la rubrique « inclassable » encore merci Jules, je ne dirai jamais assez combien j’apprécie tes articles sur l’art sous toutes ses formes ! Bonne journée !