Dragana Trifković : le pivot géopolitique de la Russie vers l’Afrique

 

 

 

Par le Centre d’études géostratégiques | 28 juillet 2025
Dragana Trifković, Directrice générale du Centre d’études géostratégiques

Le lancement de l’opération militaire spéciale en Ukraine a définitivement mis un terme aux efforts de la Russie pour établir, depuis plusieurs décennies, une coopération fondée sur le respect mutuel avec les pays occidentaux. Face à une posture rigide et inflexible de « l’Occident collectif », incapable de redéfinir ses rapports avec Moscou, toute issue diplomatique a été bloquée, débouchant sur une réponse militaire russe.
Dans ce contexte, la Russie a radicalement réorienté sa politique étrangère. Le 31 mars 2023, le président Vladimir Poutine a approuvé un nouveau concept stratégique pour la diplomatie russe, marquant une rupture avec l’ordre mondial unipolaire dominé par l’Occident.

Une réponse stratégique à l’hostilité de l’Occident


Le document stratégique, dans sa section intitulée « Le monde moderne : grandes tendances et perspectives de développement », affirme que « face aux actions hostiles de l’Occident, la Russie défendra son droit à l’existence et à un développement libre par tous les moyens disponibles ». Elle concentrera désormais ses efforts sur des zones géographiques prometteuses pour une coopération internationale équitable et bénéfique.
Cette doctrine insiste sur la défense de l’ordre constitutionnel, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Fédération, tout en promouvant la paix, la sécurité globale et un cadre juridique international équilibré.

Vers une diplomatie hors du cadre occidental


Le nouveau cap russe donne la priorité à des alliances hors du bloc occidental : BRICS, Organisation de coopération de Shanghai (OCS), Union économique eurasiatique (UEE), CEI, OTSC, RIC (Russie, Inde, Chine) ou encore d’autres forums où Moscou joue un rôle structurant.
La Russie relègue au second plan ses relations avec l’Occident, tout en laissant ouverte la possibilité d’un dialogue futur — à condition que les pays occidentaux abandonnent toute logique de confrontation et acceptent un monde multipolaire basé sur l’égalité souveraine et le respect mutuel.

L’Afrique, un partenaire stratégique de la multipolarité


Dans cette nouvelle configuration mondiale, la Russie accorde une attention particulière à l’Asie-Pacifique, à l’Amérique latine, au Moyen-Orient et, surtout, à l’Afrique.
Le premier sommet Russie-Afrique, organisé à Sotchi en 2019, a réuni les représentants des 54 pays africains, dont 45 ministres. Ce sommet a défini les grandes lignes d’une coopération structurée et durable.


Wagner en Centrafrique : un tournant militaire


Depuis plusieurs décennies, l’influence militaire et politique de la Russie sur le continent africain s’est affirmée, malgré la concurrence géopolitique avec les puissances occidentales. Contrairement à ces dernières, la Russie a su démontrer sa capacité à améliorer la sécurité locale.
La donne a commencé à changer en 2018, avec l’arrivée en République centrafricaine (RCA) de la société militaire privée Wagner, à l’invitation du gouvernement. L’aide russe s’est concentrée sur l’équipement et la formation des forces armées locales. Aujourd’hui, un projet de base militaire permanente russe en RCA est à l’étude.
D’autres pays, comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ont emboîté le pas, souhaitant intensifier leur coopération militaire avec Moscou.

Le Corps africain : outil d’une nouvelle présence militaire


En 2023, le ministère russe de la Défense a créé le Corps africain, déployé dans les pays du Sahel entre l’Atlantique et la mer Rouge. Sa mission : assurer la sécurité par la formation et la planification stratégique.
Face au ressentiment croissant envers la France — qui a vu ses troupes expulsées du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Gabon, du Tchad et même du Sénégal — la Russie occupe progressivement un vide sécuritaire.
Elle maintient aussi des relations solides avec des partenaires historiques comme l’Égypte, l’Algérie ou l’Afrique du Sud. En 2024, les BRICS ont même accueilli deux nouveaux membres africains : l’Égypte et l’Éthiopie.

L’Afrique, nouvel horizon économique


La guerre économique déclenchée par les sanctions occidentales n’a fait qu’accélérer un phénomène déjà amorcé : le décrochage entre la Russie et l’Europe. Vladimir Poutine l’avait pressenti dès son discours de Munich en 2007 : les marchés européens étaient fermés à la Russie, alors que les entreprises occidentales tiraient profit de son marché énergétique.
Les sanctions ont engendré une désindustrialisation en Europe et un recul de sa compétitivité. En parallèle, Moscou s’est tournée vers des partenaires aux perspectives bien plus vastes — notamment en Afrique, où le besoin d’investissements, de transferts technologiques et d’industrialisation est immense.

Un partenariat équitable contre le néocolonialisme


Le sommet Russie-Afrique a proclamé la fin du modèle déséquilibré qui, pendant des siècles, a enrichi les puissances coloniales au détriment des pays du Sud.
Alors que l’Occident s’est souvent contenté de perpétuer l’instabilité politique et la corruption pour exploiter les ressources africaines, la Russie propose un modèle alternatif. Elle a annulé 23 milliards de dettes contractées par des États africains et leur a accordé 90 millions d’euros d’aide au développement.
La présence militaire russe, en retour, protège désormais des gisements stratégiques et des minerais rares auparavant accaparés par les multinationales occidentales.

Coopération gagnant-gagnant : la clé d’un nouvel ordre mondial


Moscou propose un modèle de développement centré sur l’industrialisation, la sécurité énergétique, l’amélioration des infrastructures et le renforcement des marchés intérieurs africains.
Les secteurs de la coopération sont nombreux : énergie, agriculture, mines, infrastructures, haute technologie, industrie pharmaceutique, tourisme, etc.

Un basculement stratégique durable.
L’opération militaire en Ukraine a scellé la fin de l’illusion d’un partenariat égalitaire entre la Russie et l’Occident. Le concept de politique étrangère de 2023 acte le tournant : la Russie mise désormais sur l’Afrique et les BRICS pour construire un monde multipolaire libéré des logiques hégémoniques.
L’Afrique apparaît comme le terrain privilégié d’un partenariat où Moscou offre des conditions de coopération plus équilibrées : pas d’ingérence, pas de dette toxique, mais du développement, des investissements et une sécurité partagée.
Le Corps africain, la montée des accords militaro-techniques, la multiplication des forums bilatéraux ou multilatéraux dessinent les contours d’une relation de long terme, capable de renforcer mutuellement la Russie et ses partenaires africains — et de marginaliser un modèle occidental de plus en plus contesté.


Sources :
La Russie et l’Afrique : une nouvelle politique économique
Plan du forum de partenariat Rossiya-Afrique sur les années 2023-2026 * Prezident Rossiy
Yuzhny Potok : Чем африканские страны интересны российским породителям и упителям
https://www.kp.ru/daily/27534/4800145/?ysclid=mdlny2mzad319099421
https://sfera.fm/articles/rasteniewodstvo/chto-izvestno-o-torgovykh-otnosheniyakh-rossii-i-afriki-v-2023-godu
https://russiancouncil.ru/analytics-and-comments/comments/zachem-rossii-vozvrashchatsya-v-afriku-i-kak/?ysclid=mdlo6vtdug745853689
https://www.interfax.ru/russia/990933
https://www.pnp.ru/politics/pochemu-rossiya-i-afrika-nuzhny-drug-drugu.html?ysclid=mdm8366yxv87088434
https://vz.ru/world/2023/3/21/1203954.html?ysclid=mdm832udt9931889495
Rsmd : ce que la Russie peut proposer à l’Afrique

Traduction Nicolas Faure pour Résistance Républicaine

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3 Commentaires

  1. Pour ce qui est des [noix et des arbres] que l’on voit partout sur nos écrans ( pour faire simple ) et bien c’est pour nous faire comprendre que maintenant nous ne pouvons plus vivre sans eux , nous ne pouvons plus nous passer de leurs richesses .Ils nous le disent avec toute leur arrogance ( ou leur esprit de vengeance qui les caractérise si bien )si vous voulez notre pétrole et nos minéraux , laissez nous vous installer chez vous et vous coloniser comme vous le fîtes avec nous .Nous sommes vos égaux dorénavant , sans nous vous ne pouvez plus vivre , c’est aussi simple que ca .Une arme est toujours à double tranchant elle peut se retourner contre vous , Benh c’est fait , Merci Christophe Colomb pourquoi n’est tu pas rester tranquillement à la maison à t’occuper des tiens , notre continent regorgeait de toutes les ressources dont nous avions besoin .

  2. Combien de fois ai je pu dire sur ce site que la vieille Europe était morte ( coloniale ).Nous vivons dorénavant dans un monde multipolaire , dans lequel nous sommes à égalité avec ceux que nous pensions inférieurs et redevables par ce que nous leur avions apporter ( sciences et technologies ) .L’Europe ( L’EU ) n’a pas été créer pour que nous soyons fort mais pour que nous puissions garder la tête hors de l’eau face à ceux qui sont désormais nos égaux .Quand à la Russie ostracisé et mise au banc, elle a certainement su rester une nation forte , soudée et intelligente et tirer partie de toutes les avancées technologiques et scientifiques que nous , nous avons brader aux quatre coins du monde et tout cela sans compter toutes les richesses naturelles que contient ce grand pays . Ce que je dis n’est peut être pas très clair mais en attendant le continent européen non pas ressemble mais deviens le tiers monde .

  3. Grande folle la Russie ? Insensée la Russie qui investit son avenir en comptant comme l’un de ses partenaires l’Afrique, lequel continent, selon les affirmations et la logique des écolos, les verts, devrait, comme je l’ai dit maintes fois, être le premier à être réduit en cendres par le réchauffemnt climatique ?

    La preuve est donnée, faite, visible aux yeux du monde entier ; qu’encore une fois, les verts nous entraînent à notre perte avec ses théories erronées qui découlent sur une politique autoritaire et dictatoriale ; pour ne pas dire, quelques fois, traîtresse.