La grande muette étouffée : le ministère des armées en faillite…

Dans le théâtre d’ombres où se joue la puissance hexagonale, un acte tragico-burlesque se déroule en coulisses, loin des fanfares présidentielles annonçant une ère nouvelle. La défense française, ce colosse aux pieds d’argile financiers, titube sous le poids d’une réalité implacable : elle mène sa guerre à crédit, sur la foi de promesses aussi creuses que les caisses de l’État.

Le constat, rapporté sans fard par BFMTV ce 6 juin, jour anniversaire d’un débarquement qui exigea jadis des moyens tangibles, est un camouflet cinglant pour ceux qui brandissent l’étendard du réarmement sans en posséder le premier sou.

Oui, le ministère des Armées, ce fer de lance supposé du « redressement stratégique » dans un monde en convulsions, frôle bel et bien la cessation de paiement, englué dans une dette abyssale de 8 milliards d’euros pour de simples équipements militaires – somme astronomique qu’il lui faudra pourtant éponger d’ici la fin 2025. Une entreprise privée affichant un tel passif d’impayés se verrait déjà sous la coupe d’un tribunal de commerce, un administrateur judiciaire aux trousses, menacée de ce plan de continuation qui sonne comme un prélude à l’agonie.

Mais l’État, dont les poches percées rappellent le tonneau des Danaïdes, bénéficie d’une impunité grotesque : la caravane passe, silencieuse et indifférente, tandis que les industriels de la défense, ces Airbus et Thalès dont on vante les mérites aux salons internationaux, étouffent. Leurs inquiétudes, nous dit-on, « se multiplient » face à cette économie militaire fonctionnant « à crédit », un artifice comptable qui ne saurait masquer la déliquescence. Guillaume Faury, président d’Airbus et du Gifas, résume cette amère déconvenue : « Les engagements sont là mais depuis le début de l’année les commandes militaires n’arrivent pas. » Aveu accablant d’une parole d’État réduite à du vent.

 

Comment en est-on arrivé à cette mascarade, alors même que le président « Jupiter » Emmanuel Macron claironne avec une solennité déplacée notre entrée en « économie de guerre » ? Lui qui enjoignait les industriels à « produire plus vite, livrer plus vite, penser autrement » ? Lui qui promettait, la main sur le cœur et le regard tourné vers l’Est, un budget défense porté à 3,5 % du PIB, contre les 2 % actuels, une ambition relayée avec zèle par son ministre des Armées, Sébastien Lecornu ? Ce dernier, infatigable, annonçait encore récemment viser un budget de « 90 à 100 milliards d’euros », quasi doublement des 50 milliards actuels – sur le papier, toujours sur le papier. On se souvient des admonestations, des « coups de gueule » lancés aux industriels accusés de ne pas « jouer le jeu », et de M. Lecornu allant « secouer physiquement deux trois sur le terrain, dans leurs usines… ».

Le spectacle était savoureux. Mais derrière ce rideau de fumée, la réalité, elle, est brutale, impitoyable. À mi-parcours de 2025, en ce 6 juin où l’on commémore des héros débarqués avec autre chose que des radeaux et des fusils à bouchon, aucun des grands programmes d’armement pourtant solennellement actés dans le budget 2025 n’a reçu le sceau de la signature de la Direction générale de l’armement (DGA).

 

Aucun. Zéro signature. Zéro euro. Rien. Nada. La liste pourtant est connue, affichée comme un programme électoral : le lancement de la construction du porte-avions de nouvelle génération (PA-NG), ces commandes vitales de missiles Mistral, Aster, Scalp, Mica, Meteor, Akeron MP, l’achat d’une frégate de défense et d’intervention (FDI), la commande attendue de 30 Rafale pour l’armée de l’air et la marine. Le néant. Un vide sidéral qui en dit long sur la supercherie. Et en plus, nous apprenons que c’est maintenant l’Inde qui va fabriquer le fuselage du Rafale…

 

Un « visiteur du soir régulier de l’hôtel de Brienne » aurait lâché, sans détour, la sentence définitive : « Il n’y a plus un kopeck ». Challenges, journal rarement enclin au sensationnalisme, a reproduit cette formule glaçante. Un constat que partage, dans un rare moment de lucidité parlementaire, Cédric Perrin, président (LR) de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, s’étonnant – enfin ! – que l’on puisse exhorter les industriels à accélérer les cadences sans daigner passer la moindre commande en contrepartie. Le résultat de cette schizophrénie institutionnelle est une sélection impitoyable par l’argent : les grands groupes, Airbus, Thalès, Dassault, survivent tant bien que mal, portés par les ventes à l’export et la relative sécurité de contrats pluriannuels, profitant de surcroît de facilités bancaires historiques. Mais les PME du secteur, elles, ces maillons indispensables de la chaîne de souveraineté, sont étranglées sans remords. Plusieurs d’entre elles n’ont plus la moindre trésorerie, au point de se demander comment payer leurs salariés à la fin du mois. Situation kafkaïenne : certaines ont même déjà réglé leurs propres fournisseurs, anticipant une production… que l’État n’a toujours pas commandée officiellement !

Un matériel qui ne leur sera payé qu’à la Saint Georges ou à la Saint Michel. L’an prochain. Peut-être. Si les caisses se remplissent. Un véritable scandale industriel.

D’où provient ce blocage généralisé, cette paralysie budgétaire qui frappe l’institution censée protéger la nation ? La réponse est simple, cynique, et porte un nom : Bercy.

Le ministère de l’Économie et des Finances, sous la houlette d’Éric Lombard, serre la vis avec une détermination de fossoyeur. Le gouvernement cherche désespérément 40 milliards d’euros d’économies d’ici 2026, un mantra répété en boucle depuis des mois.

 

Et la Défense, malgré les grandes envolées lyriques de l’Élysée sur la « guerre » et la « souveraineté », n’échappe manifestement pas au rabot général. Bercy ne lâche pas l’argent. Ajoutez à ce tableau déjà sombre le vote tardif du budget 2025, intervenu seulement le 6 février dernier après la chute du gouvernement Barnier, retardant encore davantage des processus déjà engorgés.

 

Pire : le Ministère des Armées se voit refuser le remboursement de 1,2 milliard d’euros de surcoûts subis en 2024 (liés à l’Ukraine, l’OTAN, ou les Jeux Olympiques de Paris…), alors même que la loi de programmation militaire (LPM) prévoit expressément une compensation pour ces dépenses imprévues. Conséquence directe et implacable de cette asphyxie : 3,29 milliards d’euros de crédits étaient gelés au 12 mai dernier. Des crédits gelés, ce sont des commandes mortes-nées, des lignes de production à l’arrêt, et des industriels plongés dans un brouillard angoissant, sans aucune visibilité sur leur avenir. Et l’on ne parle même pas ici des primes dues aux soldats, ces « héros du quotidien » dont les comptes attendent toujours des versements de plus en plus tardifs – non, cette fois, ce n’est pas un « logiciel défaillant » qui est en cause, mais bien l’indigence crasse des finances.

 

Pour éviter le naufrage immédiat, l’état-major budgétaire de Brienne a actionné frénétiquement le levier du « report de charges », un artifice comptable qui confine à l’escroquerie : on commande (en théorie), on est livré (par des fournisseurs trop confiants ou contraints), mais on paiera… plus tard. L’année suivante. Ou celle d’après. Demain, on rase gratis ! Problème : à force de reporter, la dette s’accumule comme la boue dans un fleuve en crue. Le résultat est sans appel : 8 milliards d’euros d’impayés fin 2024, un record historique absolu. Une augmentation de 30 % en un an seulement, et un doublement en l’espace de trois ans. Chaque début d’année, le ministère commence donc son exercice avec un boulet de huit milliards aux pieds, condamné à régler les factures du passé avant même d’envisager de passer les commandes du présent, et encore moins celles du futur. Les marges de manœuvre ? Évanouies. Disparues. Aspirées par ce trou noir financier.

Cette gabegie programmée ne peut qu’engendrer une catastrophe industrielle annoncée. L’inquiétude, désormais, se mue en colère sourde chez les capitaines d’industrie. Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, cité lui aussi par Challenges, pose la question qui tue, celle que tout le secteur se murmure dans les couloirs des salons d’armement : « La question que toute l’industrie de défense se pose, c’est : est-ce que la France a encore les moyens de passer commande ? » Même son de cloche, désespéré, du côté d’Airbus. Guillaume Faury rappelle que les nouvelles commandes de l’État ont chuté de 33 % en 2024 par rapport à 2023. L’Armée de l’air et de l’espace (plus précisément l’ALAT) peut toujours rêver de ses hélicoptères de remplacement ; ils resteront longtemps sur la planche à dessin.

Quelques signaux ténus, il est vrai, laissent entrevoir un frémissement : 650 millions d’euros auraient été débloqués en urgence pour apurer les factures les plus criantes. Une aumône. Une goutte d’eau dans l’océan des 8 milliards d’impayés accumulés rien que pour 2024 ! Et nous voilà en juin. Alors non, rassurons les chauvins, le Ministère des Armées n’est pas encore officiellement en faillite. Mais il vit à crédit, mois après mois, trimestre après trimestre, à l’instar de ses homologues de l’Intérieur, de la Justice ou de l’Éducation Nationale, tous également exsangues.

 

Il promet sans pouvoir signer, commande sans pouvoir payer, et mobilise une industrie qu’il étrangle au moment même où, apparemment, elle aurait le plus besoin de son soutien. Le paradoxe est cruel, la duperie, manifeste. À ceux qui caressent encore l’illusion de « réarmer la France », de « restaurer sa souveraineté stratégique » ou de « bâtir une défense du XXIe siècle », un conseil élémentaire, primordial, qui relève de la simple probité commerciale : commencez donc par honorer vos factures.

 

C’est la base, messieurs les stratèges en chambre ! Quant à la grande armée de réservistes promise, elle aussi se heurte au mur des réalités comptables : faute de crédits pour les rémunérer, ces volontaires restent confinés chez eux, mobilisés au compte-gouttes, sauf quand il s’agit de boucher, gratuitement ou presque, les trous laissés par des effectifs d’active en déshérence. La grandeur, décidément, se paie comptant. Ou pas.

 

Ceci porte un nom : la trahison d’état ! Car seule la politique de Macron depuis 2017, précédée des autres, c’est vrai, a mené la France dans cette posture, puisque sa souveraineté et sa défense souveraine doivent être sacrifiées sur l’autel de la Fédération des Etats Unis d’Europe et de son armée européenne fantoche.

 

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10 Commentaires

  1. Quelle analyse! Une véritable autopsie de l’échec macronien. Macron le petit a voulu jouer les stratèges. Fournir nos armes a l’Ukraine. Faire le généreux contre l’ours soviétique. On me dit dans l’oreillette que ledit Macron a des conseillers, oui mais Macron n’écoute que lui-même. Sa majesté a toujours raison. Sa majesté n’a de compte à rendre qu’à elle-même. La France coule, dormez-braves gens, Macron est a la barre.

  2. Macron depuis le début de la guerre a dépensé entre 26 et 28 milliards d’euros pour le clown ukronaze selon les sources France intox et kiel Institute…..

  3. Trop drôle!!… La « Grande Muette » n’est désormais plus qu’une ignoble et servile « armée » d’opérette, dont la grande majorité des « soldats » de pacotille qui la constituent chieraient aussitôt dans leur frocs, et détalerons comme des lapins, dés que les millions d’islamopithèques installés chez nous se mettront à nous égorger et nous exterminer en masse!…

  4. On a eu des tocards comme président, mais là notre débile clown fou furieux, bon pour l’asile remporte le pompon et en plus ce taré complet qui n’a pas la lumière à tous les étages a été élu une deuxième fois. Pays de cons.

  5. Faites savoir CONCRETEMENT à votre Délégation Militaire Départementale (DMD) que vous partagez l’inquiétude exposée dans cet article :
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  6. Ne voit-on pas venir (gros comme un éléphant dans la chambre du gosse) le transfert pur et simple de nos armées à l’Europe, compris la dissuasion nucléaire. Le chantage est clair: d’un coté on nous fout la trouille avec une attaque imminente de la Russie et de l’autre les paiements des  »Arriérés » à nos industriels de l’armement se font attendre et en plus ils seront à crédit !! ON EST PAUVRE …..Au secours l’outre Rhin !
    Macron n’est pas président de la France mais son fossoyeur!

  7. Diogène de Sinope sorti de son tonneau armé d’une lanterne en plein jour cherchait un homme dans tout Athènes. Aujourd’hui, le très cynique Bayrou de Pau cherche des milliards pour les jeter dans le tonneau des Danaïdes. La France n’est plus que l’ombre d’elle-même, un squelette vêtu d’oripeaux clinquants. Merci l’immigration de nous avoir mis dans la merde. Pour rester dans l’antiquité, c’est nous qui avons désormais le statut de métèque dans notre propre pays. La Grèce antique où on ostracisait ceux qui étaient soupçonnés de vouloir accaparer le pouvoir à des fins personnelles. Ça me rappelle quelque chose et quelqu’un. Pour en venir à l’Armée, va-t-on équiper nos soldats de lances et de boucliers, peu onéreux à l’achat?