DZ Mafia : une « marque » criminelle qui défie l’État jusque dans ses prisons
La mise en examen, mardi 13 mai, d’une gardienne de prison d’Aix-Luynes pour trafic de stupéfiants, en lien avec un réseau de détenus, vient confirmer un constat glaçant partagé par les enquêteurs de la police judiciaire : le crime organisé infiltre désormais profondément l’univers carcéral. Et au cœur de cette mécanique de déstabilisation, un nom : la DZ Mafia.
Une organisation criminelle devenue « marque »
Fondée à Marseille par Mehdi L., dit « le Tic », la DZ Mafia – DZ pour Dzaïr, l’Algérie en arabe – s’est imposée comme la principale structure du narcobanditisme phocéen. En deux ans, elle a éliminé ses rivaux des « Yoda » au terme d’un conflit sanglant ayant fait plusieurs dizaines de morts. Aujourd’hui, elle étend son emprise au-delà des Bouches-du-Rhône, jusqu’aux murs mêmes des établissements pénitentiaires.
Dans un rapport interne consulté par Le Monde, la direction nationale de la police judiciaire souligne cette mutation inquiétante : les réseaux criminels ne se contentent plus du trafic. Ils investissent les prisons, s’y organisent, y recrutent, y règlent leurs comptes. La DZ Mafia utilise les réseaux sociaux, les messageries cryptées, et s’appuie sur des « logisticiens » incarcérés comme Imran A., suspecté d’avoir coordonné plusieurs attaques contre des établissements pénitentiaires.
Les prisons comme nouveau champ de bataille
Depuis début avril, plus de cent actes de violence ont visé des prisons françaises. Le parquet national antiterroriste, après enquête, a reconnu l’absence d’idéologie ou d’ingérence étrangère, et transféré le dossier à la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco). Sur les 21 personnes déférées à ce jour, plusieurs sont membres ou affiliés à la DZ Mafia.
Des noms bien connus ressortent, comme celui de Gabriel Ory, alias « Gaby », détenu à Arles, retrouvé avec un smartphone dans sa cellule, malgré son isolement. Soupçonné d’avoir mis un contrat sur un chef de détention, il incarne cette capacité inquiétante de nuisance des chefs mafieux, même derrière les barreaux.
L’attaque manquée d’un commando armé contre la prison des Baumettes, en décembre dernier, illustre le seuil franchi. Selon une source policière marseillaise : « Ils sont passés de la terreur du quartier à l’intimidation directe de l’État. »
Une structure hiérarchisée et marketing
Le rapport de la PJ pointe aussi la logique « d’entreprise » de ces groupes. La DZ Mafia recrute en ligne, utilise des termes comme « contrat », se met en scène sur Telegram ou Snapchat, et pousse ses adeptes à imiter ses codes – t-shirts spécifiques, serviettes floquées Dragon Ball Z en cellule. Cette mise en scène, à mi-chemin entre gangstérisme et marketing, leur permet de séduire les plus jeunes et de fédérer au-delà du cercle criminel.
Comme le note un enquêteur : « Ce ne sont pas seulement des trafiquants. Ce sont des marqueurs culturels pour toute une génération qui voit dans ces figures des modèles de puissance et de richesse. »
En isolant ces leaders dans des centres pénitentiaires sécurisés comme Condé-sur-Sarthe ou Vendin-le-Vieil, l’État espère reprendre le contrôle. Mais une chose est sûre : une nouvelle génération attend déjà de prendre la relève.
« Ils ont dévoilé leur jeu. À nous maintenant de montrer que l’État est plus fort. », conclut un haut responsable de la PJ dans Le Figaro.
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