3 manouches, 2 fliquettes et 1 prune…

 

C’était un bel après-midi de printemps dans une petite ville de la France profonde que je visitais en touriste, à la recherche de belles choses.

Une ville sur le déclin, où les principales entreprises sont des agences d’intérim, logées entre un local à vendre et une autre à louer au cœur même du centre-ville.

Une image représentative de cette France délaissée, loin de Paris et des grandes villes, qui meurt à petit feu.

J’en fis le tour en une après-midi avec l’idée de rentrer chez moi le soir même, et la promesse de ne plus y retourner.

Car à côté de quelques beaux et rares bâtiments historiques, datant de siècles glorieux, une pauvreté et un marasme économique criants m’ont laissé une impression amère.

Je m’en retourne ainsi à mes pénates lorsque j’aborde un carrefour dangereux.

Un « stop » m’impose de m’arrêter, que je respecte.

Regarder à droite, regarder à gauche. Rien que d’habituel avant de s’engager.

Mais l’intersection est risquée car de chaque côté, se trouve un virage, des murs et de la végétation, si bien qu’il n’y a aucune visibilité de part ou d’autre.

Ne voyant personne arriver de chaque côté, je m’engage d’un bon coup d’accélérateur…

A peine suis-je engagé, qu’une camionnette chargée de ferraille avec 3 mecs barbus à bord déboule à toute vitesse à cet endroit limité à 50 km/h, que le manque de visibilité demande même de réduire. Il était prudent de rouler à faible allure, mais la camionnette arrive au moins à 70 du côté gauche.

Je me retrouve à passer de justesse sans risque de collision.

Toutefois, la camionnette de manouches, qui ne devait qu’à son allure excessive d’être arrivée si vite à mon niveau, me klaxonne copieusement.

Je poursuis mon chemin non sans avoir rendu à mon tour un coup de klaxon afin de lui signifier que si nous avions roulé les uns et les autres prudemment comme il se devait, personne ne se serait fait de frayeur.

C’était sans compter l’arrivée impromptue de la maréchaussée sur ces entrefaites, une voiture de police arrivant alors du côté droit du carrefour et se trouvant donc à me suivre.

Je me tiens d’autant plus à carreau et roule doucement sur cet axe où la visibilité n’est pas bonne et les routes tortueuses, tout attentif que je suis à repérer les panneaux d’indication de direction afin de compléter la navigation numérique.

La voiture de la police me suit de près. Deux jeunes policières sont à l’avant, qui rient de bon cœur.

Je me fais la réflexion qu’elles ont dû trouver amusant que la camionnette arrivée à vive allure m’ait copieusement klaxonné, ou qu’elles se racontent des histoires drôles. Même les « fliquettes » ont le droit de rire après tout.

Les deux nanas hilares déclenchent néanmoins la sirène et le gyrophare et je comprends qu’il me faudra me ranger dès que possible pour les laisser passer. Je n’ai pas une seconde le sentiment d’être concerné.

Hélas, quelques appels de phare et signes de me ranger me font comprendre que je suis un délinquant présumé ou à tout le moins que je mérite de me faire contrôler. Y aurait-il une anomalie sur mon véhicule ?

J’obtempère en bon citoyen, me prépare à présenter mes papiers… Va-t-on me faire souffler dans un ballon ?

J’ouvre ma fenêtre avec le sourire, moi qui aime la police, les policiers et les policières et suis convaincu qu’ils font un noble métier dans des conditions difficiles ; moi qui, fut un temps, prenait le clavier à chaque décision de jurisprudence, chaque nouvelle loi restreignant la légitime défense de la police pour m’insurger.

La fliquette que j’avais vue hilare dans son véhicule, toute chargée de flingues, était devenue extrêmement sérieuse et bien peu agréable soudainement.

« – Alors, Monsieur, quand on est suivi par la police avec la sirène, vous ne savez pas qu’on doit s’arrêter ? »

Je n’avais cependant aucune place de parking jusqu’à la première où je m’étais rangé sur le bas côté, la route étant balisée d’arbres au bord même de la chaussée. Je ne rétorque rien, sachant que la flicaille a parfois la susceptibilité facile…

« -Dites, vous avez brûlé la priorité à la camionnette, vous avez failli causer un grave accident… »

Penaud, je réalise que la fliquette ne plaisante pas et que je vais passer un sale quart d’heure.

Je bascule en quelques secondes du camp du bien au camp du mal et ne sais comment exprimer ma parfaite bonne foi.

Je lui explique que la camionnette arrivait à une très vive allure et que j’étais déjà engagé quand elle arriva, mais que j’avais bien respecté le stop.

« – Mais non, Monsieur, vous lui avez brûlé la priorité… »

Sa parole contre la mienne, je comprends que je dois m’incliner même si je sens poindre la parfaite injustice. Le virage de droite étant aussi serré que le virage de gauche, et sans visibilité, la fliquette n’avait pas pu constater que j’aurais brûlé le stop ou refusé une priorité.

Je suis partagé entre indignation et interrogation. La fliquette va finir par me mettre le doute, surtout que sa collègue qui l’accompagne ne paraît pas commode non plus. Les deux nanas jouent leur rôle à merveille.

Je ne cherche pas à contredire, gardant en tête qu’un flic contrarié peut très mal réagir et ayant en tête qu’un ami avec pu négocier sa prune un jour…

Je lui explique qu’en 20 ans de conduite, je n’ai jamais eu d’accident, jamais perdu un point, jamais commis d’infraction… et que j’ai bien eu le sentiment d’avoir respecté le stop et ne m’être engagé qu’avec la certitude que personne ne venait de chaque côté.

La fliquette prend mon permis, procède à des vérifications avec sa collègue à l’arrière de la voiture. Elles ont accès à mon adresse actuelle juste avec la plaque d’immatriculation et peuvent sans doute constater que mon casier « routier » est on ne peut plus vierge. La voiture est parfaitement entretenue, je suis assuré, j’ai tous mes papiers et pas consommé d’alcool, j’espère naïvement m’en sortir grâce à la bonté naturelle de l’être humain ayant quelque sentiment du juste…

La fliquette revient et m’explique que cela fera 3 points en moins et 135 euros d’amende…

Pas mal pour une infraction que je n’ai pas commise !

Mais je ne veux pas contrarier la policière, alors je lui réexplique que j’étais de parfaite bonne foi, que je ne suis pas un délinquant, que je n’ai jamais commis d’infraction de toute ma vie…

Alors la fliquette finit par me dire que dans sa grande générosité, elle retiendra seulement 22 euros d’amende pour non respect de la signalétique et ne me supprimera aucun point du permis.

Je suis soulagé et la remercie abondamment. Je n’ai pas haussé le ton, pas eu de propos déplacé ou révolté, Fliquette me fait une fleur, même si je l’ai un peu amer.

N’eût-il pas été plus simple de se contenter de contrôler mes papiers et partant du constat que le virage est dangereux et sans visibilité, considérer que l’infraction routière ne paraissait pas constituée ? La configuration des lieux aurait même justifié une priorité à droite à cet endroit à mon profit…

La policière pas contente était hilare dans son véhicule, avec le sentiment d’avoir trouvé un bon client. Je n’ai pas eu l’impression qu’elle entrait en contradiction avec sa conscience en verbalisant un citoyen courtois et sans histoire dans ces circonstances…

La camionnette chargée de ferraille a poursuivi son chemin sans être inquiétée le moins du monde. On n’a pas cherché à savoir d’où venait la ferraille et s’il était normal de rouler à vive allure à cet endroit en étant ainsi chargé.

Pour faire du chiffre, il était sans doute plus aisé de m’arrêter et de supposer le déroulement d’une scène dont les fliquettes n’avaient vu que la fin et d’où elles avaient supposé que je m’étais engagé à la légère sans marquer le stop.

Tout se passe alors sur téléphone portable et comme quand vous récupérez un colis, la police vous demande de signer un document numérique à la fin du contrôle pour donner votre accord.

Trop content de m’en tirer pour 22 euros, je signe sans faire d’observation…
Mais je signe quoi ?

En vérité, rien n’est indiqué sur le document. En signant, je renonce pourtant à me prévaloir de toute contestation…

On m’annonce que je recevrai ma prune par courrier sous 15 jours, mais je n’ai pas la preuve du contenu du PV auquel j’ai acquiescé. Miracle de la dématérialisation qui permet à la police de faire signer un peu n’importe quoi en mettant la pression et en faisant mine de faire des gestes « commerciaux »…

Je la remercie de sa compréhension. Fliquette me répond qu’elle reconnaît que l’intersection était dangereuse car sans visibilité de part et d’autre, mais insiste sur le fait que j’aurais pu avoir un grave accident et qu’il est donc normal que je reçoive une prune. Pour un peu, c’est pour mon bien que je suis verbalisé.

Je reprends la route du retour avec le sentiment d’avoir été pris pour un idiot, et avec pourtant le même sentiment de sympathie pour ceux qui ont choisi ce métier difficile. J’aurai permis à Fliquette d’améliorer sa statistique de criminalité en verbalisant un dangereux citoyen…

Quelle déception quand on a tant de sympathie pour ce métier et cette vocation de la police de devoir subir ce genre d’humiliation. Mais peut-être qu’en Macronie il est normal que l’ordre soit injuste et que faire régner l’ordre, c’est donc faire régner l’injustice. Je ne pense pas prendre la défense de la police de sitôt…

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5 Commentaires

  1. C’est en raison du comportement injustifié, injustifiable et pas professionnel de ces deux «policières» (?) que de nombreux français n’aiment pas la Police française.
    Il va falloir que les Policiers demandent à leurs collègues stupides de travailler avec objectivité et pas pour leur prime de fin d’année.
    Il n’y avait objectivement aucune raison de suivre votre véhicule et si ces péronnelles avaient un doute, il suffisait qu’elles vous suivent cinq minutes pour constater que vous rouliez prudemment et en respectant les règles. Mais voilà, l’Etat français incite certains de ses agents à punir les citoyens français avec zèle pour obtenir de confortables primes de fin d’année ; c’est le cas pour les fonctionnaires des Impôts, des Douanes et de la Police, et c’est pour cette raison que les citoyens français, à juste titre ne portent pas dans leur cœur ces catégories de fonctionnaires.

  2. Filez un uniforme à un humain et un peu d’autorité et vous en faites un vrai con s’il ne l’est pas de naissance.

  3. Depuis les gilets jaunes, ils ne sont plus pour moi en odeur de sainteté.
    Dernièrement avec ma très vieille deudeuche en carte grise collection, une fliquette voulait me coller une prune car je n’ai pas collé le CT sur mon pare-brise… Elle ne connait même pas la loi… Ces gens-là sont à vomir, ils préfèrent taper sur du gaulois que sur les divers… Une honte

  4. Contrairement à vous, Maxime, je n’éprouve aucune sympathie pour ce corps de métier, gendarmerie comprise. Et c’est mon droit le plus absolu. Quand je suis contrôlé, ni Bonjour ni au revoir de ma part. Juste un silence glacial.

    • votre tort est de les mettre tous dans le même panier, des brebis galeuses il en existe partout, alors revoyer votre jugement, peut-être un jour vous en aurez besoin et serez content d’avoir à faire à eux pour vous aider