Élections allemandes : il ne faut rien écarter, pas même une alliance CDU-AfD

 

J’ai écrit il y a quelque temps que je ne croyais pas impossible une coalition CDU-AfD, même si je la pensais peu probable. Je viens de découvrir, en réponse, sur Polémia, un article de François Stecher, ancien correspondant allemand pour Polémia, qui m’y fait passer pour un écolier n’ayant pas tout compris, avec une certaine condescendance, bien qu’il n’ait plus écrit sur ce site depuis 3 ans. D’où mon besoin de clarifier les choses.

Ci-dessous le lien vers mon article initial, puis la réponse de Stecher :

https://www.polemia.com/coalition-entre-lafd-et-les-conservateurs-en-allemagne-un-tournant-majeur/

https://www.polemia.com/allemagne-limpossible-alliance-entre-les-conservateurs-et-lafd/

 


1. Sur l’hypothèse d’une coalition « noire et bleue »


François Stecher semble balayer d’un revers de main l’idée d’une coalition CDU-CSU et AfD, la qualifiant d’« aberration ». Cependant, il ignore volontairement les dynamiques actuelles de la politique allemande, où des alliances jugées inenvisageables par le passé peuvent, sous certaines conditions, devenir des options viables. La rigidité de son rejet ne permet pas d’appréhender la fluidité des relations politiques en période électorale, où des considérations stratégiques imprévues peuvent rapidement modifier les lignes de coalition. D’autant plus que la montée de l’AfD, bien que critiquée par de nombreux analystes, reste un phénomène complexe qui mérite une analyse plus nuancée que celle d’une simple « aberration ».

N.B. : (Le chancelier allemand Olaf Scholz (SPD) estimait le 31 janvier dans Zeit Online qu’il était possible que la CDU/CSU forme un gouvernement avec l’AfD dès cet automne. « Après des discussions de coalition « pro-forma » avec d’autres partis, cela pourrait arriver, avait-il déclaré. Lorsqu’on lui a demandé quand il pensait que cela serait envisageable, il a répondu : « En octobre par exemple »;

( https://www.zeit.de/politik/deutschland/2025-01/olaf-scholz-alles-gesagt )

 


2. Sur l’impact des attaques de migrants


Stecher fait une affirmation péremptoire selon laquelle les récentes attaques de migrants ne bouleverseront pas les résultats des élections. C’est là un jugement un peu précipité. Si l’on se penche sur l’histoire récente de la politique allemande, il est difficile de sous-estimer la capacité des événements marquants – notamment les crises migratoires – à redéfinir les équilibres électoraux. Bien sûr, les sondages actuels peuvent sembler stables, mais il est important de reconnaître la volatilité potentielle de l’opinion publique dans un contexte aussi sensible. Cette affirmation manque d’une analyse plus fine des tendances sous-jacentes qui pourraient émerger à la suite de tels événements.


3. Sur la coalition CDU-CSU et SPD

L’idée que Merz se tournerait vers une coalition avec la SPD comme « la moins mauvaise option » semble réduire la complexité des équilibres politiques à une simple analyse de survie électorale. Stecher suggère que cette option serait la plus viable, mais il passe sous silence les implications profondes qu’une telle alliance aurait pour l’identité politique des deux partis. Une telle coalition, bien que théoriquement possible, pourrait entraîner des tensions internes plus profondes qu’il n’en a conscience, particulièrement en ce qui concerne les questions économiques, sociales et migratoires. Ce que Stecher néglige ici, c’est la capacité des partis à redéfinir leurs alliances en fonction de nouvelles priorités politiques, parfois contre l’avis de leurs bases électorales traditionnelles. Une lecture plus approfondie des rapports de force internes aurait permis de mieux saisir les enjeux de cette option.


4. Sur les petites coalitions et les tensions internes


En se concentrant sur les tensions potentielles, Stecher semble faire le pari que les alliances au sein de la SPD, FDP et autres partis ne peuvent aboutir qu’à un blocage ou à des conflits ouverts. Ce type de raisonnement présuppose que les négociations de coalition ne se font que sur la base de divergences insurmontables. Or, l’histoire a montré que, même dans des contextes de tensions internes, les partis allemands savent faire preuve de pragmatisme et d’adaptabilité pour parvenir à des compromis fonctionnels. Stecher pourrait donc élargir son analyse en tenant compte de la flexibilité institutionnelle et stratégique des partis, plutôt que de se focaliser sur un climat de guerre interne inévitable.


5. Sur la coalition « noire-verte »


Enfin, l’idée qu’une coalition CDU-CSU et les Verts serait « impensable » semble, elle aussi, faire abstraction de la réalité des évolutions récentes dans le paysage politique. Si l’on admet que l’électorat traditionnel de la CDU-CSU pourrait être réticent à une telle alliance, il est réducteur de supposer qu’un rapprochement avec les Verts entraînerait inévitablement une rupture massive dans l’électorat de l’Union. De plus, la politique étant un terrain en perpétuelle évolution, les partis pourraient trouver des terrains d’entente nouveaux sur des questions telles que l’environnement ou la transition énergétique. Une approche plus subtile aurait permis d’explorer les stratégies possibles, au-delà d’une simple analyse de risques électoraux.


L’analyse de François Stecher, bien que pertinente sur certains points, se distingue par un manque de profondeur dans l’étude des possibilités politiques. En se focalisant sur des scénarios extrêmes, il omet la capacité des partis à s’adapter et à se repositionner. Une véritable analyse des alliances potentielles devrait prendre en compte non seulement les rapports de force actuels, mais aussi la flexibilité tactique qui caractérise la politique allemande. À cet égard, son texte, malgré sa rigueur apparente, souffre d’un manque de vision nuancée sur les évolutions futures possibles.



Nicolas Faure

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5 Commentaires

  1. Le score de l’AfD vient sauver les meubles, et permet d’avoir un parti d’opposition important, cad la voix et la conscience de l’Allemagne profonde. Mais le pays sera difficilement gouvernable, car il faudra une coalition entre la Droite et la Gauche. Mais Merz veut surtout éviter d’avoir un lien avec l’AfD. Cette difficulté de gouvernance donnera avec le temps encore plus de crédit à l’AfD, mais la propagande anti-Afd pourrait aussi grossir, comme chez nous avec le RN. Mais le vrai problème qui va bloquer le pays, c’est que Merz est fervent combattant contre la Russie, qui a fournit tellement de gaz à l’Allemagne pour qu’elle devienne ce qu’elle est devenue, que c’est une grave erreur au nom de l’OTAN de Biden de vouloir s’en prendre encore et toujours comme il y a 80 ans, aux russes..

  2. L’alliance de la carpe et du lapin? On coule un pays de cette façon, sans parti majoritaire. Rien ne changera chez les Prussiens.

  3. La vie privée très wokiste de Weidel ne l’a-t-elle pas empêchée d’avoir un meilleur score ?
    Cette vie privée regarde les électeurs et ceux-ci sont en droit de se poser des questions. N’y a-t-il pas incompatibilité entre la « famille » façon Weidel et les principes dits d’ « extrême droite » ?
    Il manque donc des voix à l’Afd mais ça peut se comprendre…