Une famille française raconte sa vie en Russie

Davy et Delphine, et  leurs deux fils, Marius et Victor.

Oseriez-vous mettre toute votre vie dans une petite voiture et parcourir plus de 6.000 kilomètres avec vos enfants pour vous installer dans un pays froid et lointain, la Russie?

C’est ce qu’ont eu le courage de faire récemment Davy et Delphine, un couple de Français, et ils partagent leur expérience avec vous.

L’actualité est souvent sinistre, oui, mais il y a malgré tout  des articles qui réconfortent :

ce témoignage vient de Fenêtre sur la Russie, publié le 9 février. Il a été écrit par Daria Gridiaïeva.

À quoi ressemble la vie dans la province russe? Une famille française raconte

Nichés au milieu de cartons et de paquets dans une vieille Renault Mégane, ils ont traversé l’Allemagne, la Pologne et la Lettonie, jusqu’à la frontière russe. Il s’agit d’un couple de Français, Davy et Delphine, et de leurs deux fils, Marius et Victor. Et bien sûr, leur bouledogue français bien-aimé, Loukoum.

« Pour aller en Russie en 2023, notre vie a dû rentrer dans une voiture », nous décrit Delphine en riant.


Le contrôle frontalier passé, la vieille automobile faisait déjà crisser ses pneus d’hiver sur la route en direction de Moscou. La famille s’est arrêtée dans un village voisin pour changer ses euros contre des roubles et pour marcher un peu au grand air.


« Ce n’est qu’à ce moment-là que nous avons réalisé que nous étions en Russie, se souvient Delphine. Les datchas en bois colorées, la neige partout, les enfants emmitouflés qui rentrent de l’école, les petites églises orthodoxes, les bouleaux et les sapins… c’était beau ! ».

Mais comment cette famille française avec des enfants adolescents a-t-elle décidé de s’installer dans un pays si lointain et si froid ? Tout est dû à la fascination de Davy durant sa jeunesse.

« Mon père m’a demandé si je voulais étudier le russe comme langue étrangère au lycée. J’ai été immédiatement séduit par cette idée, relate-t-il. Cet immense territoire colorié en rouge sur nos cartes de géographie, dont on ne savait presque rien, titillait ma curiosité ».

Après quelques mois de leçons acharnées, Davy a été invité à participer à un programme d’échange scolaire entre la France et la Russie. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à Veliki Novgorod en 1993.

« Je me souviens ne pas avoir dormi la première nuit. Je regrettais amèrement mon choix… Je pensais à mes amis qui étaient partis au ski dans les Alpes et je me disais que j’étais le seul fou à être parti en Russie, se remémore-t-il. Je dormais sur le canapé-lit du salon dans un petit appartement où vivait mon correspondant Arkadi, ses parents, sa sœur et son mari et leur jeune fille Ania. J’étais choqué par l’environnement… Des carcasses de voitures, des immeubles en mauvais état et des cages d’escalier moyenâgeuses. Dès le lendemain matin, la magie a cependant commencé à opérer ».


Davy avec sa famille d’accueil russe

La chaleur et l’hospitalité de sa famille d’accueil et l’amitié de ses nouvelles connaissances russes ont permis à Davy de se sentir chez lui.

« Ce fut un véritable voyage initiatique, où j’ai appris à dissocier les conditions matérielles et les relations humaines », confie-t-il.

Finalement, Davy a tellement aimé Veliki Novgorod qu’il y est retourné deux fois pendant les vacances d’été et est ainsi tombé amoureux de la Russie. Il n’est pas surprenant qu’au moment de choisir une université pour poursuivre ses études, Davy ait été guidé par une chose : il voulait travailler là où vivaient ses amis russes.


Davy et Arkadi

Par conséquent, il s’est orienté vers le commerce international avec l’idée d’une spécialisation sur la Russie.

« Mon diplôme en poche, j’ai refusé les offres des entreprises françaises, me contentant de petits boulots à temps partiel », raconte-t-il.

Un jour, l’un de ses amis russes lui a proposé un compromis inattendu : partir dans l’un des pays post-soviétiques, la Lettonie, pour commencer à vendre des camions français. Davy a accepté et son intuition ne l’a pas déçu : il n’a pas tardé à déménager de Riga à Moscou avec sa compagne Delphine, en raison de l’expansion des activités de l’entreprise.

Pourquoi ce Français est-il tombé amoureux de la province russe?

« Nous nous sommes retrouvés dans un petit appartement au nord de la capitale russe, où nous avons vécu trois années heureuses. Les affaires étaient florissantes et les camions se vendaient comme des petits pains chauds, se souvient Davy. Nous pensions vivre encore longtemps en Russie, mais le destin en a décidé autrement. Apres trois belles années, la source de camions en provenance de France s’est tarie. Delphine est tombée enceinte de notre premier garçon et nous avons décidé qu’elle accoucherait en France ».

Seize ans se sont écoulés depuis – c’est l’âge de leur fils Marius – et Davy, qui a désormais travaillé dans de nombreux pays, s’est de nouveau tourné vers ses rêves passés. Sa famille l’a soutenu dans son choix et a donc commencé une nouvelle aventure franco-russe, qui dure encore aujourd’hui.

La vie dans la campagne russe

À quoi ressemble le matin d’hiver d’une famille française dans son chalet douillet près de la ville de Voronej (à 500 km au sud de Moscou) ? Tout d’abord, le déneigement ! Marius et Victor s’équipent joyeusement pour cela de pelles. « Je n’ai jamais vu autant de neige, je n’ai jamais ressenti de si froide température. Mais j’aime ça et c’est vraiment une expérience intéressante », nous partage Marius.

Un peu plus tard, accompagnés de leur mère et de leurs animaux domestiques (qui sont aujourd’hui plus nombreux), ils se promènent sur les plages gelées d’une petite rivière locale appelée Ousmanka, sans oublier de jeter un coup d’œil dans la forêt voisine pour se promener parmi les arbres recouverts de neige. Bien que ces Français ne vivent près de Voronej que depuis un an, la famille s’est déjà fait de nombreux amis dans le village. Si les adultes préfèrent passer du temps ensemble autour d’une table – avec beaucoup de délices et en chantant à la guitare ! –, les enfants se réunissent en plein air et jouent à divers jeux d’extérieur.

« Ici, tout le monde se connaît et j’oublie souvent que je suis en terre étrangère », assure Marius.


Pour les courses, la famille se rend au petit marché de la ville voisine de Ramon. Delphine y achète des œufs frais, du bon lait de vache, du beurre et de la crème maison, des fruits et des légumes frais.

« Les produits de base me paraissent de meilleure qualité. C’est un cadeau, une vraie richesse ».

Pendant que Davy travaille et que les enfants étudient en ligne, Delphine s’occupe de la maisonnée et de la préparation de bons petits plats. Elle est tombée amoureuse de la cuisine russe, c’est pourquoi des spécialités locales apparaissent de temps en temps sur la table familiale.

« C’est étrange à dire, mais quand je mange de la nourriture russe, j’ai toujours l’impression de manger chez ma grand-mère. Les plats sont simples, certes, mais authentiques », sourit Delphine.

Cependant, la Française consacre la majeure partie de son temps libre non pas aux tâches ménagères, mais au développement de la communauté locale – plusieurs fois par semaine, elle organise un atelier créatif pour les enfants du quartier et donne des cours de français.


Le week-end, la famille se rend à Voronej, une ville de plus d’un million d’habitants à l’histoire riche et aux infrastructures développées. Leur itinéraire passe généralement par des lieux d’intérêt tels que le théâtre de marionnettes et le musée d’histoire locale, un monument au célèbre barde russe Vladimir Vyssotski et une réplique du Goto Predestinatsia, le premier navire de ligne de la marine russe.


Davy montre à ses proches les coins les plus secrets de la ville – étant engagé dans l’exportation de machines agricoles, il est souvent venu ici au cours des huit dernières années avant de déménager. Cependant, les Français essaient de ne pas ignorer non plus les trésors de la région. Ainsi, ils ont déjà pu visiter le château de la princesse Oldenbourgskaïa, une réserve naturelle unique spécialisée dans l’élevage des castors, et même un adorable petit « musée de la grand-mère russe Macha ».


« Pour moi, il est très important que mes garçons puissent vivre mon expérience passée multipliée par 1 000, explique Davy. Et quelle richesse cela serait pour eux de posséder une double culture franco-russe ! ».

Delphine ajoute en outre qu’ils se sentent, en Russie, plus libres et en sécurité que nulle part ailleurs.

« Nous ne voyons que peu d’inconvénients, mais cela touche surtout le fait que les liaisons aériennes soient coupées avec l’Europe et que la Russie soit si stigmatisée », précise, peinée, la jeune femme.

Un petit miracle

Pour mieux décrire la mentalité des Russes, Delphine raconte une histoire qui lui est arrivée sur la route. Un soir, alors qu’elle rentrait chez elle au village, deux chiots errants se sont précipités sur l’autoroute. Une première voiture, qui se précipitait sur les animaux, a fait une embardée, et la seconde – juste devant le nez de Delphine – s’est arrêtée et a déclenché ses warnings.

Un homme est alors sorti du véhicule et a pris les chiots dans ses bras. Il s’est retourné vers la voiture de Delphine qui venait de s’arrêter à côté de lui et s’est dirigé vers elle.

« Bon tu prends lequel ? Moi je prends le beige ! Ma femme aime les labradors, c’est la même couleur, ça peut passer », a-t-il aussitôt déclaré en souriant.

Voyant que son interlocutrice était en proie au doute, il a poursuivi : « On ne peut pas les laisser ici. Dans 10 minutes, ce sera de la bouillie. Trop dangereux. Écoute, c’est simple : soit ce chiot, tu l’appelles Problème et tu trouveras une solution. Soit tu l’appelles Miracle et tu remercieras Dieu de l’avoir mis sur ta route. Soit tu le laisses ici… mais c’est avec ta conscience que tu auras un problème… Alors maintenant on agit et après on réfléchit ! ».

Bien sûr, Delphine n’a pu laisser le chiot sur la route, et voici donc que Tchoudo (Miracle) a rejoint la famille.

« Comme vous pouvez le voir, les Russes, c’est un peuple qui pense et agit avec son cœur. Ici, les gens parlent très facilement les uns avec les autres, la communication est facile, décrit cette expatriée. Les Russes sont en général toujours prêts à vous aider. Loin de l’image de rustres qu’on s’en fait ! ».

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7 Commentaires

  1. si il existe des français heureux , ce n’est certes pas en France……bravo à cette famille qui a eu ,e courage de quitter un tel pays sans avenir……. ce que j’envisage de plus en plus……

  2. Touchant (трогательное) ! J’habite une partie de l’année en Biélorussie, avec mon épouse biélorusse, et j’ai des expériences comparables. La chaleur des Slaves tient sans doute à leur vie rude dans un climat souvent hostile, qui invite à la solidarité, mais il s’y ajoute le facteur décisif de leur homogénéité ethnique et culturelle. Leurs minorités sont indigènes, enracinées, et ont en conséquence la même mentalité que les Russes : travailleurs, endurants, attachés à leur terre.

  3. Super tout ça! C’est vrai qu’il faut du courage pour tout plaquer pour rejoindre la Russie, le seul bémol, leur chien nommé loukoum ! ?

  4. J’avais un bon copain, hélas perdu de vue, qui est parti s’installer dans un village russe avec une dame rencontrée via l’association Davai (ou Davaï) de Caen. Il y a une dizaine d’années.
    Le bonheur pour lui! Un autre homme!
    Beaucoup de ressemblance avec le reportage.

  5. Merveilleux article dommage que j’ai la limite d’âge j’aurais tenté l’aventure car la France se détache de plus en plus de moi ce n’est plus ma France ! chez nous la chaleur humaine et la solidarité mieux vaut ne plus en parler et comme l’exemple vient d’en haut il n’aura plus de solution en vue d’une amélioration avant longtemps .