Forêt de Dreux: ruines du Château de la Robertière
Si jamais vous passez un jour par la voie qui mène de Dreux à Anet, vous arriverez à un rond- point où se dresse en son milieu un pavillon de chasse de forme octogonale construit en 1756 sur ordre de Louis-Charles de Bourbon, 24e et dernier prince de Dombes et comte d’Eu. Ce pavillon faisait office de vestiaire pour les chasseurs lors de chasses à courre. Il a été édifié sur l’emplacement de la croix de la Tasse, qui a été déplacée. Une légende raconte que François Ier qui venait de boire une tasse de café, de thé ou de chocolat, l’aurait laissée tomber et elle se serait cassée au pied de la croix qu’il aurait fait déplacer pour y construire le pavillon. Ce récit est apocryphe puisque le thé, le café et le chocolat ne sont arrivés en France que bien plus tard et que le pavillon a été édifié plus de deux siècles après. À Noter que ces croix de pierre, ornementées étaient le lieu de rendez-vous des chasseurs, au départ et au retour de la chasse.
Le château dont je veux vous conter brièvement l’histoire, c’est le château de la Robertière, ou plutôt ce qu’il en reste. Il n’est plus que ruines à l’heure actuelle. Il n’en subsiste que les vestiges d’une tour, d’un donjon , d’un fossé d’enceinte, de restes de fortifications. À noter un puits, un charnier et un cellier en assez bon état. L’entrée du souterrain est de nos jours interdite, mais il y aurait un réseau souterrain dont les dimensions permettraient le passage d’un carrosse. Ceci semble relever de la légende. Légende aussi, l’homme en blanc qui garderait un trésor magique dans les souterrains. Il apparaît aux fêtes de la Vierge et surtout celles de la conception et de la nativité. Au seul jour de Noël; pendant le chant de la généalogie qui précède la messe de minuit, le trésor est affranchi de leur gardien. Les portes du caveau de fer s’ouvrent et chacun peut entrer puiser à son aise parmi les pièces d’or. Malheurs aux avides qui tenteraient de prendre plus qu’il ne faudrait, le chant de la généalogie terminé, les portes se referment alors sur eux.
Le château a été édifié en 1162 pour le comte Robert Ier de Dreux, frère du roi Louis VIII. Le château de la Robertière représentait un poste frontière entre la France et la Normandie. Cela permettait de surveiller les Normands, dont les souverains prenaient souvent le territoire de Dreux pour théâtre de leurs guerres avec le roi des Français. C’était à la fois un lieu de résidence agréable, où l’on pouvait chasser, pêcher, et un poste de surveillance. Ses fortifications étaient telles que ce bastion était quasi imprenable.
Si imprenable en effet qu’en 1428, après la capitulation de Dreux pris par les Anglais pendant la guerre de cent ans, des Dauphinois, on désignait ainsi les partisans du Dauphin, s’étaient retranchés dans le château et effectuaient des sorties qui s’avéraient meurtrières pour les Anglais. Suffolk, gouverneur de Dreux pour Henri V , entreprit le siège du château. Huit mois de siège n’en vinrent pas à bout. Il fit prendre comme otages les parents et amis que les assiégés avaient dans la ville et les amena devant les fortifications en menaçant de les faire occire si la garnison ne se rendait pas. Les assiégés délibérèrent sur la conduite à tenir mais un traître nommé Waxon, L’Histoire en regorge, livra la première cour où étaient entreposées les armes et les munitions. Suffolk prit ainsi le château et le fit raser.
Voilà l’histoire succincte de cette forteresse. J’ai découvert ces vestiges en consultant l’histoire locale. J’ai pris l’habitude de m’y rendre pour me ressourcer, lorsque ma santé me cause quelques problèmes. J’y passe parfois des après-midi entiers, souvent j’apporte avec moi de quoi me restaurer. Je ne repars qu’à la tombée du jour, muni d’une puissante lampe torche. Assis sur un pliant, je lis, je médite, j’écoute de la musique sur mon baladeur. Les jours d’automne et d’hiver sont mes moments de prédilection, lorsque la brume enveloppe la forêt et les prairies alentour. Je m’y rends aussi au printemps et en été, mais uniquement les jours de mauvais temps. Le mauvais temps sied bien à certains lieux. J’ai visité Oradour par beau et par mauvais temps. Quand le soleil brille, que le ciel est bleu, le ressenti n’est pas le même.
En forêt, j’ai fait quelques rencontres inoubliables. En regagnant ma voiture, à la nuit tombée, une harde de biches avec leurs petits, surveillés de près par un magnifique cerf. J’ai attendu qu’ils s’enfoncent tous dans les taillis avant de repartir. Le cerf surveillait la manœuvre. Il me regardait, mais j’ai vu qu’il avait compris que j’étais un ami. Il est reparti tranquillement, sans se presser. Une autre fois, une laie et ses marcassins. La mère n’a pas manifesté d’hostilité, elle a dû comprendre elle aussi que je n’étais pas un ennemi. Ils sont tous repartis paisiblement. Une autre rencontre, humaine cette fois, alors que je faisais une séance de qi gong pour me relaxer dans l’enceinte de ce qui reste du château . Je me suis aperçu qu’une jeune fille sur un cheval m’observait. Je lui ai dit de ne pas avoir peur. « Je suis un peu spécial, lui ai-je dit, je parle aux arbres, aux fleurs, aux nuages, aux pierres et à tout ce qui m’entoure, mais je suis totalement inoffensif. » Elle s’est mise à rire et m’a confié qu’elle faisait de même. Nous avons parlé qi gong, yoga, cosmo-tellurisme, spiritualité. Puis elle est repartie, et m’a fait un signe de la main avant de disparaître.
Cette rencontre m’a troublé sur le moment, je l’avoue. J’ai pensé furtivement avoir eu affaire à un des nombreux spectres qui hanteraient la forêt. D’autant plus que je ne l’ai jamais revue, jamais, bien que depuis j’y sois retourné, depuis, plusieurs fois.
FIN
ARGO
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L’evocation de ce lieu magique nous enchante aussi. Merci de partager ce moment d’embellie meme -et surtout -nuageux,Argo.