Les Chartreux et la visite du Monastère de la Verne, dans le Var

Préambule : Il y a quelques jours, votre serviteur a eu, avec son épouse, l’immense plaisir d’aller visiter un bâtiment de notre patrimoine religieux français. Il s’agit du Monastère de la Verne, dans le Var. Et votre serviteur avait eu l’envie de partager (comme on dit aujourd’hui, de son temps, on disait « faire connaître ») ce joyau religieux encore occupé par des religieuses (moniales).

Nota bene : la totalité des photos du présent article est de votre serviteur lors de sa visite.

INTRODUCTION

La vie monastique m’a toujours très fortement impressionné et encore aujourd’hui. Non pas par adhérence religieuse catholique, mais par curiosité sociétale d’un choix de vie d’homme et de femmes extrêmement particulier. Je suis passionné, abasourdi même, par l’engagement de ces moines et moniales qui adoptent, en toutes libertés, des façons de vivre tellement éloignées des nôtres !

La vie monastique est variée, et certains (futurs saints dans l’église catholique) y ont laissé leurs marques par la création d’ordres et/ou d’abbayes. Tous les citer serait fastidieux, mais les plus connus (importants ?), non exhaustivement, chaque ordre ayant son équivalent féminin, sont : les Bénédictins (saint Benoît), les Franciscains, les Clarisses pour les femmes (saint François d’Assise), les Dominicains (saint Dominique de Guzmán), les Jésuites, officiellement « La Compagnie de Jésus » (saint Ignace de Loyola), les Carmélites fondées dans la tradition du mont Carmel en Terre Sainte, les Carmes pour les hommes, les Chartreux et Chartreuses (saint Bruno de Cologne), les Trappistes, également connus sous le nom d’Ordre cistercien de la Stricte Observance, une branche de l’ordre cistercien fondée au XVIIème siècle, et encore beaucoup d’autres

Pour canaliser ce modeste article, je vous propose de nous pencher sur l’ordre des chartreux et une de ses abbayes, le monastère de la Verne, appelé aussi, pour des raisons de proximité géographiques, la Chartreuse de Collobrières (spécialiste des crèmes de marrons, hum !) dans le massif des Maures, mais aussi la Chartreuse de la Verne, Monastère Notre-Dame de Clémence de La Verne, cette dernière étant la dénomination officielle de l’édifice.

 

COMBIEN DE CHARTREUSES EN FRANCE ET DANS LE MONDE ?

L’Ordre des Chartreux fut fondé en 1804 par Saint Bruno. Cet ordre comprenant une branche masculine et féminine compte environ 450 moines et moniales répartis sur 22 monastères à travers 3 continents, 16 moines et 6 moniales. Ce qui est très peu par rapport aux autres ordres.

En France, il n’existe que trois Chartreuses encore « en activité » :

  • La Grande Chartreuse située à Saint Pierre de Chartreuse (38380),  à 27 km de Grenoble. C’est la Maison-Mère de l’Ordre. C’est là que saint Bruno établit le premier ermitage en 1084. Son Prieur appelé « Révérend Père », est le supérieur général de tout l’Ordre mondial des Chartreux.
  • La Chartreuse de Portes à Bénonces (01470)
  • La Chartreuse de Montrieux à Méounes- lès- Montrieux (83136). Dans cette Chartreuse (que je connais bien pour y habiter à 30 mn de voiture) il ne reste que quelques très vieux chartreux et il n’y a pas de noviciat, ce qui signifie aucun renouvellement des moines. C’est une Chartreuse en voie d’extinction à court terme.

QU’EST-CE QUE L’ORDRE DES CHARTREUX ?

Nous avons à avoir affaire là, à un ordre très particulier chez les réguliers (moines). Pourquoi cette particularité ? Parce qu’il s’agit d’un ordre d’une extrême rigueur et solitude. C’est un ordre exclusivement contemplatif. On ne parle jamais à l’exception des quelques mots absolument indispensables, on vit dans la solitude la plus totale et même l’exclusion des autres moines à l’exception des rares offices en commun (deux par jour), tous les autres Office étant dit individuellement dans sa maisonnette (voir ci-dessous l’architecture d’un monastère chartreux).

Le projet de Saint Bruno était de retrouver la spiritualité du désert : tout quitter afin de vivre dans la solitude pour Dieu seul. Les ermites chartreux vivent aujourd’hui encore dans des « déserts » à l’image de celui des origines, où ils poursuivent leur vie de prière et de travail.

En fait, il y a des moines qui passent une grande partie de la journée dans leurs ermitages (maisonnettes), occupés à prier, étudier, travailler. On les appelle Pères et ils sont prêtres. Il y a ensuite d’autres moines (les converts) qui mènent une vie d’authentique solitude et, outre l’oraison et l’étude, emploient une partie de leur journée à travailler dans le monastère hors de leurs ermitages. Ce sont les Frères. Ils assurent l’intendance et le fonctionnement du monastère.

PARTICULARITÉS ARCHITECTURALE D’UN MONASTÈRE CHARTREUX

A l’origine, les Pères chartreux vivaient quasi 24/24h dans leur cellule, hormis les offices en commun et une sortie hebdomadaire de quelques heures sur leur domaine. Les repas leurs étaient donné par des trappes.

Ce régime très sévère faisait que nombre de chartreux devenaient complètement fous au bout de quelques années. Alors, les règles n’ont pas été assouplies, mais l’architecture s’est adaptée à cette vie de solitude dans la prière.

Les cellules sont devenues des petites maisonnettes personnelles (appelées « ermitages ») d’un ou deux étages, avec petit jardin cultivable. Ainsi, toutes les Chartreuses existantes dans le monde ont autant de maisonnettes individuelles que de chartreux.

LA CHARTREUSE DE LA VERNE

Où se situe-t-elle ? dans le Var tout simplement, près de Collobrières.

SON HISTOIRE, RAPIDEMENT

Les malheurs de cette pauvre Chartreuse

Notre Chartreuse de la Verne fut fondée en 1170 à l’initiative des évêques de Toulon et Fréjus (Pierre Isnard et Frédol d’Anduse). Mais, la pauvre, elle connut bien des évènements ! Elle fut incendiée en 1214, 1271 et 1318. Le feu détruisit tous les bâtiments sauf l’église romane. Elle fut à chaque fois reconstruite.

Ce n’est pas tout… Notre attirante Chartreuse de la Verne subit les assauts de nombreux pillards, quelquefois des seigneurs des alentours, mais aussi des Sarrasins et en 1577 au cours des guerres de religion. C’est d’ailleurs au cours de ces guerres que la voûte de l’église romane s’effondra.

Mais c’était sans compter sur la Révolution. La dernière reconstruction qui a duré plusieurs décennies, à peine achevée, voilà qu’éclate la Révolution entraînant la mise sous séquestre de tous ses biens. Les derniers Chartreux, contraints de s’enfuir, partirent en 1792, et les terrains (plus de trois mille hectares de forêts, pâturages, terres cultivables et salines), les bâtiments et tout le mobilier (objets de culte, tableaux, bibliothèque,… ) furent vendus comme « biens nationaux ».

L’histoire religieuse de la Chartreuse de la Verne, placée sous le vocable de la vierge « Notre Dame de Clémence », avait duré un peu plus de six siècles. Puis, succéda une longue période d’abandon total durant laquelle la nature a envahi les locaux les endommageant sérieusement pour en arriver à un état de ruines.

Le 18 janvier 1921, la Chartreuse fut classée Monument historique, mais seulement comme « Vestiges dans la forêt », ce qui signifie que rien ne se faisait, aucun travail de restauration n’était entrepris, et le 1er Mars 1961, le Ministère de l’Agriculture en devint propriétaire.

La résurrection de la Chartreuse (ça tombe bien, quand même, pour une Chartreuse… 😊)

Plus rien ne semblait alors pouvoir sauver la chartreuse d’une disparition certaine. Mais il existe peut-être un Bon Dieu car, en 1968, sous l’impulsion de passionnées, Mme Annette Englebert et son amie, Annick Lemoine, se crée une association baptisée « Les amis de la Verne » qui s’attela à la rénovation du site.

Une sacrée équipe de volontaires très motivés et dynamiques se constitue alors et réalise entre 1969 et 1982 avec des moyens limités mais avec beaucoup d’énergie et d’envie, des travaux très importants qui sortent progressivement la chartreuse de l’oubli de l’histoire. À telle enseigne qu’en 1982, La Verne va retrouver sa vocation initiale en accueillant des moines puis à partir de 1986, des moniales de la famille monastique de Bethléem, de l’Assomption de la Vierge et de Saint Bruno, toujours actuellement en place.

Avec de nombreuses aides d’État et de mécènes, des travaux beaucoup plus importants de rénovation de l’ensemble des bâtiments sont entrepris par la suite. Le Monastère est maintenant pratiquement entièrement rénové, même des maisonnettes y ont été ajouté afin d’accueillir davantage de religieuses.

POUR LA VISITE, C’EST PAR ICI

Pour cette visite, nous allons nous promener dans certains endroits du monastère seulement. Tous les détailler avec photos, serait trop long. Pour commencer, un petit plan global avant notre, visite, ça ne mange pas de pain.

Le grand mur

Ce grand mur est très important car, une fois franchie en étant entrée dans le monastère et de ne plus en ressortir jusqu’à sa mort, il symbolise la rupture totale et définitive avec la vie du monde pour une vie qui sera désormais entièrement et exclusivement consacrée à Dieu.

La Porterie

Reconstruite il y a quelques années, elle constitue actuellement la salle d’accueil des visiteurs et sert de salle d’exposition des travaux d’artisanat fabriqués par les moniales qui vivent en partie de ces ventes. Elle servait à l’origine uniquement pour le stockage des légumes fruits et diverses réserves.

La Grange

Pièce plus sèche que les autres, elle permettait le stockage de grains et autres produits qui craignaient l’humidité.

La Chapelle d’Adoration (Oratoire)

C’est un lieu exclusivement consacré à la prière dans le silence le plus absolu. On y accède par un escalier taillé en pierre.

Le petit Cloître

Accès au petit Cloître :

Très joli avec ses magnifiques arcades en serpentine il date du XVIIème siècle. Il permet actuellement aux moniales de se rendre en procession de l’église au réfectoire, les dimanches et jours de fête où elles prennent leurs repas ensemble.

L’église romane

Elle s’écroula au XVIIème siècle et il n’en restait plus que le mur nord et une partie du clocher. Mais grâce à de généreux donateurs elle a pu être restaurée comme à l’origine.

Comme le fidèle lecteur de ce modeste article le sait, cette belle église romane est orientée vers l’Est selon la tradition des églises et des monastères : en effet, l’Est représente Jérusalem, qui elle-même évoque la Jérusalem céleste.

Le Cellier

Très jolie pièce voûtée, pavée à l’ancienne, reconstruite en 1991. Grand Christ d’inspiration espagnole, qui rappelle qu’Il est le Maître de ce lieu consacré à la prière depuis huit siècles.

La Boulangerie

Elle comporte un four à pain d’une dimension exceptionnelle faisant 5 mètres dans son grand axe. La raison en est qu’il servait à nourrir 30 à 40 personnes qui participaient à la vie du monastère. En effet, ce four ne servait pas uniquement à cuire du pain, mais aussi à la cuisson de tous les plats de l’ensemble de la communauté, car il n’y avait pas, à l’époque, d’autres moyens de faire chauffer les plats que ce four à pain.

Il devait être allumé 24 heures avant la première fournée et pouvait servir à faire 3 à 4 cuissons à la suite. Il restait ensuite chaud pendant 8 jours avant d’être complètement froid.

Le Grand Cloître

Les religieuses l’appellent « le Grand Cloître de solitude ». Comme tous les monastères pratiquement, le cloître en est le cœur. Tout autour il y a 90 mètres de galeries dans lesquelles se trouvent les cellules des moniales où elles pratiquent la prière, la solitude, le silence et le travail offert, disent-elles, « Pour la gloire de Dieu et l’amour de chaque homme sur la Terre ».

L’atelier

Il permet le travail manuel, et c’est là que se trouvaient les latrines (anciennes toilettes).

L’huilerie

Accès à l’huilerie :

Elle est constituée de deux « mares » principales dont seule la pierre de l’une subsiste. Les olives arrivaient par des chariots à l’étage au-dessus et tombaient directement dans la première mare pour être écrasées. La première pression donnait une huile d’olive vierge. Dans la 2e mare, ont rajouté de l’eau, ce qui permettait d’avoir une huile de seconde qualité. Enfin, la 3e servait pour l’éclairage des lampes à huile.

La salle était échauffée par une cheminée, ce qui permettait d’avoir de l’eau chaude, indispensable pour la fabrication d’huile de deuxième qualité.

La maquette

La maquette ci-dessous représente le monastère tel qu’il était au moment de la révolution française. C’est dans les années 1930 qu’un architecte des Monuments Historiques a élaboré les plans de cette maquette à partir des éléments archéologiques restants.

ATTENTION !!!

Ne pas confondre les chartreux avec LE chartreux !!!

Cachou

 

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6 Commentaires

  1. Pour y avoir été, acheter la crème de marron et la glace marron et pour les fêtes les marrons glacés a collobriere. Petit village a visiter .
    Seul bémol les routes sont sinueuses, il faut être prudent

    • Tu m’en mets la crème de marron aux babouines….😄
      Quand aux routes, c’est le massif des Maures, donc de la montagne. Certes, de la petite montagne, mais de la montagne quand même, comme tu le sais.

  2. J’ai visité ce lieu en ruines il y a 50 ans , quand il était ouvert à tous les vents ; montée par une petite route en lacets parmi les châtaigniers ; souvenir de la beauté du site et du silence qui l’enveloppait .
    En pleine chaleur de juin nous cherchions la fraîcheur dans les caves voûtées des celliers .
    Plutôt satisfait que ces ruines grandioses aient été relevées : elles le méritaient .

    • Visiter une ruine est toujours triste. C’est le fruit, à un moment donné de l’histoire d’un momument, de son échec. Mais si ladite ruine existe, il est toujours intéressant de la visiter.
      Ami Jan-Bidel tu as eu de la chance de visiter il y a 50 ans le Monastère de la Verne, je n’ai pas eu cette chance, habitant encore à l’époque dans le nord de la France. La connaissant bien maintenant (j’habite à 40 minutes de voiture de ce monastère), j’aurais été content de la visiter à l’état de ruine pour faire la différence. Bref, il existe beaucoup de photos quand elle était en ruine que j’ai regardées évidemment.
      Merci de ton témoignage.