Fuck you DiplomacyMais que ferait Donald Trump face aux humiliations de l’Algérie ?
Donald Trump aurait-il adopté une stratégie différente d’Emmanuel Macron s’il avait fait face aux humiliations qu’impose l’Algérie à la France ? Faut-il revenir à une ligne diplomatique plus inspirée par la realpolitik ?
Atlantico : Donald Trump a fait montre, en dialoguant avec le Danemark, d’un rapport à la diplomatie particulier. Il a roulé des mécaniques, n’a pas hésité à se montrer outrancier et, semble-t-il, obtient quelques résultats puisque le Danemark a fait une offre de dialogue. Comment pourrait-on décrire la stratégie diplomatique américaine ?
Alexandre del Valle : Donald Trump parle d’un “art du deal”. En vérité, il s’agit d’une stratégie du fort et du fou envers le faible. Les États-Unis sont à la fois les plus forts et, potentiellement, les plus fous. Ils font montre d’une imprévisibilité voulue, assumée, pour effrayer un interlocuteur potentiel en expliquant à quel point ils pourraient causer des dégâts s’ils allaient au bout de leur logique. Dès lors, le deal devient plus rassurant. Perdre le Groenland après un conflit armé, c’est plus inquiétant qu’une proposition de rachat. Ce que fait Donald Trump, c’est donc affirmer qu’il ira jusqu’au bout, qu’il ne se soucie guère des conséquences que cela pourrait avoir. Il table sur le fait que ses partenaires craignent le chaos qu’il est susceptible de causer et que, par voie de conséquence, ils ne tiennent pas tête. Rares sont ceux, en effet, qui sont prêts à se lancer dans une telle bataille. Les exemples canadien et danois de ces derniers jours sont assez parlants à ce propos. Les élites européennes se font généralement plus entendre quand il s’agit d’attaquer Viktor Orbán, par exemple. Étrangement, quand c’est un populiste qui tient le manche, on ne s’inquiète plus vraiment qu’il soit outrancier. On se contente de l’écouter et de lui répondre gentiment. C’est extrêmement vrai quand ce populiste n’est autre que les États-Unis d’Amérique. Après tout, il détient le dollar, il a derrière lui les lois extraterritoriales et peut ruiner l’Europe s’il le souhaite à grands coups de taxes ou de tarifs douaniers. D’aucuns pourraient même dire qu’il a d’ores et déjà commencé, compte tenu de la politique américaine vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Il est vrai que l’Amérique a un pouvoir de nuisance à nul autre pareil. C’est un pays qui peut se permettre plus que beaucoup d’autres, et nombreux sont ceux, y compris parmi ses alliés, qui craignent d’éventuelles représaille
Ce pouvoir s’appuie sur des ressources économiques, mais aussi sur une capacité de réaction, de coercition militaire et même financière, juridique également. Quand les États-Unis décident de menacer quelqu’un, on les écoute. Plus encore quand l’homme à la tête de ceux-ci n’a aucun sens moral et visiblement pas de limite. Il ne craint pas les tentatives de culpabilisation, ne fait montre d’aucune empathie, n’hésite pas à bluffer autant qu’à aller jusqu’au bout. Dans ce cas de figure, la marge de manœuvre des uns et des autres est forcément très limitée. Tout ce que l’on peut faire, face à Donald Trump, c’est accepter de perdre 90 % ou de négocier sur la base de ses propres termes et perdre entre 30 et 50 %, par exemple. Dans une majorité de cas, on a tendance à opter pour la seconde option. Cela n’a rien de très étonnant et force est de constater qu’il s’agit là d’une tactique de négociation assez connue. Pourtant, il faut bien reconnaître qu’elle n’est pas à la portée de tout le monde et certainement pas à la portée d’Emmanuel Macron ou de Justin Trudeau. En revanche, il est arrivé qu’un Viktor Orbán sache en faire usage. Il a, après tout, su obtenir des compromis sur le gaz russe ainsi que des prérogatives que n’avaient pas les autres. Cela demande du courage et un certain cuir. Il ne faut pas avoir peur des noms d’oiseaux, des sanctions, du conflit de façon générale.
Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est donc, assez fondamentalement, le retour de la realpolitik. On met un terme à l’hypocrisie du monde bisounours auquel nous avons voulu croire depuis la fin de la guerre froide. Les rapports de force n’avaient évidemment pas disparu, mais ils se montrent de nouveau dans leur plus simple appareil. Mais il faut bien comprendre que le rapport de force ne récompense pas seulement le plus fort. Il récompense celui qui va oser risquer le clash pour en tirer le maximum. Il y a aussi une dimension psychologique qu’il ne faut surtout pas perdre de vue : une mentalité de voyou peut s’avérer particulièrement utile dès lors qu’elle est un tant soit peu structurée. On peut alors menacer de se massacrer réciproquement ou bien de faire affaire. C’est précisément ce que font les Américains, les Turcs ou les Russes depuis des années. Ce n’est d’ailleurs pas si différent de ce que Charles de Gaulle appelait la politique de la chaise vide. On pourrait aussi évoquer Robert Fico, l’ancien président de la Slovaquie, qui a mené une diplomatie virile, disons-le ainsi, qui lui a permis d’aller contre certaines décisions européennes, notamment des sanctions en lien avec la Russie, sans pour autant être contraint de quitter l’Union. Il est possible de se ménager des marges de négociation, à condition d’avoir des dirigeants courageux.
Comment qualifieriez-vous la stratégie diplomatique française ?
Alexandre del Valle : Commençons par le commencement : la France n’a pas de stratégie diplomatique à proprement parler. Donald Trump, quoi qu’on en pense, présente une stratégie claire. C’était aussi le cas de Joe Biden, quoique celle-ci soit assez opposée à celle qu’affiche aujourd’hui son successeur. Le démocrate tablait sur une stratégie globaliste et l’idée d’une Amérique mondiale. Donald Trump prône, pour sa part, un désengagement maximum. Emmanuel Macron, lui, joue tantôt les multipolaristes, au point d’en agacer ses alliés américains quand il accepte de faire de la France un vecteur de la Chine, et tantôt les atlantistes sans retenue. Il traite alors ses partenaires européens de lâches (alors même que l’Allemagne paie plus que la France pour assurer la défense de l’Ukraine), insiste sur la nécessité d’envoyer des soldats sur le front russo-ukrainien, etc. Il n’y a aucune logique derrière ses revirements incessants. Cela s’observe aussi vis-à-vis de l’Algérie : un coup, il va plier devant la culpabilisation algérienne, se flageller pour la colonisation qu’il dépeint comme un crime contre l’humanité, et le lendemain, il n’hésitera pas à planter un couteau dans le dos du régime en reconnaissant le Sahara occidental comme marocain. Il est donc très difficile de discerner le commencement d’une ligne cohérente, nécessaire à l’établissement d’une quelconque stratégie.
Le président français fonctionne, ici aussi, au “en même temps”. Il est persuadé que son brio, son intelligence, son anglais bien parlé, sa jeunesse suffiront à séduire le monde, alors même qu’il a perdu toute crédibilité à l’international (et c’est aussi vrai pour la France). La position hexagonale est extrêmement affaiblie, parce qu’il applique à l’extérieur la même philosophie qu’à l’intérieur. Il n’est tout simplement pas lisible.
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Diriez-vous que la France gagnerait à en revenir à une ligne diplomatique plus inspirée par la realpolitik, notamment vis-à-vis de l’Algérie ? En a-t-elle seulement la possibilité ?
Alexandre del Valle : Les engagements du président Macron, qu’ils soient idéologiques ou personnels, ne sont pas toujours mauvais. Sans doute faut-il commencer par le dire. C’est un homme du capital, des multinationales, et c’est sans doute pour cela qu’il n’a pas voulu que l’extrême gauche entre au gouvernement après la dissolution. Il est aussi l’homme du mondialisme, celui qui estime qu’il n’y a pas véritablement de France, qu’il n’existe pas non plus d’identité enracinée. En bref, sa position est assez réminiscente de celle de son maître et ami, Jacques Attali. Ce n’est pas une position idiote ou inconfortable, quand on appartient aux élites. Faire partie de l’élite et être un homme nomade, mobile, c’est même assez logique. C’est aussi l’homme de l’Europe, mais il faut bien comprendre que l’Europe ne peut guère être souveraine, sauf à détruire les souverainetés des États membres, ce qui n’est pas possible. Il est trop fédéraliste pour pouvoir mener une politique à la de Gaulle qui replace au centre les intérêts de la France, quitte à ne pas rester conforme à l’esprit de Marrakech, aux résolutions de l’ONU ou au droit international. Il n’a pas le courage d’aller jusque-là, car cela impliquerait d’être mal vu par les médias, Bruxelles, les institutions européennes et internationales de façon générale.
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Qu’aurait fait Donald Trump si, à la place d’Emmanuel Macron, il avait fait face aux humiliations qu’impose l’Algérie à la France ?
Alexandre Del Valle : Donald Trump réagirait en plusieurs points. Il commencerait sans doute par souligner que le gaz utilisé par la France et importé depuis l’Algérie ne représente peu ou prou que 13 % de la consommation hexagonale. C’est beaucoup, bien sûr, mais c’est aussi suffisamment peu pour que l’on puisse espérer le trouver ailleurs sur le marché. Ainsi, il déciderait donc de se passer du gaz algérien, d’une manière ou d’une autre. En passant par la Russie, peut-être, par l’Espagne éventuellement, ou même par les États-Unis (qui auraient tout de même un peu de mal à fournir davantage que ce qu’ils exportent aujourd’hui). Sans oublier les Qataris, bien sûr, ou les Azéris.Sa deuxième mesure consisterait sûrement à mettre en place une taxe de 100 % sur les peu de produits que l’Algérie exporte vers la France, avant d’interdire aux Algériens, en troisième lieu, de sortir des fonds vers l’Algérie. Il supprimerait également toutes les aides dont bénéficient les Algériens et reviendrait indéniablement sur l’accord de 1968, qui donne des droits incroyables, dérogatoires au droit commun, aux Algériens désirant immigrer vers la France. En bref, il menacerait donc de revenir sur tout ce qui permet de favoriser l’Algérie. Celle-ci, étant incapable de résister à la France ou de lui déclarer la guerre, ne pourrait pas suivre. D’autant que Donald Trump proposerait aussi un reset, comme il le fait avec tous ses interlocuteurs. Autant être les meilleurs ou les pires amis.
En d’autres termes, il proposerait de se mettre à la table des négociations et irait sans doute jusqu’à proposer de rendre les crânes des résistants algériens que conserve la nation française… Le choix est donc celui du reset ou de la guerre économique totale, qui viendrait ruiner l’Algérie. Naturellement, c’est le genre de proposition qui suscite d’abord l’indignation. Ce n’est qu’ensuite qu’elle donne lieu à une reprise des négociations. Malheureusement, la France ne peut espérer régler la question algérienne sans mettre en place un rapport de force. Après tout, l’Algérie a décidé d’humilier la France. Elle refuse de reprendre un activiste qui menace quiconque s’oppose au régime algérien et qui, de facto, travaille pour elle. Il n’y a donc pas d’autre choix que de jouer aussi à l’idiot de notre côté.
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Je n’entends rie à la politique , alors la géopolitique encore moins .Donc je ne pourrais rien vous opposer à ce que vous dites sur Alexandre Del Valle concernant Donald Trump .En revanche il est un des plus grands pourfendeurs de l’islam .