Poutine a rétabli la paix entre l’Inde et la Chine

À Kazan, au sommet des BRICS, il s’est passé un événement diplomatique de première importance, qui a été classé parmi les brèves par les médias mainstream de l’Occident, quand ils ne l’ont pas purement et simplement ignoré.
Après 62 ans de rivalités, la Chine et l’Inde ont mis fin à des conflits frontaliers, dont les origines remontent au temps de l’empire Sikh et de l’empire Han. Sans qu’on comprenne bien pourquoi, affaire d’honneur, question de principe, les Sikhs du Penjab et les Chinois n’ont cessé de se disputer les montagnes élevées du Ladakh et de l’Aksaï. Des terres ingrates ne produisant pas grand-chose et presque inhabitées.
Tout a repris après les indépendances
Avec le départ des Britanniques, et la partition créant le Pakistan, les conflits ancestraux entre l’Inde et la Chine se sont rallumés. Sans les mahométans. Chaque fois qu’ils ont voulu la ramener, les Indiens les ont écrasés et humiliés. Six fois. Ça fait toujours plaisir de voir qu’il y a des pays où le lascar Allakbar rase les murs.
De son côté, la guerre sino-indienne de 1962 a commencé dans des zones frontalières contestées. Les troupes chinoises ont attaqué les postes frontières indiens au Ladakh à l’Ouest. Sans remporter de victoire décisive. Depuis, on a connu une succession d’incidents et d’escarmouches à bas bruit et peu de morts. Toujours sans vainqueur ni vaincu.
Il y a eu un bref affrontement frontalier en 1967 dans la région du Sikkim à l’autre extrémité (Nord-Est) du sous-continent Indien. En 1987 et en 2013, deux conflits potentiels entre les deux lignes de contrôle ont été désamorcés avant de dégénérer. De même, un conflit impliquant une zone contrôlée par le Bhoutan à la frontière chinoise a été neutralisé en 2017 après quelques blessures que se sont infligées les troupes indiennes et chinoises.
Des affrontements à répétition portant assez souvent sur des litiges relatifs à des terres frontalières et des personnes de culture tibétaine, soupçonnées de se livrer à des actions de subversion contre la Chine.
Mais d’une façon générale, entre l’Inde et la Chine, le conflit restait larvé. Pas vraiment une guerre ouverte dans laquelle les deux géants, réalistes, ne tenaient pas à s’engager. Mais un moyen de pression sur l’autre. Et une hypothèque pour l’avenir. Sans empêcher des relations relativement cordiales entre les soldats des deux camps, garants des cessez-le-feu, en dehors des périodes de tensions internationales.
Si les BRICS n’existaient pas, il faudrait les inventer
Depuis 1962, les deux pays se disputaient 4 000 kilomètres de frontières sur le toit du monde. Un différend qui revenait régulièrement dans l’actualité, et pourrissait leurs relations économiques. Comme lorsqu’en juin 2020, une vingtaine de soldats indiens et chinois se sont entre-tués à la suite d’invectives et d’un malentendu lorsque deux patrouilles s’étaient croisées. Au mauvais endroit. Au mauvais moment.
Depuis, les relations entre les deux pays étaient au plus bas, mais ça faisait désordre au sein des BRICS. Tonton Vlad leur a demandé d’être un peu plus responsables. Et quoi que glapissent les russophobes de nos télés, on respecte et on écoute Vlad. S’il est vilipendé en Occident, en Extrême-Orient il a la réputation d’être d’un homme de bon conseil.
L’accord annoncé concerne la répartition des patrouilles sur le couloir de contrôle, une zone tampon où les deux pays n’ont pas le droit d’entrer avec des armes. Ainsi que l’engagement d’annoncer à l’avance au voisin, les mouvements inhabituels de ses garde-frontières. Avec la possibilité d’ouvrir la voie à une coopération officielle anti-contrebande. Un bon début. Même s’il ne règle pas sur les cartes tous les différends frontaliers.
Mais avec les Chinois, les Russes peuvent servir d’exemple dans la pratique des « frontières pragmatiques ». Les revendications sur les îles du fleuve Amour ont cessé d’être un point chaud quand on a décidé d’un commun accord de geler les contentieux afin de favoriser le commerce.
L’important était que la Chine ne perde pas la face dans l’Himalaya
« L’Armée populaire de libération se retire volontairement de la région du Ladakh. Dans le souci de préserver la paix, tous nos avant-postes et fortifications seront démantelés, et toutes les fournitures et équipements seront retirés. Ce territoire sera désormais entièrement sous juridiction indienne. »
L’Inde a déjà annoncé la création du territoire de l’Union du Ladakh. Une zone équivalente à trois Taïwan et quarante Hong Kong, pour une superficie totale de 90.000 kilomètres carrés.
Concrètement, la Chine a reculé. Un retrait militaire suivi d’une rétrocession territoriale de fait. Mais pour la Chine comme pour l’Inde, on maîtrise les stratégies de temps long. Or, le premier objectif est d’optimiser les relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays dans leur intérêt réciproque. À noter qu’en gage de bonne volonté, les Chinois avaient déjà retiré leurs troupes de la zone contestée de l’Arunachal pradesh, au Nord-Est de l’Inde.
Mais interviennent aussi des considérations hautement stratégiques. Narendra Modi a réussi à juguler le séparatisme islamique au Kashmir indien et à y rétablir la paix. Il ne souhaite pas que les Chinois vendent au Pakistan des armes légères et mi-lourdes qui se retrouveraient entre les mains des bandes de terroristes.
En échange, il laisse les Chinois libres d’agir à leur guise à Taïwan, malgré les pressions des USA. Ça arrange tout le monde. Avec leurs terroristes ouïghours, les Chinois en ont soupé des mahométans. Et l’Inde peut se passer de l’amitié de Taïwan.
Ainsi, Xi Jinping n’aura pas à se soucier d’un deuxième front à l’Ouest, lorsqu’il se décidera à récupérer Taïwan. Déjà que ce ne sera pas une promenade de santé. Outre le rivage truffé de pièges, et les bunkers à l’intérieur des terres, l’île rebelle est un mélange d’Afghanistan et de Viet Nam.
Du premier, elle se rapproche par ses hautes montages abruptes, ses défilés encaissés, ses grottes. Autant de pièges contre les assiégeants. Au second, elle ressemble par ses jungles tropicales inextricables dans les plaines et sur les petites hauteurs.
L’art de la guerre, travaux pratiques
Ceux qui ont lu l’« Art de la Guerre » de Sun Tzu, comprennent l’état d’esprit des Chinois. Il n’y a rien de déshonorant à régler des conflits mineurs en concluant des armistices, sinon des paix, pour ne pas se laisser distraire de l’objectif principal. En l’occurrence, la reprise de Formose.
Essayer de réunifier la Chine est le seul objectif qui compte pour Xi Jinping. Mais pour cela, il lui faut déminer le champ de bataille. Quelques concessions territoriales pour faire la paix avec l’Inde, proxi américain dans la région afin de libérer des troupes et ne pas avoir à mener deux guerres à la fois.
Par cet accord conclu sous l’égide de Vladimir Poutine, Pékin vient d’enfoncer un coin dans la relation américano-indienne et de s’assurer de la neutralité de New Delhi en cas d’attaque sur Taïwan. Mais c’est dans la logique des BRICS de se dégager partout de l’influence des USA.
Ce n’est peut-être pas un hasard si les exercices militaires autour de Taïwan ont augmenté en nombre et en intensité ces derniers temps, dans la mesure où Pékin se sent libéré de l’hypothèque indienne.
Selon des observateurs de terrain, si la Chine s’engage dans des actions offensives plus importantes pour récupérer Taïwan, il se pourrait que ce ne soit pas une guerre frontale, mais un blocus très dur avec des escarmouches, reproduisant d’une certaine manière les actions des six décennies écoulées avec l’Inde. La patience reste une vertu orientale.
Christian Navis
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1 Commentaire

  1. Et si la Chine, à l’instar de la Corée du Nord, prenait position pour la Russie ?
    Hypothèse envisageable ou non ?