Par Valentin Lebossé Publié le
« L’institution a tellement changé que je ne la reconnais plus. » C’est avec « un goût amer dans la bouche » que François* a quitté lagendarmerie au 1er juin 2024. « J’aurais dû aller au moins jusqu’à mes 50 ans mais la force m’a manquée », explique l’ex-adjudant aux 27 ans de services, dans une publication likée par 300 membres du groupe Facebook privé « GIE : Côté démission ».
Dégradation des conditions de travail, manque de considération de la hiérarchie envers la base, accumulation de réformes controversées… Les échanges qu’Enquêtes d’actu a pu consulter durant plusieurs mois, révèlent un malaise dont nous avons voulu mesurer l’ampleur.
EXTRAITS DE L’ARTICLE CI-DESSOUS. Pour le lire en entier c’est ici
Une tâche pas si aisée, statut militaire oblige. La plupart des gendarmes ayant publié sur le groupe Facebook et que nous avons cherché à joindre, ont décliné nos demandes d’entretien. Sans doute par crainte d’enfreindre leur devoir de réserve et de se voir sanctionné.
Démissions dans la gendarmerie : un groupe Facebook de 22 000 membres
Créé en janvier 2024, GIE : Côté démission est un groupe privé comptant près de 22 000 inscrits. L’équivalent d’un cinquième des effectifs d’active de la gendarmerie. Son administratrice, qui se présente sous le pseudonyme « Ladie Fox », a voulu « créer un groupe d’échange sur le sujet de la démission », après « une menace de suicide » sur un autre groupe de gendarmes – « GIE : côté filles » – dont elle s’occupe. Avec cette idée qu’« il vaut mieux changer de vie plutôt que de la perdre », livre-t-elle à Enquêtes d’actu.
Notre source ne s’attendait pas à une telle affluence en l’espace de quelques semaines. « Ce groupe a du succès parce qu’il protège ses membres : ils peuvent y publier anonymement pour exprimer leur mal-être et s’informer concrètement sur un retour à la vie civile auprès de ceux qui se sont déjà reconvertis. »
« Ce groupe fait du bien au moral, tu te sens moins seul dans tes pensées », témoigne Pierre*. La trentaine bien tassée, ce gendarme mobile (spécialisé dans le maintien de l’ordre) a commencé, « depuis un an », à « chercher un boulot dans le civil ». Cela pour éviter une mutation en gendarmerie départementale qui pourrait le conduire à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile alors qu’avec sa femme, ils ont un enfant en bas âge et ont acheté une maison.
Brigades en « souffrance »
C’est dans les brigades que la « souffrance » est la plus perceptible, selon un sondage interne à « GIE : Côté démission ». Chargées de la surveillance de jour comme de nuit d’une ou de plusieurs communes ainsi que de l’accueil du public, les brigades constituent l’unité de base de la gendarmerie dans son maillage du territoire national.
Leurs effectifs varient (de deux à une cinquantaine de personnels) ; elles peuvent être autonomes (au nombre de 750) ou, pour les plus petites, réunies au sein des communautés de brigades (COB) – on en compte un millier comprenant 2 350 brigades de proximité, rapporte dans un articlele sociologue spécialiste de la gendarmerie, François Dieu.
Auteur d’un post Facebook particulièrement remarqué sur « GIE : Côté démission », l’ex-adjudant François a travaillé une vingtaine d’années « en milieu rural », dans des brigades autonomes et communautés de brigades. Il a quitté la gendarmerie « avec presque dix ans d’avance sur une carrière complète », pour se reconvertir dans le civil. « Je gagnais très bien ma vie en gendarmerie, donc ce n’est pas le salaire qui m’a fait partir. Ce sont les conditions de travail, le manque d’effectifs, l’augmentation de l’activité », explique-t-il.
Pour lui, « les choses ont vraiment changé sous la présidence Sarkozy, avec la fermeture de 175 brigades ». Résultat, moins de gendarmes pour gérer des secteurs plus étendus. Et des hommes parfois mis à rude épreuve. « L’an dernier, ma plus grosse journée de travail a duré 21 heures, relate François. Ce jour-là, une rave party avait mobilisé presque tous les effectifs. Nous n’étions plus que quelques-uns pour couvrir un tiers du département. »
Le DGE, « un point de rupture entre la hiérarchie et la base »
Autre réforme dans son collimateur : le dispositif de gestion des événements (DGE), lancé en 2020. Grâce à un algorithme qui analyse les données issues des interventions passées, le DGE est censé aider le commandement à « optimiser le nombre de patrouilles ‘sur roue’ nécessaire à la gestion des interventions […], tout en limitant les astreintes au strict nécessaire », explique le ministère de l’Intérieur sur son site internet.
« On a pris deux gendarmes par-ci, deux gendarmes par-là, pour créer des patrouilles censées gérer tous les événements sur, en gros, un demi-département, reprend François. Sauf qu’on n’était pas assez nombreuxpour cela. À prendre des effectifs dans chaque brigade, on s’est tous retrouvés avec six mois de retard dans nos procédures courantes ! »
« Pour avoir suivi une patrouille de ce dispositif un soir, ce n’est vraiment pas quelque chose qui suscite l’enthousiasme des troupes », abonde Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP).
Le sociologue y voit même « un point de rupture entre la hiérarchie et la base ; c’est très net dans les entretiens que j’ai pu mener. Pour la base, c’est une charge inutile par rapport au système d’astreinte : ‘On se retrouve sur le terrain de nuit, il ne se passe pas grand-chose et ça perturbe notre rythme.’ En revanche, pour la hiérarchie, c’est une manière d’occuper la voie publique 24 heures sur 24, ça fait partie d’une réponse à des objectifs gouvernementaux ».
« Beaucoup de transformations qui créent de l’instabilité »
« Pas gérable » selon l’ex-adjudant François, le DGE a été remplacé dans son département par la mutualisation des astreintes de nuit : « De 19 heures à 8 heures, le personnel d’astreinte gère toutes les interventions dans sa brigade mais aussi dans la brigade d’à-côté. » Soit un secteur d’intervention qui double en taille et triple en population : « Pour ma communauté de brigades, on passait de 8 500 habitants sur environ 420 km² le jour, à 24 000 habitants sur 850 km² la nuit. »
Conséquence, François et ses collègues étaient réveillés plus souvent la nuit. « Vous n’arrêtez pas de faire des allers-retours, avec des temps de trajet disproportionnés. On manque de sommeil et avec l’âge, la récupération physique est de plus en plus longue. »
On est confronté quotidiennement aux malheurs des victimes, aux suicides, aux accidents, aux violences intrafamiliales – les incestes, les viols – avec ce sentiment un peu amer que tous les jours, pour effectuer son travail, on rame, c’est compliqué.
À la tête d’une association qui défend « les intérêts matériels et moraux des gendarmes », David Ramos identifie « un phénomène soit d’épuisement professionnel, soit de désenchantement », notamment chez les gendarmes de plus de 40 ans.
« La gendarmerie que vous avez connue à 20 ans, ce n’est plus celle d’aujourd’hui. Vous avez beaucoup de transformations qui créent de l’instabilité ; des réformes juridiques, matérielles auxquelles des gendarmes ont du mal à s’adapter parce qu’elles contiennent des injonctions contradictoires : ils doivent être beaucoup plus présents sur le terrain et en même temps traiter beaucoup plus de procédures », analyse le président de l’Association professionnelle nationale des militaires de la Gendarmerie du XXIe siècle (APNM GendXXI).
« L’hôpital avec 15 ans de retard »
En outre, « le métier est en train de changer, c’est beaucoup plus violent », ajoute David Ramos. De fait, les agressions physiques et verbales envers les gendarmes ont progressé de 88 % en dix ans pour atteindre, en 2022, 7 472 faits (dont 1 778 avec arme), selon l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).
Par ailleurs, David Ramos soulève « un gros point noir » : l’immobilier. « La sous-dotation pour l’entretien immobilier, ce sont des décennies de déficits. De plus en plus de gendarmes logent leur famille en dehors des casernes, et ce, de plus en plus tôt, parce que les logements soit ne sont pas adaptés, soit sont indignes (moisissures, passoires thermiques). »
Un constat appuyé par la Cour des comptes. Dans son analyse du budget « sécurités » 2023, l’instance souligne que le patrimoine immobilier de la gendarmerie se trouve « dans un état dégradé » et qu’il pâtit de crédits d’entretien « insuffisants », « ce qui nuit aux conditions de travail des personnels ».
[…]
« Tous ces cris d’alerte ont été remontés mais ils n’ont pas été entendus », confie à Enquêtes d’actu un ancien conseiller concertation (sorte de représentant de personnel) qui requiert l’anonymat.
Sur la dégradation du service public, la gendarmerie c’est l’hôpital avec 15 ans de retard : on est en train de voir que le bateau coule, on le signale, mais non, on continue de prendre des décisions ubuesques.
« On reste fier d’être gendarme »
De son côté, Pierre, le gendarme mobile, refuse de « cracher entièrement sur l’institution parce qu’on reste tous fiers d’être gendarmes, de servir la population ». Une nuance reprise par l’ex-adjudant François : « C’est avec beaucoup de regrets que j’ai décidé de partir. J’ai fait ce choix difficile en pensant d’abord à ma santé, ma famille. » Et celui-ci de prévenir : « Quand ils m’ont vu partir, mes collègues de brigade ont dit qu’ils n’iraient pas non plus jusqu’à la limite d’âge. »
On se dit qu’en quittant la gendarmerie, la hiérarchie va se rendre compte qu’on ne disait pas que des conneries !
[…]
*Prénoms modifiés à la demande des intéressés
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Comme les infirmières qui quittent l’hôpital après l’épisode vaccin obligatoire et suspension de salaire.
Comme les enseignants, confrontés à l’absence de soutien de la hiérarchie, en cas de problème avec l’immigration.
Le problème : la peur d’être sanctionné !
Bonjour,
La hiérarchie n’en a rien à faire des préoccupations des gendarmes du terrain. Le rapport sur le moral a toujours été édulcoré. Pour l’officier carriériste, voire à haut potentiel c’est « pas d’emmerde, mon avancement, mes médailles et pour certains mes étoiles.
Cela commencerait-il comme cela ?! L’avant -Garde, les milices de l’État. Un exemple : ODESSA:
•► Presque toutes les nuits à Odessa, les voitures du TTS et de l’armée sont incendiées
■ Le pouvoir est imposé aux Russes à Odessa. Viennent ensuite Kyiv et Dnepropetrovsk : partisans, résistance, SBU || Yuriy KOUTENOK(1) | 25/09/2024
…
§. Le SBU a annoncé : « Prise du pouvoir » à Odessa
…/…
○ NEWS KIEV.•• : https://tinyurl.com/4asb5jkf
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1) Yuriy KOUTENOK : Correspondant militaire, rédacteur en chef du portail Segodnya.ru, chroniqueur et rédacteur en chef du service d’information et d’analyse du Donbass.
→Ses articles : https://tinyurl.com/43c7n92s
La République Française 2024, le pays où les enfants, les policiers, les gendarmes et tant d’autres se suicident.
Mais veautez pour moi n’hésitent jamais à dire grand sourire aux lèvres, les politicards indignes qui ont tous exercé le pouvoir.
Ces gendarmes désabusés pourront être des leaders militaires pour les patriotes actifs quand la guerre civile commencera.
Un site informatif à consulter, en plus de Place d’Armes : Profession gendarme
https://www.profession-gendarme.com/
Les retraités pauvres se suicident, dans l’indifférence générale. À partir de 65 ans qui est l’âge de départ réel.
comme je les comprends!!!
Et puis, peut-être qu’à force d’obtempérer aux ordres de la Macronie, ils ont fini par être écoeurés ?
Ensuite ils seront remplacés par des migrants, qu’on aura naturalisés, peu regardant sur les conditions de travail et qui seront à la botte de l’Etat sinon deviendront OQTF réels ceux-là.