Bouchons solidaires : faudra-t-il les arracher ?

A la veille de l’ouverture des Jeux Paralympiques, une association n’est pas contente : “Les bouchons d’amour”. Née en 2005 à Mortagne au Perche (Orne), cette association de bénévoles collecte les bouchons et les vend à la société SULO, spécialisée dans le recyclage.

https://www.bouchonsdamour.com/

Logo - Les Bouchons d'Amour

Elle est parrainée par Perle Bouge et Paulin Riva, qui participeront aux Jeux Paralympiques de Paris 2024.

Les recettes servent à financer du matériel pour personnes handicapées. Une initiative intelligente et propre comme il devrait y en avoir des milliers !

C’était sans compter sur les Khmers Verts de l’Union Européenne qui ont eu la mauvaise idée de pondre la Directive n° 2019/904 dite SUP (Single Use Plastics) obligeant les fabricants de boissons non alcoolisées à attacher les bouchons au corps du container en plastique (point 17 de la Directive).

Com’ oblige : les « bouchons d’amour » sont devenus les « bouchons solidaires » avec la bénédiction de  toute la presse mainstream qui a unanimement salué cette mesure écolo, tuant dans l’œuf toute critique.

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32019L0904

Du coup, l’association voit son activité menacée. Mais au-delà de cet aléa regrettable, le problème est plus grave. Chacun sait que la plupart des bouteilles à usage unique en plastique sont en PET (polyéthylène téréphtalate), un polymère de condensation de qualité, qui peut être réutilisé par exemple pour faire des fibres textiles polyester.  Il est racheté 800 € la tonne. Les bouchons quant à eux sont en polyéthylène ou en polypropylène, des matériaux de moindre qualité qui se recyclent aussi, mais pour des usages différents (équipements, jouets…) pour 200 € la tonne. Plus légers que l’eau, ces matériaux flottent !

Solidariser physiquement ces deux plastiques, aux propriétés physicochimiques différentes, ne peut que compliquer le recyclage, car il faudra bien les séparer à un moment donné ! Mais les fonctionnaires de l’Union européenne, dont la culture scientifique est souvent proche du zéro absolu, ne semblent pas l’avoir compris. Il fallait dit-on : “éviter que les bouchons ne soient abandonnés sur les plages et éviter la dispersion de petits morceaux de plastique dans l’environnement“. La belle affaire ! Cachez ces plastiques que je ne saurais voir !

Personne ne contestera qu’il faille limiter la consommation excessive de plastique dans le monde (15 milliards de bouteilles par an) et accroître le taux de recyclage desdits plastiques. Mais la mesure prise par l’Union européenne y contribue-t-elle vraiment ? Il est permis d’en douter !

Depuis le 3 juillet dernier, date du caractère obligatoire de la mesure, l’affaire des bouchons a pris le devant de la scène. On apprend que Tetrapak a été contraint d’investir 100 millions d’euros pour adapter ses chaînes de production aux nouvelles contraintes. Bien entendu, cette dépense sera répercutée sur le consommateur, ou sur le contribuable, via les subventions versées aux entreprises.

Selon ELIPSO (association professionnelle des fabricants d’emballages plastiques en France), une étude, confiée à la société d’audit britannique PwC (PricewaterhouseCoopers) par l’UNESDA (qui représente l’industrie européenne des boissons non alcoolisées), estime que les fabricants devront débourser entre 2,7 et 8,7 milliards d’euros, pour « développer le bouchon attaché » !

Un investissement qui pourrait être utilisé pour encourager d’autres priorités environnementales  comme le financement  de centres de collecte professionnels ou de la modernisation des filières de recyclage…

https://www.elipso.org/wp-content/uploads/2023/12/Bouchons-solidaires-2023.pdf

https://www.usinenouvelle.com/article/les-bouteilles-et-leurs-bouchons-vont-devenir-inseparables-et-c-est-un-defi-pour-les-fabricants.N891994

Une question se pose sur la légalité de cette directive : en effet, une « directive » est un acte du Conseil des ministres de l’Union européenne. Mais le Parlement européen peut participer à l’élaboration d’une directive, dans le cadre d’une procédure dite de codécision. Selon l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, « la directive est un acte normatif qui lie tout État membre quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».

Le “résultat” annoncé est clairement affiché : “réduire l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement“. Attacher les bouchons aux bouteilles n’est qu’un moyen pour y parvenir (tout autant que  favoriser la collecte de bouchons). En faire une injonction impérative aux Etats membres qui se voient privés de toute liberté d’appréciation et de marge de manœuvre relève de l’excès de pouvoir. Il est donc légitime de s’interroger sur la légalité d’une telle obligation. D’ailleurs, en quoi cette obligation contribue-t-elle à la lutte contre la prolifération des plastiques à usage unique, on se le demande !

Et ce n’est pas la première fois que les autorités européennes font du forcing ! Nous imposera-t-on bientôt la manière de faire pipi ! On ne peut que comprendre la position de Florian Philippot lorsqu’il dit qu’il faut sortir le plus vite possible de ce “machin” qu’est devenue l’Union européenne et dont le général De Gaulle avait pressenti les dangers !

En signe de protestation  reprenons la consigne de Guy Marquillie, président de l’Association “Bouchons d’Amour ” : « Arrachez-les ! ». Non parce qu’une association de bienfaisance est menacée, ce qui est toujours regrettable, mais parce qu’on a affaire à un non-sens politique, économique et industriel. Et foutons la paix au recyclage caritatif !

Hector Poupon

https://ripostelaique.com/bouchons-solidaires-faudra-t-il-les-arracher.html

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2 Commentaires

  1. De vrais bouchons de merde! Si ils veulent qu’il y est moins de plastique, revenons, lorsque cela est possible, à la consigne de bouteilles en verre.