En Allemagne aussi, la censure bat son plein !!!

Magazine « Compact » :

Comment peut-on interdire des magazines ?

Jan Henrich

Entre démocratie combative et liberté de la presse : l’interdiction du magazine « Compact » classé d’extrême-droite déclenche des discussions. Une classification juridique.

Le ministère de l’Intérieur a interdit le magazine d’extrême-droite du publiciste Elsässer. La direction de la sécurité du territoire surveille depuis des années les publications du magazine.

Jürgen Elsässer, le rédacteur en chef de le revue Compact interdite ce jour par le ministre fédéral de l’Intérieur, Nancy Faeseer (SPD), a toujours été plus qu’un publiciste. Lui-même s’est toujours compris comme un homme politique pour qui le journalisme n’est qu’un moyen d’arriver à ses fins. Une « différence importante par rapport aux autres médias », selon l’argumentaire d’Elsässer, serait la suivante : « Nous voulons simplement renverser le régime ». Mais quelqu’un qui veut abolir le « régime » (en Allemagne, donc la démocratie) et cherche fiévreusement à provoquer ce renversement par la plume, ne doit pas s’étonner si le Gouvernement fédéral élu démocratiquement a compris à un moment ou à un autre le message – et réagit. « Combative » appelle-t-on cela volontiers. Un Etat de droit résilient, robuste n’est-ce pas ce qui est réclamé partout par les temps qui courent ?

L’organisation serait dirigée contre l’ordre constitutionnel, voilà la phrase capitale par lequel le ministère de l’Intérieur justifie l’interdiction du magazine « Compact » classé d’extrême-droite et de la société de production de vidéos qui en fait partie. Tôt le matin, des forces d’intervention avaient perquisitionné des logements et locaux commerciaux attribués au magazine ou à ses cadres.

Concernant l’interdiction de la société d’extrême-droite « COMPACT-Magazin GmbH », le ministre Nancy Faeser dit ceci : « Notre interdiction est un sérieux coup porté à la scène d’extrême-droite ».

Ce n’est pas la première fois qu’un organisme médiatique est interdit en Allemagne avec cette justification. Pourtant, l’affaire soulève des questions : où se situent les limites de la liberté de presse et jusqu’où vont les instruments de la démocratie combative ?

Droit associatif à titre de sésame pour une interdiction

La liberté de presse est un bien majeur et un des piliers de notre constitution. Cela vaut aussi pour les créations de la presse en marge du discours démocratique. Raison pour laquelle les interdictions de journaux ne sont pas prévues par la loi, du moins pas expressément. Le ministère de l’Intérieur base sa mesure de ce jour sur un instrument de la démocratie combative dans le droit associatif.

Les associations dont l’objet ou l’activité sont contraires à l’ordre constitutionnel ou à l’idée de l’entente entre les peuples, sont susceptibles d’être interdites. À cet égard, le terme « association » est à comprendre dans un sens très large. Il ne s’agit pas uniquement des associations enregistrées. Cela porte également sur des fusions ou des organisations informelles, ou même sur des entreprises médiatiques.

En cas de transgression d’une interdiction, des peines pécuniaires ou pénales sont encourues

La conséquence d’une telle interdiction est dans un premier temps l’interdiction de poursuivre l’activité en question et la mise sous séquestre du capital de l’association. Cela concerne entre autres le revue « Compact-Magazin » publiée par l’entreprise concernée, le canal vidéo en ligne « Compact-TV » ainsi qu’un magasin en ligne.

Les logos de « Compact-Magazin GmbH » et de « Conspect Film GmbH » figurent également sur la liste des marques commerciales interdites. De plus, il est interdit de fonder des organisations prenant la succession ou des organisations de remplacement.

Quiconque transgresse ces interdictions risque une sanction pénale. L’article 20 de la loi associative prévoit des peines de prison allant jusqu’à un an ou bien des sanctions pécuniaires. S’il s’agit d’associations incontestablement interdites, la peine peut encore s’avérer supérieure.

L’AfD reproche un abus de compétences à Faeser

La procédure fait l’objet de critiques, entre autres de la part de l’AfD. Les porte-parole du parti à l’échelle fédérale, Tino Chrupalla et Alice Weidel, reprochent au ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, d’abuser de ses compétences avec cette interdiction du magazine « Compact » en vue de réprimer toute couverture critique d’un événement.

Le ministère de l’Intérieur par contre voit les conditions juridiques pour une interdiction remplies.  La mesure aurait été précédée par une préparation intensive. Il est dit dans une communication que les entreprises faisant partie du magazine « Compact » propageraient une image populo-nationaliste de la société, s’acharneraient contre la démocratie parlementaire et attiseraient la haine contre les Juifs.

Il est possible que l’interdiction fasse l’objet d’un contrôle juridique. Dans ce cas, tout relèverait de la compétence de la Cour administrative fédérale et au bout du compte de la Cour constitutionnelle.

Des précédents juridiques existent déjà

La mesure prise aujourd’hui par le ministère de l’Intérieur ne constitue toutefois pas un cas isolé. Avec le recours au droit associatif, d’autres organisations médiatiques avaient déjà été interdites dans le passé. Entre autres la plate-forme Internet « Altermedia Deutschland ».

Dernièrement, l’interdiction du fonctionnement de la plate-forme en ligne d’extrême-gauche « linksunten.indymedia » avait déjà provoqué des discussions. Le ministère fédéral de l’Intérieur avait interdit la plate-forme en août 2017 après des querelles en marge du sommet G20 à Hambourg.

Jan Henrich est membre du personnel de la rédaction « Droit et Justice » de ZDF.

Traduction de Jean Schoving pour Résistance républicaine

https://www.zdf.de/nachrichten/politik/deutschland/compact-verbot-rechtliche-einordnung-100.html

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