Pourquoi l’AfD récuse l’équipe nationale d’Allemagne

Traduction du média Deutsche Welle (DW)

Pourquoi l’AfD récuse l’équipe nationale d’Allemagne

Andreas Sten-Ziemons

Lors de l’EURO 2024 de football, il y a aussi de nombreux politiciens qui se montrent des supporters de l’équipe nationale allemande. Certains membres de l’AfD constituent par contre une exception, pour eux l’équipe de la DFB est trop woke, trop variée et pas assez allemande.

Neuf joueurs de l’équipe allemande actuelle ont des racines étrangères – ce qui déplaît à quelques politiciens de l’AfD

En principe, Karl Lauterbach est toujours présent dans les tribunes. Le ministre fédéral de la Santé était dans le stade lors du deuxième match préliminaire de l’équipe nationale allemande de football à Stuttgart contre la Hongrie, lors de la troisième rencontre du tour préliminaire à Francfort contre la Suisse et aussi lors de la victoire en huitième de finale face au Danemark.

Le politicien du parti social-démocrate allemand (SPD) a posté à chaque fois quelques selfies sur X. On pouvait reconnaître à ses côtés, en ordre dispersé, d’autres membres du gouvernement fédéral, tels le Chancelier, Olaf Scholz, le ministre des Affaires Étrangères, Annalena Baerbock ou bien le ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser.

Le ministre de l’Intérieur, Baerbock utilise elle aussi régulièrement Twitter à propos de l’EURO et de l’équipe nationale, au même titre que Faeser. Le Chancelier fédéral Scholz se tient plutôt à l’écart sur les réseaux sociaux, mais est interviewé de temps à autre à propos de l’équipe de la DFB et de ses impressions et attentes de la part de la Mannschaft, et on peut en comprendre que son enthousiasme pour l’équipe de football est peut-être supérieur à ses connaissances techniques en football.

Mais globalement, les hauts responsables politiques d’Allemagne se rangent du côté de l’ambiance qui règne à l’heure actuelle dans le pays : l’EURO de football est un sacré événement, l’humeur qui règne est formidable, on se réjouit de voir des visiteurs venant d’Écosse, des Pays-Bas et d’autres nations participantes fêter pacifiquement et on se fête aussi soi-même ainsi que l’équipe d’Allemagne.

Effectivement, l’espoir d’un nouveau conte estival s’est un peu concrétisé, ils connaissent également la réussite sportive, les zones de supporters sont pleines à craquer, partout flottent des drapeaux de l’Allemagne. Seul le mauvais temps freine parfois les supporters allemands.

Récusation de l’équipe nationale dans certaines parties de l’AfD

Il en va par contre tout à fait différemment du côté de l’enthousiasme pour l‘équipe nationale d’Allemagne chez de nombreux politiciens du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD. L’AfD est un parti populiste de droite et en certains points même un parti d’extrême-droite. Il est particulièrement puissant dans l’Est de la République fédérale. Il a été le grand gagnant aux élections européennes.

L’AfD mène bataille pour des réglementations plus sévères en matière d’asile et d’immigration, son image de la famille et de la société est conservatrice et il soutient plutôt le côté russe dans la guerre de conquête de la Russie contre l’Ukraine.  

Chez certain hauts responsables politiques de l’AfD règne manifestement peu de compréhension à l’égard de l’équipe d’Allemagne, qu’ils trouvent trop peu blanche, pas assez allemande, trop « woke » [woke = éveillé, utilisé en langage courant pour désigner la prise de conscience des problèmes liés à la discrimination de minorités, N.d.R.] et trop diversifiée.

Maximilian Krah, le candidat de pointe de l’AfD aux élections européennes, a qualifié l’équipe allemande avant le début de l’EURO sur TikTok de « troupe de mercenaires politiquement correcte ». L’EURO lui indifférerait. « C’est l’équipe arc-en-ciel, l’équipe vaniteuse », a-t-il dit. « Nous pouvons l’ignorer ».

Björn Höcke, chef du groupe parlementaire de l’AfD en Thuringe, le Land d’Allemagne de l’Est, s’est prononcé pendant l’EURO dans l’hebdomadaire suisse « Weltwoche » contre un football, « duquel gicle une idéologie arc-en-ciel de chaque pore ». Il aurait vécu le titre de champion du Monde en 1990 en Italie et le Mondial à domicile en 2006 comme des « moments de bonheur ». « Aujourd’hui je ne peux plus m’identifier à notre équipe nationale », dit Höcke.

Sélection pour l’EURO, une image de la société

Effectivement, certains joueurs ayant également des racines étrangères participent à cet EURO pour l’AllemagneJonathan Tah a une mère allemande, son père est originaire de la Côte d’Ivoire. Benjamin Henrichs est fils d’un père allemand et d’une mère venant du Ghana. Antonio Rüdiger a un père allemand, sa mère vient du Sierra Leone. Le capitaine, Ilkay Gündogan, Emre Can et Deniz Undav ont des racines turques, Waldemar Anton des racines russes. Le père de Leroy Sané vient du Sénégal, le père de Jamal Musiala du Nigéria.

L’équipe de la Fédération DFB est ainsi le miroir de la société allemande et fondamentalement aussi diversifiée que la plupart des groupes moyens des jardins d’enfants ou des classes scolaires ici en Allemagne. L’Allemagne compte presqu’exactement 84 millions d’habitants, quelque 25 millions ont une origine migratoire et autour de 15 pour cent de la population n’ont pas la nationalité allemande.

Cela déplaît à beaucoup de membres et sympathisants de l’AfD et également à d’autres personnes en Allemagne, qui ne votent pas obligatoirement pour l’AfD. Ces gens sont sceptiques à l’égard de tout ce qui est étranger et le refusent, ils craignent dorénavant les désavantages économiques et sociaux par suite d’une d’immigration excessive. D’autres sont encore plus extrémistes et ouvertement xénophobes. Régulièrement, les commentaires ont la même teneur sur les réseaux sociaux quand des joueurs noirs comme Tah, Rüdiger, Sané ou Henrichs apparaissent dans des messages postés. Des insultes racistes sont à l’ordre du jour

Fierté ou refus ?

Le sondage était l’œuvre d’un institut renommé de sondages d’opinions sur demande du Westdeutscher Rundfunk et avait été présenté dans le cadre de la documentation « Unité et droit et multitude ». La quote-part des réponses positives était particulièrement élevée chez les électeurs de l’AfD avec 47 pour cent. Au plus tard depuis cette date, on discute beaucoup de la récusation de l’équipe de la DFB par de nombreux partisans de l’AfD.  

Les critiqueurs de l’équipe d’Allemagne vont-ils tourner casaque si elle décroche vraiment le titre ? « Je suis quasiment prêt à parier que les auto-nommés patriotes, l’AfD, prient presque quotidiennement pour que l’équipe nationale soit éjectée », a dit la personnalité politique de la CDU, Serap Güler quelques jours avant les huitièmes de finale de l’équipe d’Allemagne dans le débat télévisé « Markus Lanz ». Güter est née et a grandi en Allemagne comme enfant de travailleurs immigrés turcs. « Pour que nous puissions dire : « Voyez, nous l’avons bien dit, ce ne sont pas de vrais Allemands. C’est pourquoi, nous avons été sortis’ »

Il sera effectivement intéressant de voir comment vont réagir les partisans de l’AfD, si jamais l’équipe allemande décrochait finalement le titre de l’EURO et serait effectivement sacrée championne d’Europe. La fierté d’être meilleure nation footballistique sera-telle prédominante, ou quand même le rejet des « joueurs étrangers » à la « mauvaise couleur de peau » et « à l’opinion politique trop woke », qui y ont contribué sur le terrain ?

Traduction par  Jean Schoving pour Résistance républicaine

https://www.dw.com/de/warum-die-afd-deutschlands-nationalmannschaft-ablehnt/a-69519121

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