Honneur aux dames (2)

(Illustration : non, ce n’est pas une image issue de Jurassic Park, mais un iguane photographié, par votre serviteur, à la marina d’Oyster Pond à Saint-Martin. Cette marina a été entièrement détruite après l’ouragan Irma en septembre 2017, mais lors de son dernier passage sur l’île, notre futur ex Darmanin a promis qu’elle serait reconstruite, sans préciser l’année).

Pour ce deuxième article « Honneur aux dames », je ne vais pas proposer des chefs ou compositeurs féminins, mais des œuvres comportant des noms de femme et on commence tout de suite avec une fée de l’eau : Mélusine. L’ouverture de concert, nommée La belle Mélusine, fut composée en 1834 par Félix Mendelssohn.

https://www.youtube.com/watch?v=rxVVoolAPMo

En 1829, pour le grand prix de Rome, Hector Berlioz écrit une cantate pour soprano et orchestre, Cléopâtre appelée à tort La mort de Cléopâtre, même si elle se suicide à la fin. Cette cantate fut exécutée devant le jury le 1er août 1829. La soprano prévue étant prise, elle fut remplacée par sa sœur qui massacra l’œuvre et Berlioz n’obtint pas le prix de Rome. Avant d’écouter la version avec Véronique Gens, je vous propose le livret, en effet les paroles ne sont toujours pas faciles à comprendre :

C'en est donc fait! ma honte est assurée.
Veuve d'Antoine et veuve de César,
Au pouvoir d'Octave livrée,
Je n'ai pu captiver son farouche regard.
J'étais vaincue, et suis déshonorée.

En vain, pour ranimer l'éclat de mes attraits,
J'ai profané le deuil d'un funeste veuvage;
En vain, en vain, de l'art épuisant les secrets,
J'ai caché sous des fleurs les fers de l'esclavage;
Rien n'a pu du vainqueur désarmer les décrets.
A ses pieds j'ai traîné mes grandeurs opprimées.
Mes pleurs même ont coulé sur ses mains répandus,
Et la fille des Ptolémées
A subi l'affront des refus!
Ah! qu'ils sont loin ces jours, tourment de ma mémoire,
Où sur le sein des mers, comparable à Vénus,
D'Antoine et de César réfléchissant la gloire,
J'apparus triomphante aux rives du Cydnus!

Actium m'a livrée au vainqueur qui me brave;
Mon sceptre, mes trésors ont passé dans ses mains;
Ma beauté me restait, et les mépris d'Octave
Pour me vaincre ont fait plus que le fer des Romains.
Ah! qu'ils sont loin ces jours, etc.

Mes pleurs même ont coulé sur ses mains répandus,
J'ai subi l'affront des refus.
Moi !... qui du sein des mers, comparable à Vénus,
M'élançai triomphante aux rives du Cydnus!

Au comble des revers, qu'aurais-je encore à craindre?
Reine coupable, que dis-tu?
Du destin qui m'accable est-ce à moi de me plaindre?
Ai-je pour l'accuser les droits de la vertu?

J'ai d'un époux déshonoré la vie.
C'est par moi qu'aux Romains l'Égypte est asservie,
Et que d'lsis l'ancien culte est détruit.
Quel asile chercher? Sans parents! sans patrie!
Il n'en est plus pour moi que l'éternelle nuit!

Méditation

Grands Pharaons, nobles Lagides,
Verrez-vous entrer sans courroux,
Pour dormir dans vos pyramides,
Une reine indigne de vous?
Non!.. non,  de vos demeures funèbres
Je profanerais la splendeur!
Rois, encor au sein des ténèbres,
Vous me fuiriez avec horreur.
Du destin qui m'accable est-ce à moi de me plaindre?
Ai-je pour l'accuser le droit de la vertu?
Par moi nos dieux ont fui d'Alexandrie,
Et d'lsis le culte est détruit.
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Vous me fuiriez avec horreur!
Du destin qui m'accable est-ce à moi de me plaindre?
Ai-je pour l'accuser le droit de la vertu?
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Verrez-vous entrer sans courroux,
Pour dormir dans vos pyramides,
Une reine indigne de vous?
Non, j'ai d'un époux déshonoré la vie.
Sa cendre est sous mes yeux, son ombre me poursuit.
C'est par moi qu'aux Romains l'Égypte est asservie.
Par moi nos dieux ont fui les murs d'Alexandrie,
Et d'Isis le culte est détruit.
Osiris proscrit ma couronne.
A Typhon je livre mes jours!
Contre l'horreur qui m'environne
Un vil reptile est mon recours.
Dieux du Nil... vous m'avez... trahie!
Octave... m'attend... a son char.
Cléopâtre en... quittant... la vie,
Redevient digne de... César !

https://www.youtube.com/watch?v=Ma70ZMx-4Bs

On retrouvera le thème de la méditation plus tard dans le chœur d’ombres extrait de Lélio ou le retour à la vie :

https://www.youtube.com/watch?v=zpQxq1MfJ5E

Difficile de passer à côté de La lettre à Lise, composée par Beethoven en 1810 mais en fait cette bagatelle s’appellerait plutôt Für Therese (à Thérèse), prénom que portaient deux femmes qui comptèrent énormément dans la vie du compositeur.

https://www.youtube.com/watch?v=s71I_EWJk7I

Francesca da Rimini, fantaisie symphonique d’après La divine comédie de Dante a été composée par Tchaïkovski entre octobre et novembre 1876 lors de son séjour à Bayreuth. On ne le sait pas forcément, mais Tchaïkovski fut aussi critique musical et à ce titre avait été chargé de donner son point de vue sur la Tétralogie. Bien que le compositeur russe détestât Wagner « Quel bouffon, ce Wagner », la critique qu’il a faite du cycle L’anneau des Nibelungen est très objective, je l’ai d’ailleurs lue. Mais revenons à Francesca da Rimini. Je vais me référer à l’article de Wikipédia :

« L’œuvre commence par une longue introduction lente, presque chorale, censée décrire le paysage désolé de l’Enfer et plus particulièrement, le second cercle.

Soudain, un vent (fusées de cordes et de bois) commence à s’animer et à souffler : Dante est arrivé à l’enceinte où sont condamnées « les ombres charnelles ayant asservi la raison aux plaisirs des sens » dont le châtiment éternel est d’être sans cesse aspirées dans des tornades démoniaques qui les projettent violemment contre les parois de l’enceinte.

Tout à coup, une tornade en furie (avec des glaçantes fanfares de cuivres soutenues par le reste de l’orchestre) se déchaîne près de Dante qui aperçoit à travers la foule coupable et le vent déchaîné Francesca et son amant Paolo. Il les invite à le rejoindre pour qu’elle conte ses malheurs.

La tempête se calme peu à peu et Francesca narre son amour « coupable » : mariée à un homme brutal, elle chercha consolation auprès de son ami cher. Mais son mari survint au moment où il l’embrassait. Fou de colère, il assassina l’infidèle et son amant, qui pour avoir forfait au mariage, furent condamnés à ce terrible châtiment. Ce passage est décrit par de longues mélodies lyriques et une délicate orchestration, interrompues par le coup de poignard fatal.

Mais la tempête se lève de nouveau et aspire les deux amants maudits, avec une violence accrue. Dante, écrasé par le chagrin et par l’ouragan qui atteint une force infernale inouïe, s’évanouit « E caddi come corpo morto cade » tandis que Francesca et Paolo sont de nouveaux emportés vers leur supplice éternel, dans une ravageuse coda d’une terrifiante férocité ».

« Terrifiante férocité » : le mot est faible, la première fois que j’ai écouté l’œuvre, j’étais littéralement collé à mon siège lors de l’orgie sonore finale ! Voici une première version, sans aucun doute la meilleure :

https://www.youtube.com/watch?v=wlDvvbcH_Vw

La même œuvre, mais cette fois avec la vidéo de l’orchestre :

https://www.youtube.com/watch?v=6pVdJvjYOMA

Retour à Beethoven avec…encore une ouverture ? Oui mais c’est celle de Leonore 1. L’unique opéra du maître de Bonn est devenu Fidelio, donc Leonore 1 n’avait plus de raison d’être :

https://www.youtube.com/watch?v=0pfn_QWF9Uo&t=308s

Les joyeuses commères de Windsor est un opéra d’Otto Nicolaï. Ce n’est pas l’ouverture que je vous propose mais le très beau chœur Mondaufgang (lever de Lune).

https://www.youtube.com/watch?v=0gQyizgomwE

Je vais terminer avec Brahms et un extrait de son Requiem allemand. Ce passage a été écrit par le compositeur en hommage à sa mère qui venait de décéder. La voix sublime de Gundula Janowitz accompagnée du maestro Herbert von Karajan nous amène au paradis :

https://www.youtube.com/watch?v=RdUPcTsRTcE

QUE DEVIENNENT NOS IGUANES ?

C’est l’heure du repas. Remarquez comme le plus petit des trois rythme bien la musique avec sa tête !

Au cours des deux prochains articles je rendrai hommage à Smetana dont nous célébrons le bicentenaire de sa naissance

Filoxe

 

 

 

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2 Commentaires

  1. Merci Filoxe pour la video de ces fabuleux iguanes! Pour revenir à nos mammifères, comme tu as parlé des cantates de Rome de H Berlioz, je mets ici le lien de la troisième : « Herminie », dans une version V.Gens pour rester dans la même sensibilité. Bonne fin de semaine.
    https://youtu.be/9XV59bwwnWc?feature=shared

    • Merci pour ce lien qui m’a fait découvrir une œuvre. Berlioz n’a toujours pas trouvé sa place auprès des mélomanes français et c’est bien dommage.
      Bon week-end.

Les commentaires sont fermés.