Affaire Brichel : j’étais au procès de Natacha Rey et d’Amandine Roy

Parmi les audiences qui resteront dans les annales, il y aura celle qui s’est tenue mercredi 19 juin 2024 à la dix-septième chambre du tribunal correctionnel de Paris. Brigitte Macron et le mystérieux Jean-Michel Trogneux avaient porté plainte pour diffamation à l’encontre de la journaliste Natacha Rey et d’Amandine Roy, en sa qualité de directeur de publication. Cette dernière avait invité Natacha Rey sur son blog, AmandinelachaineTV, pour communiquer sur les incohérences de la biographie officielle de Brigitte Trogneux, maintes fois remaniée : une vidéo de 4 heures, mise en ligne le 10 décembre 2021 et retirée depuis.

Atteinte d’un cancer, Natacha Rey n’a pu se présenter à l’audience.

Photo crédit Le média 4-4-2

Elle était représentée par son conseil, maître François Danglehant, avocat indépendant, connu pour être un              « trublion du Palais » et pour avoir connu quelques démêlés avec l’Ordre des avocats.

https://www.dalloz-actualite.fr/flash/me-francois-danglehant-je-ne-tire-pas-des-coups-de-pistolet-moi-je-fais-de-procedure

Amandine Roy, présente à l’audience, avait pour conseil maître Maud Marian.

Photo crédit Crowdbunker

À 14 heures, la salle habituelle était comble, mais il a fallu attendre 16 heures pour que l’audience commence et se farcir en silence le procès d’une gauchiste, qui avait incité au meurtre de policiers et au pillage des magasins, lors des émeutes de juin-juillet 2023… Son avocat demande la relaxe au nom du “droit à exprimer sa haine, compte tenu du climat de violence sociale” et le procureur demande quatre mois de prison avec sursis et un “stage de formation contre la haine numérique“. Tout est dit !

Lorsque l’audience de l’affaire Brigitte Trogneux commence, aucun journaliste de la presse mainstream n’est ostensiblement présent. Un hasard ?

Petite parenthèse : dans cette affaire, parmi les journalistes, il y a ceux qui préfèrent garder le silence et ceux qui tentent de se faire un nom mais tout en s’affichant dans le camp du Bien. C’est le cas d’Emmanuelle Anizon (d’ailleurs venue à l’audience) et qui a publié chez Babelio “L’affaire Madame : quand la première dame de France devient un homme, anatomie d’une fake news. Tout est dit ! Sur Europe 1, en mars 2024, elle était l’invitée de Dimitri Pavlenko, qui la présente comme « grand reporter au Nouvel Observateur ». Celui qui doit sa notoriété journalistique à Christine Kelly et Éric Zemmour semble acquiescer aux propos de son invitée qui ne manque pas de classer Natacha Rey dans le camp des complotistes. Preuve en est : elle était sympathisante des Gilets jaunes et s’insurgeait contre la tyrannie vaccinale !

Mais contrairement à mesdames Rey et Roy, nos journalistes experts ne seront jamais inquiétés pour leurs opinions !

 

Aucun des plaignants n’est présent. L’audience durera sept heures ! Le tribunal est présidé par Delphine Chauchis. Ça ne rigole pas ! C’est le magistrat qui a présidé la XVIIe chambre lors du procès d’Éric Zemmour pour ses propos sur les mineurs isolés. Il fut condamné à payer 10 000 € d’amende et  à verser, solidairement avec CNews, la coquette somme de 19 000 € à des associations dites de défense des Droits de l’Homme.

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/01/17/eric-zemmour-condamne-pour-la-troisieme-fois-par-la-justice_6109839_823448.html

Les assesseurs sont M. Jean-François Astruc et Mme Roïa Palti, bien connus des contributeurs malchanceux de Riposte Laïque.

L’audience commence par une demande de renvoi qui ne sera pas retenue. Puis maître Danglehant soulève plusieurs difficultés :

Il s’agit d’un problème de changement de genre” nous dit-il. « Le législateur a ajouté une nouvelle peine en 2019 visant à sanctionner des propos tournant autour du concept de genre. Mais on ne peut instaurer une peine spécifique sans avoir défini les critères de l’infraction associée. Or, dans la loi sur la presse de 1881, l’article 19 §1 ne prend pas en considération les discours relatifs à l’état de genre. Le législateur aurait dû créer une infraction spécifique, ce qui n’est pas le cas. On ne peut procéder à une extension du champ d’application de la diffamation, telle que définie dans le droit de la presse. »

Voilà pourquoi la défense pose une question prioritaire de constitutionnalité (il s’agit du droit à soutenir qu’une disposition législative puisse porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution).

De plus, nous explique-t-il, la diffamation suppose l’imputation d’un fait. Or dans les passages incriminés de la vidéo, il s’agit seulement d’opinions. L’absence de faits ne permet donc pas de constituer une offre de preuves. De plus, l’expression d’une opinion n’entre pas dans le champ d’application de la loi sur la presse. De plus, il n’est pas de la compétence du tribunal de dire si les propos rapportés par mesdames Roy et Rey constituent ou non une fake news.

Maître Danglehant demande l’annulation de la mise en examen de Natacha Rey et l’annulation de l’ordonnance de renvoi à l’origine de l’audience du jour.

Il plaide enfin le conflit d’intérêt avec un tribunal dont les magistrats ont été nommés par… le beau-frère de Jean-Michel Trogneux ! Il y aurait donc atteinte au principe d’égalité des armes et au droit à un procès équitable. Il demande le déport du tribunal ou, à défaut, la récusation des magistrats commis pour cette affaire. Cette demande ne sera pas retenue.

Suspension de séance. À son retour, la présidente explique que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sera transmise à la Cour de cassation et fera l’objet d’un jugement séparé.

Le tribunal décide ensuite de visionner certains passages de la vidéo. Mais la vidéo est en panne. Il n’y a pas que les micros qui servent de décor dans la salle d’audience. Après plusieurs tentatives infructueuses de faire fonctionner le grand écran, le public devra se contenter de l’ordinateur de bureau de la greffière, vaguement tourné vers le public.  Mais où sont donc passés les services techniques du tribunal ?

Les passages incriminés sont classés par la cour selon quatre thématiques :

– les “mensonges” par rapport aux actes d’état civil

– les “mensonges” sur le passé familial

– l’allégation d’inexistence d’André-Louis Louis Auzière

– les conditions de la rencontre entre Brigitte et Emmanuel Macron et les incohérences dans la chronologie officielle.

Photo Crédit Medium

La cour ne laisse passer aucun détail. À un moment donné, il est question d’une  « menace de tout dévoiler si l’obligation vaccinale est imposée aux enfants ». On entend : “Il va falloir que ça cesse : ce sera Brigitte ou moi !” Ou encore : “Qu’on se débarrasse des Attali, Rothchild  (…) Macron est une marionnette“. On devine l’animosité des accusées à l’encontre de la politique gouvernementale.

L’affaire a manifestement pris une tournure politique.

Maître Jean Ennochi, avocat de Brigitte Macron, se réjouit de la présentation de la vidéo qui, selon lui, permet de “contextualiser” les propos incriminés.

La présidente, qui affirme mettre un point d’honneur à garantir la sérénité des débats, remet en place une femme qu’elle menace de virer “si elle continue ses mimiques“.

Après cette présentation à charge de la vidéo commence l’interrogatoire de Mme Amandine Roy. La présidente du tribunal tente de la mettre à l’aise et lui rappelle ses droits. Amandine n’est pas une habituée de la dix-septième chambre. Elle s’efforce de répondre posément aux questions qu’on lui pose, mais celles-ci partent dans tous les sens et semblent avoir pour but de la culpabiliser, voire la déstabiliser.  En voici quelques exemples :

– N’avez pas pensé que vous étiez dans l’erreur ?

– N’avez-vous pas pensé que vos affirmations n’étaient pas ou peu crédibles ?

– Sur quels critères accordez-vous des interviews ?

– Pourquoi êtes-vous sceptique envers les journalistes professionnels ?

– Vous ne vous intéressez pas sur le fond et vous diffusez n’importe quoi par “respect” (de vos auditeurs) sans mesurer les conséquences ?

– Est-ce que vous vous attendiez à ce qu’il y ait un tel écho ?

– N’y a-t-il pas une collaboration de votre part avec les thèses développées par votre invitée ?

– Qu’est-ce que vous pensez avoir apporté au public ?

– Avez-vous eu des doutes par rapport aux propos de Natacha Rey ?

– Est-ce que vous regrettez ?

Et elle conclut : “On ne voit pas bien votre intention dans votre démarche de journaliste“.

Bref, on reproche à Amandine Roy de ne pas avoir pris suffisamment de distance par rapport au discours de son invitée, Natacha Rey, présentée dans l’émission comme une journaliste d’investigation indépendante. Mais est-ce le procès d’un directeur de publication manquant sans doute un peu d’expérience, ou la question de savoir si les conditions de l’infraction reprochée sont réunies ? Le tribunal est-il juge de la déontologie personnelle d’Amandine Roy ?

Mme Roy explique que par cette émission elle souhaitait “rendre accessible au grand public des relevés d’anomalies non mentionnées dans la presse mainstream”. Il s’agissait d’offrir, via son blog, un autre regard face à la réalité telle qu’elle est présentée officiellement. Malgré sa résistance aux  questions délicates, elle finira l’interrogatoire les larmes aux yeux ! « C’est mon quatrième procès » nous confiera-t-elle au moment de la pause, « dont une plainte d’Emmanuel Macron pour une affiche parodique sur la liberté d’expression ».

Photo crédit X

Maître Ennochi, avocat de Brigitte Macron revient à la charge :

– Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par “mensonge d’État“, par “escroquerie“, par “Macron instrumentalise ses fonctionnaires” ?

– Avez-vous pris de la distance par rapport à l’interview de Mme Rey ?

– Adhérez-vous aux thèses de Mme Rey ?

– Qu’aviez-vous en main lorsque vous avez commencé votre émission ?

Après cet interrogatoire, la présidente du tribunal donne la parole à un individu qui, la veille, s’est constitué partie civile. On a du mal à comprendre son intérêt à agir. Bottes, veste en cuir blanche, sûr de lui, il explique à la barre sa démarche : “Je suis là pour demander qu’il y ait un complément d’enquête dans cette affaire. Il y a quelque chose de pervers dans cette procédure. Pourquoi au bout d’un certain temps, il n’y a pas eu de test ADN ? “. Pour lui, cette mise en scène cache quelque chose de plus grave : un détournement de mineur qui est occulté. Il poursuit : “Le parquet se fourvoie et ne va pas au fond des choses car on a un Président de la République qui est perturbé et qui ne comprend pas la Constitution“… On lui répond que ce n’est pas le procès d’Emmanuel Macron. Il veut que le parquet requalifie les faits et demande un euro de dommages et intérêts.

Après cet intermède, le public a droit à une suspension de séance avant les plaidoiries. Il est 21 h 20. Ce n’était pourtant pas « Au théâtre ce soir », mais le procès en correctionnel de « l’Affaire Madame » !

Maître Ennochi (l’accusation) prend la parole.

Évidemment, pour lui, la diffamation ne fait pas de doute et toutes les insinuations de la vidéo doivent entrer dans ce cadre. Puis, coup de théâtre : en réponse à la thèse selon laquelle Jean-Michel Trogneux ne serait autre que Brigitte Macron, il brandit la photocopie de sa carte d’électeur : il aurait même voté à Amiens aux élections européennes du 9 juin dernier, alors que Brigitte aurait voté à Paris. La partie adverse attend pourtant toujours la fourniture de la copie de ses papiers d’identité.

Maître Ennochil insiste sur l’animosité personnelle à l’encontre de Brigitte Macron à travers les séquences de la vidéo et sur l’absence de modération dans les propos tenus.

Il évoque un préjudice énorme, compte tenu du retentissement mondial de l’affaire. Il demande 10 000 € pour chacune des victimes, à savoir Brigitte Macron et Jean-Michel Trogneux + 2 000 € pour les frais de justice et le remboursement des frais  d’avocat.

Le procureur se lève pour donner son avis. On le sent moyennement à l’aise. Il est loin du micro. On l’entend mal. Il fait des figures avec un élastique tenu de ses deux mains, pendant sa prise de parole. Il explique notamment que l’accusation de falsification de documents est grave et qu’il y a bien atteinte à l’honneur et à la considération des plaignants. On n’en attendait pas moins de sa part.

La parole est désormais à la défense.

Maud Marian, avocate d’Amandine Roy, est spécialisée en droit international. Elle a milité pour l’abrogation de l’obligation vaccinale des soignants et obtenu la recevabilité auprès de la CEDH d’une plainte engagée par une soignante suspendue.

https://www.nexus.fr/actualite/news/recours-cedh-marian/

Photo crédit courrier des stratèges

Aujourd’hui, elle demande la relaxe d’Amandine Roy. “Il est probable que Mme Macron soit née homme et ça n’a rien de diffamatoire de dire ça (…)  Les versions successives sur sa biographie ont changé, ce n’est pas logique. On a changé les dates, les circonstances de sa rencontre avec Emmanuel Macron. Or personne n’a cherché à vérifier quoi que ce soit !

Enfin, maître Danglehant, avocat de Natacha Rey, prend la parole. Il rappelle d’abord que la XVIIe chambre a relaxé Jean-Luc Mélenchon pour des propos bien pires que ceux tenus par les accusées. Il s’en prend au parquet qui, selon lui, est enfermé dans des schémas étriqués qui stigmatisent des personnes soi-disant complotistes. Il rappelle aussi que sa cliente a été jugée coupable par une cour d’appel de Caen, pour des discours montés de toute pièce par les parties civiles et qu’elle n’a jamais prononcés.

https://www.change.org/p/natacha-rey-victime-d-une-escroquerie-par-jugement-%C3%A0-la-cour-d-appel-de-caen

Il resitue le cœur de l’affaire : « C’est une enquête sur la biographie officielle de Brigitte Macron, c’est tout (…) Ce sont des opinions qui peuvent porter atteinte à l’honneur et à la considération de Mme Macron, mais une opinion n’entre pas dans la cadre de l’infraction de diffamation telle qu’elle est prévue par le droit de la presse. Nous avons à faire à une personne publique (Brigitte Macron) qui expose sa vie privée. C’est un faire-valoir pour booster les élections. Alors on ne peut s’étonner de faire ensuite l’objet de critiques. Il y a peut-être eu transition de genre. C’est peut-être une atteinte à la vie privée, mais cela ne caractérise pas une diffamation.». Puis il reprend un à un les dix-huit passages incriminés et démontrant qu’à chaque fois, il s’agit d’opinions. « Pour qu’il y ait diffamation, il faut un fait, rendu public, et qui puisse être contesté par la partie adverse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».

Selon lui, la biographie officielle de Brigitte Macron, à laquelle la communicante Mimi Marchand n’est pas étrangère, est au cœur du problème.

Il évoque les nombreux points d’interrogation et l’étrange visite de Brigitte Macron à la faculté d’Alger où « son frère » aurait fait des études…

Il explique qu’ainsi sa cliente avait des arguments qui lui permettaient de se forger une opinion. C’est donc de bonne foi qu’elle en est venue à tirer certaines conclusions.

L’affaire est mise en délibéré et le jugement sera rendu le 12 septembre 2024.

Hector Poupon

https://ripostelaique.com/

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