Le terme “fascisme” est aujourd’hui couramment utilisé dans les débats politiques contemporains, souvent pour désigner des adversaires politiques. Cependant, comprendre ce qu’est réellement le fascisme nécessite une exploration historique et conceptuelle de ce mouvement politique.
Le fascisme est un mouvement politique complexe et souvent mal compris. Il est essentiel de comprendre ses origines, ses doctrines et ses pratiques pour évaluer son utilisation contemporaine. Cet article explore les caractéristiques historiques du fascisme et les réflexions de Pierre Milza, un éminent historien, sur ce phénomène.
Le terme “fascisme” trouve son origine dans l’italien “fascio”, signifiant “ligue” ou “union”. Historiquement, il fait référence aux faisceaux de verges entourant une hache, symbole de l’autorité dans la Rome antique. Cette symbolique a été initialement utilisée pour désigner les “faisceaux siciliens des travailleurs”, un mouvement paysan et protestataire en Sicile de 1889 à 1894.
Naissance d’une Idéologie
La connotation du terme a évolué vers un contexte plus belliciste en 1914, lorsque des représentants du syndicalisme révolutionnaire italien ont lancé l’appel du “faisceau d’action révolutionnaire” pour soutenir l’entrée en guerre de l’Italie contre les Empires centraux. Benito Mussolini, alors journaliste et militant du Parti socialiste italien, a soutenu cette initiative, ce qui a conduit à son expulsion du parti en novembre 1914.
En décembre 1914, Mussolini participe à la création du “faisceau d’action révolutionnaire interventionniste”, une organisation qui abandonne l’internationalisme pacifiste tout en conservant des éléments socialistes. Avec la fondation des “faisceaux italiens de combat” après la Première Guerre mondiale, son idéologie prend une forme définitive, alliant nationalisme et révolution, donnant naissance au fascisme tel qu’on le connaît.
En France, dès les années 1920, le terme “fascisme” a pris une connotation diffamatoire, utilisé par le Parti communiste français pour désigner ses adversaires politiques.
Développement Historique
Le fascisme, selon l’historien Emilio Gentile, trouve ses racines dans les idéaux révolutionnaires du XIXe siècle et bascule vers le nationalosme après le Congrès de Vienne de 1814. Ce mouvement s’inspire de figures révolutionnaires comme Giuseppe Mazzini et est fortement influencé par des penseurs comme Georges Sorel, qui prône une synthèse entre nationalisme et socialisme. L’impact de Nietzsche et du darwinisme social se fait également sentir, glorifiant la force et la régénération par la violence.
Le fascisme ne repose pas sur un texte unique, mais sur une série de lois adoptées entre 1925 et 1926, appelées les “lois fascistissimes”. Ces lois ont établi un État autoritaire sous Mussolini, centralisant le pouvoir et limitant les libertés individuelles. La doctrine fasciste est résumée par le slogan : “Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État”.
Révolution ou Contre-Révolution ?
Le fascisme se présente à la fois comme une révolution et une contre-révolution. Initialement, il s’agissait d’une révolution nationale visant à renverser l’élite traditionnelle. Cependant, à partir de 1920, le fascisme est devenu un outil de la contre-révolution, utilisé par les classes possédantes pour maintenir leur domination.
Mussolini a exercé un pouvoir quasi absolu, concentrant tous les pouvoirs entre ses mains. Il a utilisé le Parti National Fasciste (PNF) pour contrôler la société italienne. Malgré certaines limites symboliques à son pouvoir, Mussolini a réussi à dominer la politique italienne jusqu’à l’effondrement de 1943.
Le fascisme a réussi à obtenir un large soutien populaire en apportant la paix civile après une période de turbulences. Les Italiens, fatigués des conflits, ont vu en Mussolini un homme providentiel capable de restaurer l’ordre et le prestige national. Les accords du Latran avec le Vatican en 1929 ont également renforcé son soutien parmi les catholiques.
Mussolini a longtemps été un modèle pour Hitler, qui a cherché à imiter le succès du Duce. Cependant, avec le temps, la relation entre les deux dictateurs a évolué, et Mussolini a fini par s’inspirer du modèle nazi pour radicaliser son propre régime.
Comparaison avec d’autres Régimes Totalitaires
Bien que partageant des traits communs avec les régimes nazi et stalinien, tels que le charisme du leader et l’usage de la propagande et de la violence, le fascisme italien conserve des spécificités. Contrairement à ces régimes, le fascisme italien a maintenu certains aspects de l’État de droit et n’a pas pratiqué la terreur de masse à la même échelle.
L’impact du fascisme sur la population italienne se divise en deux périodes : une phase de prospérité avant 1930 et une période de crise économique mondiale ensuite. Mussolini a mis en place une économie dirigiste, axée sur l’autarcie, avec des politiques telles que la “bataille de la lire” et la “bataille du blé”. Toutefois, ces mesures ont principalement profité au nord de l’Italie, laissant le sud dans une pauvreté relative.
Le fascisme a inspiré des mouvements similaires dans divers pays, notamment en Espagne avec la Phalange, en France avec des mouvements comme l’Action française, et dans d’autres régions du monde. Cependant, ces mouvements n’ont pas tous réussi à s’implanter durablement.
Relation avec la Religion
Mussolini a entretenu une relation complexe avec la religion, alternant entre l’antagonisme et le pragmatisme. Les accords du Latran de 1929 ont marqué une reconnaissance mutuelle entre le fascisme et l’Église catholique, bien que les relations se soient détériorées par la suite.
Le Fascisme : Un Totalitarisme Inachevé
Bien que le fascisme présente des caractéristiques totalitaires, il n’a jamais atteint le niveau de contrôle absolu observé dans l’Allemagne nazie ou l’URSS stalinienne. Mussolini a maintenu un certain respect des formes légales et n’a pas instauré un système de terreur de masse.
Le fascisme est un phénomène complexe, profondément ancré dans l’histoire italienne et européenne. Comprendre ses caractéristiques et son évolution permet de mieux évaluer son utilisation contemporaine. Utiliser le terme “fasciste” de manière abusive pour désigner des adversaires politiques, comme le font militants de droite comme de gauche pour disqualifier leurs adversaires, dilue la spécificité historique et idéologique du fascisme.
Bonus : L’apport du fascisme dans l’art et la Culture
Le fascisme a eu une influence significative sur l’art et la culture, particulièrement en Italie sous Mussolini. Cette période a été marquée par un mélange complexe de modernité et de tradition, visant à créer une nouvelle identité nationale forte. Voici quelques aspects clés de l’apport du fascisme dans l’art et la culture :
L’architecture fasciste se caractérise par un style monumental et épuré, combinant des éléments néoclassiques et modernes. Le régime fasciste a promu la construction de nombreux bâtiments publics, stades, et infrastructures, symbolisant la puissance et l’ordre. Des exemples notables incluent l’EUR (Esposizione Universale di Roma), un quartier de Rome initialement prévu pour l’Exposition universelle de 1942, et la gare de Florence conçue par Giovanni Michelucci.
Le régime fasciste a encouragé un art qui exaltait l’héroïsme, la force et le nationalisme. Les artistes étaient souvent encouragés à représenter des thèmes de guerre, de sport et de progrès technologique. Les peintres futuristes, tels que Filippo Tommaso Marinetti, ont été particulièrement influents, prônant la vitesse, la modernité, et la rupture avec le passé.
Les œuvres de Gabriele D’Annunzio ont joué un rôle important dans la formation de l’imaginaire fasciste. Parallèlement, la censure et le contrôle des médias ont limité la liberté d’expression, orientant la production littéraire vers les objectifs du régime.
Mussolini a fondé Cinecittà en 1937, un grand studio de cinéma à Rome, visant à rivaliser avec Hollywood. Les films de cette époque glorifiaient le régime, la guerre, et les valeurs traditionnelles. Des réalisateurs comme Alessandro Blasetti ont produit des œuvres qui soutenaient l’idéologie fasciste, tout en innovant sur le plan technique et artistique.
Le fascisme a également influencé la musique, favorisant des compositions qui exprimaient la grandeur et la modernité. Les hymnes et chants patriotiques étaient couramment utilisés pour renforcer le sentiment nationaliste. Des compositeurs comme Ottorino Respighi ont été encouragés à créer des œuvres reflétant la culture et l’histoire italiennes, tout en s’alignant avec les idéaux fascistes.
Le régime fasciste a organisé de nombreuses expositions et manifestations culturelles pour promouvoir ses idéaux. L’Exposition de la Révolution fasciste, tenue en 1932, a été une vitrine majeure pour les réalisations du régime. Ces événements étaient conçus pour impressionner les visiteurs et diffuser l’idéologie fasciste à travers des présentations artistiques et culturelles.
Œuvres de Théoriciens Fascistes
- Benito Mussolini – La Doctrine du fascisme
- Ce texte fondateur, coécrit avec Giovanni Gentile, expose les principes et la vision du fascisme italien.
- Robert Brasillach – Histoire de la guerre d’Espagne
- Brasillach soutient ici les forces fascistes espagnoles.
- Maurice Bardèche – Qu’est-ce que le fascisme ?
- Bardèche, essayiste français, explore et défend les idées fascistes après la Seconde Guerre mondiale.
Études Historiques et Analytiques
- Emilio Gentile – La Voie italienne au totalitarisme
- Gentile analyse le développement et les caractéristiques du fascisme italien.
- Renzo De Felice – Mussolini il Duce: Lo Stato totalitario (1936-1940)
- Une biographie approfondie de Mussolini, couvrant ses années au pouvoir.
- Robert O. Paxton – Le Fascisme en action
- Une étude comparative du fascisme dans différents contextes nationaux.
- Zeev Sternhell – Ni droite ni gauche: l’idéologie fasciste en France
- Sternhell explore les origines et le développement du fascisme en France.
- Histoire du fascisme – Frédéric Moal
Analyses Politiques et Sociologiques
- Hannah Arendt – Les Origines du totalitarisme
- Bien que centrée sur le totalitarisme, l’œuvre d’Arendt traite du fascisme dans le cadre plus large des régimes totalitaires.
- Pierre Milza et Serge Berstein – Le Fascisme italien
- Un ouvrage de référence pour comprendre l’évolution du fascisme en Italie.
- Georges Sorel – Réflexions sur la violence
- Sorel, bien que n’étant pas un théoricien fasciste, a influencé Mussolini par ses idées sur la violence révolutionnaire.
Études Critiques et Contextuelles
- Ian Kershaw – Hitler 1889-1945
- Bien que centré sur Hitler, ce livre aide à comprendre les similarités et différences entre nazisme et fascisme.
- Philippe Foro – L’Italie fasciste
- Foro examine les impacts économiques et sociaux du fascisme en Italie.
Lire aussi deux numéros de la Nouvelle revue d’Histoire (NRH) consacrés notamment au fascisme.
YV
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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Les hommes seront toujours aussi bêtes. Au lieu d’oeuvrer pour faire de ce monde un paradis, ils en ont fait un enfer. La politique avec ses composants divers n’est que le reflet d’un manichéisme plurimillénaire. Nous ne connaîtrons jamais la paix.
Normal, le paradis n’est pas de ce monde.
Il suffit de voir toutes les lois stupides, contraignantes, liberticides votées par ceux que nous avons le malheur d’élire, on voit qu’ils ne cherchent pas notre bonheur.
Ils essaient avant tout de nous emmerder et de nous faire raquer le plus de pognon pour les entretenir.
Supprimons la moitié des députés voraces, on s’en portera mieux..
Plus encore que l’agent, c’est le pouvoir qu’ils recherchent, la volupté du pouvoir, l’ivresse du pouvoir.D’où les lois liberticides.