« Le vagabond » de Vassili Perov.
En Russie médiévale, les kaliki (chanteurs mendiants), christaradtsy (mendiants), bogomoltsy (dévots) et stranniki (errants) constituaient un mode de vie unique.
Les pauvres errants étaient vénérés par la société comme les saints du peuple. L’exploit de l’errance se rapprochait de celui des fols-en-Christ.
« J’ai avoué mes fautes, je me suis repenti, je me suis confessé, j’ai donné la liberté à tous les hommes qui servaient sous mes ordres et j’ai juré pour la vie de me tourmenter avec toutes sortes de travaux et de me cacher dans la mendicité… Voilà déjà 15 ans que j’erre dans toute la Sibérie. Parfois, j’ai été embauché par des moujiks pour faire de petits travaux, et parfois je me suis nourri au nom du Christ. Ah, avec toutes ces privations, quelle félicité, quel bonheur et quelle paix de l’esprit j’ai goûté ».
Ce sont les paroles d’un noble prince devenu vagabond. Elles sont rapportées par l’auteur anonyme du livre Histoires franches d’un strannik à son père spirituel, très populaire en Russie au XIXe siècle.
Le peintre Vassili Perov a décrit Khristofor Barski, l’un de ces stranniki :
« Grand, mais déjà courbé, comme la branche supérieure d’un grand sapin, lorsqu’au cœur de l’hiver chaud, elle est recouverte de neige floconneuse. Sa barbe n’était pas aussi blanche que celle du prince, mais plutôt grise, ressemblant à la couleur de l’argenterie d’occasion, mais taillée de la même façon ; ses yeux étaient tristes, comme obscurcis par une fleur de lys noire ou par une longue période de souffrance… Au lieu d’une cape, il portait un manteau de paysan large et rapiécé, couleur pain de seigle, ceint d’une étroite ceinture à boucle de cuivre… Et malgré ce costume si peu attrayant, il y avait quelque chose d’irréconciliable dans toute la figure du vieil homme, surtout dans son visage, qui ne correspondait pas à son costume et à sa position ».
Anton Tchekhov a écrit à propos de ces gens : « Si l’on imagine l’ensemble du territoire russe, combien de ces mêmes gens, à la recherche d’un meilleur endroit, arpentent aujourd’hui les routes de campagne ou somnolent dans les auberges, les gargotes, les hôtels, sur l’herbe à la belle étoile, en attendant le lever du jour ».
La population accueillait les stranniki avec plaisir, car elle admirait leur liberté et leur connaissance du monde et des gens. Outre leur personnalité, ils étaient considérés comme l’archétype du vagabond.
« En Rus’, l’errance était une religion populaire, et les stranniki étaient des saints populaires ; ils étaient libres de toute autorité – religieuse ou étatique – ils étaient proches des gens, car ils n’étaient pas séparés d’eux, ils étaient constamment sous leurs yeux… En principe, tout le monde avait la possibilité d’adhérer à ces idéaux, et même de devenir lui-même un strannik », écrit Dorofeïev.
Par ailleurs, depuis des temps anciens, les vagabonds jouaient le rôle d’un « Internet vivant », d’une sorte de journal parlant. Les pèlerins transmettaient à une population analphabète les nouvelles concernant les nouveaux ordres ecclésiastiques, les conciles et l’ordination des hiérarques. Les pèlerins étaient également souvent invités à prier pour quelqu’un dans les lieux saints, à déposer un cierge, à commander une prière commémorative ou simplement à transmettre un message à un endroit éloigné que l’on ne pourrait jamais atteindre par ses propres moyens.
https://fr.rbth.com/histoire/90530-vagabonds-russie-medievale
Pèlerins russes et vagabonds mystiques
de Michel Evdokimov
224 pages – mars 2004
Vidéo : Michel EVDOKIMOV : Pèlerins russes et vagabonds mystiques (Une conférence littéraire, avec Michel EVDOKIMOV)
Récit d’un pèlerin russe : 5 Extraits lus par Hélène Vetter
La Maison du vagabond
Mariusz Wilk s’est installé il y a quinze ans dans le Nord de la Russie, pour y vivre loin de la civilisation. Pourtant, de nombreux changements sont survenus dans la maison carélienne au bord du lac Oniego.
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Les Vagabonds Russes ? C’est des sacrés personnages qui ont chacun leur personnalité !
Merci pour ce sujet historique original et instructif. Je n’ai pas l’impression que nos sans-papiers d’aujourd’hui possèdent la même noblesse d’âme et le sens de la »route » que ces vieux Russes.
Très intéressant, je connaissais les Hobo’s aux Usa mais pas ceux là
Bonjour Jules. Je suis très touché par ton excellent sujet. Car j’ai vécu en vagabond pendant quelques années..
Pas ordinaire ! D’où ton regard perçant sur la vie et les gens, ce qui transparaît dans tes articles, un vrai scanner
Je suis assis dans ma petite automobile, ayant posé sur le siège arrière le contenu de mes simples achats. Nourriture ! Je termine un fil de pensée en forme de méditation sur un sujet qui me fascine. La réincarnation ! Sortant du supermarché, j’en étais arrivé à ce souvenir vivant d’une lecture. » Vous pensez que la réincarnation vous permettra de réaliser les choses auxquelles vous êtes incapables de faire face dans votre vie présente ! » C’est ce que le Maitre dont il est question dans ce livre adresse, exprime à des personnes qui sont venues le questionner sur ce sujet. Et, poursuit il, vous avez autant de chance de vous réincarner qu’un caillou a la possibilité d’être acheminé d’un village à l’autre par les sabots des ânes qui passent sur le chemin… » J’en suis là de mes pensées. Je mets la clé de contact, lève la tête. Sur le petit lopin de terre, de l’autre côté du parking, je vois passer un âne, un petit âne noir. J’étais assez joyeux en rentrant chez moi…
Les fameuses coïncidences, lorsque la vie nous fait un clin d’œil !
Voilà l’explication ! Tu fais très exactement partie de ces saints, Paco.
N’allons pas aussi loin, cher Jacques. Mon objectif sacré étant l’humilité, je me suis établi à perpette observateur de toutes les formes de l’orgueil. En commençant par le mien, bien sur ! Le sentier annexe qui s’est ouvert à mes pas à un détour de ce chemin principal, se nomme « Nécessité de l’humour ! » La dénomination a changé de forme au fil du périple et se désigne presque par « Nécessité de l’Amour ! » Presque !
Bel exemple de sagesse, en lien avec ton anecdote précédente impliquant un petit âne noir, symbole d’humilité. Fais gaffe à ne pas être réincarné en imam !
Merci Jules Ferry pour ce voyage dans le monde du mysticisme. Nous avons eu chez nous les clerici vagantes, Goliards et moines gyrovagues. Toutes les civilisations ont eu leur lot de mystiques errants, l’Inde avec ses sadhus et autres. Encore merci.