En Ukraine, la guerre «à l’américaine» des Russes

Au deuxième jour de la guerre, après des frappes de précision, les forces russes poursuivaient leur progression sur plusieurs axes, notamment vers Kiev. Leur objectif : un « Regime Change ».

Les faits -Vladimir Poutine a appelé vendredi l’armée ukrainienne à prendre le pouvoir dans son pays. « J’appelle une nouvelle fois le personnel militaire des forces armées d’Ukraine: ne laissez pas les néo-nazis et les nationalistes ukrainiens radicaux utiliser vos enfants, vos femmes et vos personnes âgées comme des boucliers humains », a dit le président russe devant son conseil de sécurité, dans une déclaration retransmise à la télévision. « Prenez le pouvoir dans vos propres mains, il nous sera plus facile de parvenir à un accord. »

Au deuxième jour des opérations militaires russes en Ukraine, la situation reste très évolutive et les informations remontant du terrain sont à la fois partielles et partiales. Il apparaît toutefois que l’armée russe dispose d’une nette supériorité, qui pourrait déboucher rapidement sur des actions décisives.

Sur le plan militaire, les Russes mènent une guerre « à l’américaine », telle qu’on a pu l’observer, par exemple, lors de l’invasion de l’Irak en 2003. Des frappes de précision paralysantes et une attaque éclair au sol, conjuguées à des opérations spéciales discrètes : le tout afin d’obtenir un changement de régime (regime change), comme l’a bien compris le président ukrainien Zelensky qui déclare être le cible n°1.

On dispose de peu d’informations sur les pertes humaines. Après moins de 24 heures de combat, les autorités ukrainiennes ont communiqué le chiffre de 137 morts, civils et militaires confondus. Nous ne disposons d’aucun élément pour les Russes, même si les Ukrainiens prétendent avoir tué 2800 soldats russes – un chiffre qui relève de la pure propagande à usage interne.

Frappes de précision. Aux premières heures de jeudi, des frappes de précision ont visé les systèmes de commandement et la défense aérienne de l’Ukraine. C’est un schéma très classique. Il s’agit, dans un premier temps, de détruire ou au minimum de paralyser le système nerveux des forces adverses, son C2 disent les spécialistes pour « Command and Control ». En procédant ainsi, la Russie entend couper le lien entre les états-majors et les forces sur le terrain, empêchant ou compliquant la possibilité pour les chefs militaires de monter des contre-offensives coordonnées face à l’ennemi. Isolées, les troupes ne peuvent que s’en remettre à leur propre ardeur au combat, sans plans d’ensemble. En plus de la destruction physique, l’agresseur dispose de moyens cyber et de guerre électronique.

S’en prendre à la défense aérienne est une autre priorité. En neutralisant les radars, les batteries de missiles, les stocks de munitions, l’aviation de chasse et le système de commandement de l’ensemble, les Russes s’assurent de pouvoir mener une « guerre à ciel ouvert », grâce à leur suprématie aérienne.

Jeudi matin, 75 sites différents auraient été visés, avec 160 frappes. L’armée russe semble avoir utilisé des missiles sol-sol Iskander et mer-sol Kalibr. Ce sont des engins à longue portée et très précis. L’aviation a également employé des missiles air-sol. D’autres frappes ont eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi, sans qu’on puisse établir un bilan.

Parallèlement à ces bombardements, des offensives au sol sont engagées sur au moins quatre axes principaux. Le principal semble être celui du nord,en direction de la capitale Kiev, distante d’une centaine de kilomètre de la frontière biélorusse (où des troupes russes sont stationnées). L’action se déroule sur chacune des deux rives du fleuve Dniepr, extrêmement large (jusqu’à 10 km) du fait de la retenue d’un barrage juste au nord de Kiev. La progression de l’armée russe apparaît rapide. Dès jeudi soir, elle avait pris le contrôle du secteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Selon certaines informations, les troupes étaient déjà, vendredi, dans les faubourgs de la capitale.

Contraintes logistiques. Une armée moderne peut, dans des conditions optimales, faire des bonds de cinquante kilomètres par jour. Pour avancer, elle se heurte à des contraintes logistiques : tous les appuis (défense aérienne, artillerie, génie, guerre électronique, etc.) doivent progresser au même rythme, afin que l’armée reste au sein de sa bulle de protection. Des éléments de reconnaissance avancée, plus légers et prenant plus de risques, ont la possibilité d’aller plus vite et plus loin. L’Ukraine a diffusé des images de prisonniers russes appartenant à de telles unités. La progression russe est évidemment ralentie par les soldats ukrainiens, qui peuvent infliger des pertes à l’agresseur, entraver son avancée, voire localement la repousser.

A l’offensive sur le sol s’ajoutent deux éléments : des opérations aéroportées et des actions de forces spéciales. Les premières relèvent d’un « enveloppement par les airs » et visent à saisir des points stratégiques dans le dos des forces ukrainiennes. C’est le cas de l’aéroport de Hostomel, une plate-forme logistique spécialisée dans le fret aérien, à 20 km au nord-ouest de Kiev. Les parachutistes, appuyés par des hélicoptères de combat, y ont débarqués jeudi matin. Les Russes assurent en avoir pris le contrôle, après des contre-attaques ukrainiennes. Hostomel (Gostomel en russe) pourrait servir de porte d’entrée pour l’acheminement de renforts et le soutien logistique.

Parallèlement, les forces spéciales (Spetsnaz) sont engagées pour des missions d’infiltration derrière les lignes ukrainiennes. Des unités plus clandestines étaient déjà présentes en Ukraine avant l’offensive. Opérant en civil, ce sont elles que les Ukrainiens qualifient de « saboteurs ». Certains d’entre eux ont été arrêtés.

A l’Est de l’Ukraine, l’armée russe a pénétré sur deux grands axes : au Nord, en direction de la grande ville de Kharkov, et au sud, à partir des « républiques » séparatistes, le long de la Mer noire, vers Marioupol.

Forces spéciales. Quatrième grand axe : celui du Sud, à partir de la Crimée. Là aussi, la progression russe semble très rapide. Le canal d’alimentation en eau de la Crimée, qui avait été coupé par l’Ukraine, a été repris. En une journée d’offensive, les villes de Kherson et Melitopol, à plus de 100 km, sont conquises ou sur le point de l’être. Tout à l’ouest de l’Ukraine, la marine russe fait peser la menace d’une opération amphibie (débarquement) dans le secteur d’Odessa, ce qui contraint l’armée ukrainienne à y maintenir des forces, qui ne peuvent donc pas être engagées plus à l’est. Des informations contradictoires circulent sur des combats dans cette région. Des incursions de forces spéciales sont probables.

Numériquement, le rapport de forces entre Russes et Ukrainiens n’est pas déséquilibré. Les effectifs théoriques de l’armée ukrainiennes sont d’environ 300 000 hommes, toutes forces confondues. Les sources occidentales parlent de 150 000 à 180 000 militaires russes déployés dans la région. C’est un chiffre légèrement inférieur à celui des Américains lorsqu’ils se préparaient à envahir l’Irak. Selon les Ukrainiens, 30 à 60000 Russes participeraient directement à l’offensive sur leur sol. Une telle force permet de mener une blitzkrieg (guerre éclair), mais elle n’est certainement pas suffisante pour contrôler un pays de la taille de l’Ukraine, plus vaste que la France (600 000 km2) et près de 40 millions d’habitants. En 1968, la répression par l’URSS du printemps de Prague avait nécessité 250 000 hommes et l’occupation qui a suivi jusqu’à 500 000. C’est hors de portée de l’armée russe d’aujourd’hui.

Les Américains savent quelque chose de ces difficultés : en 2003, ils avaient mis à peine 20 jours pour atteindre le palais présidentiel de Saddam Hussein, à plus de 500 km de leur point de départ. Soit une progression spectaculaire de 25 km en moyenne par jour, qui leur permettait de crier « victoire ». Ce n’était en réalité que le commencement de leurs problèmes.

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9 Comments

  1. Merci Christine et bravo!
    Un dossier nous inquiète ,c’est celui de l’engagement Tchétchène dans le conflit . Qui  »emploie » ces combattants féroces Musulmans. Hier Hamane Amar écrivait que ce sont les Ukrainiens qui les utilisent .
    Moscou utilise t-il la menace pour terroriser les Ukrainiens qui se souviennent de leur action en GEORGIE.

    • La tchétchénie fait partie de la fédération de Russie Poutine ne peut pas les exclure ! Par contre leur président choisi par Poutine n’a pas droid aux yeux et est très efficace contre islamisme et terrorisme, même s’il est musulman. En face, il semble que des islamos venus de Syrie (daesch ? ) arrivent pour soutenir les Ukrainiens

  2. MERCI Christine pour ces précisions impossibles à obtenir sur les médias totalement soumis au au dicta mondialiste essentiellement de « gauche ». Je viens d’entendre que la goooche finlandaise demandait la présence de l’Otan sur leur pays… Jusqu’ou va la folie ???

  3. Les journalistes reporters de guerre ( abominables copieurs-colleurs de la presse de gauche américaine)des médias français devraient suivre des cours de formation auprès de Christine Tasin et de son équipe.

    • Merci Dominique au nom de toute l’équipe des contributeurs RR pour ce coup de chapeau qui nous touche

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