FIGAROVOX/TRIBUNE – «La gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht»: ce sujet du Bac d’histoire prouve, selon Barbara Lefebvre, à quel point l’enseignement de l’histoire se confond avec le commentaire d’actualité. Au risque d’y perdre en culture historique et en objectivité.
Barbara Lefebvre est enseignante et essayiste, auteur de Génération «j’ai le droit» (Albin Michel, 2018) et C’est ça la France (Albin Michel, 2019).
Les candidats bacheliers de la section S ont eu à se pencher cette année sur un sujet qui a interpellé ceux qui ne sont pas à jour des dérives ultra-contemporanéistes de nos programmes scolaires:
«La gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht».
«Ce n’est pas un sujet d’histoire!» me suis-je ainsi entendu dire.
Hélas, eu égard aux thèmes grandiloquents qui figurent au programme, ce sujet s’inscrit bien dans cet enseignement disciplinaire.
On pourra néanmoins s’interroger sur sa part d’historicité, qui finalement recouvre seulement les vingt-sept dernières années de l’Europe, avec des enjeux inscrits dans une hyper-actualité rendant toute prise de distance difficile pour un élève de dix-huit ans à peine.
On se demandera en effet quel regard critique un bachelier peut poser sur la notion de gouvernance européenne, sur celle de supranationalité induisant la perte de souveraineté des nations intégrées au projet de l’Europe maastrichtienne.
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Les bacheliers ont-ils les moyens d’interroger les enjeux du référendum de 2005 et les modifications profondes apportées en 2009 par le traité de Lisbonne?
Dès lors, on comprend que certains parents, certains observateurs puissent trouver un tel sujet fort peu «historique» (au sens d’une analyse raisonnée et critique des faits passés) et bien plus politique, sinon propagandiste.
En effet, les attendus pour obtenir une note correcte ne sont pas orientés vers une approche critique de la construction européenne, mais vers une restitution du «récit linéaire européen» appris par coeur: il faut toujours plus d’Europe pour que l’Europe réussisse.
Il est d’ailleurs piquant de constater que ceux, parmi les progressistes de tous bords, qui fustigent le prétendu «roman national» et appellent à «dénationaliser l’histoire de France», sont les ardents promoteurs du «roman européen».
La construction européenne est en effet décrite comme une longue marche vers le progrès, la paix et la béatitude du libre-échange sans entrave que de mauvais génies «nationalistes» animés de «passions tristes» viendraient troubler, formant de terrifiants desseins pour nous ramener «aux heures sombres de notre histoire».
Nos programmes au collège comme en lycée, et ce sujet de bac, témoignent de ce «roman européen», mais personne n’aurait l’idée d’en ébaucher une critique historiographique et historique.
Au fil des années, parce qu’il faudrait que l’école soit de son temps, l’enseignement de l’histoire contemporaine est devenu une activité de commentaire du temps présent, à cheval entre le journalisme bien-pensant et la vulgate du Monde diplo (pour les questions de géopolitique internationale).
Les quatre thèmes au programme en Terminale parlent d’eux-mêmes: le rapport des sociétés à leur passé (traduire par «le culte mémoriel et son camaïeu d’histoires victimaires»), idéologies et opinions en Europe de la fin du XIXe à nos jours (centré sur l’Allemagne et la France depuis 1875, ce qui nuance nettement la localisation ambitieuse de l’intitulé), puissances et tensions dans le monde de 1918 à nos jours (traduire par «brosser un siècle de géopolitique internationale en vingt heures de cours»), les échelles de gouvernement dans le monde de 1945 à nos jours (à savoir l’échelle de l’État-nation avec la France comme exemple, l’échelle continentale avec l’Union européenne, l’échelle mondiale avec «la gouvernance économique mondiale» sic).
Ces thèmes sont révélateurs de la dérive tant géopolitique que mémorielle de l’enseignement de l’histoire contemporaine, qui s’apparente de plus en plus à des sciences politiques de café du commerce.
Les autruches-idéologues en fonction au ministère, au Conseil supérieur des programmes, dans les établissements de formation des enseignants (Espé) ou au sein de l’Inspection générale, nous répètent en boucle comme une méthode Coué: «le niveau ne baisse pas, certes nos bacheliers ne savent pas les mêmes choses que leurs aînés mais ils savent bien d’autres choses puisqu’ils sont ouverts sur le monde grâce aux nouvelles technologies».
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Or la réalité observable par tout enseignant intellectuellement honnête et par tout parent d’élève lucide est différente.
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Les enseignants du Supérieur constatent tous en accueillant les étudiants de première année que les niveaux de culture générale, de maîtrise de la langue écrite, de compréhension de textes complexes, sont en chute libre.
Qu’ils ne sont en rien compensés par l’agilité numérique ou la capacité d’exprimer sa pensée en 140 signes sur Twitter en langue onomatopée-inclusive.
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Dernier exemple en date de la bêtise couplée à l’arrogance: des candidats de sections ES et S lancent actuellement une pétition pour «dénoncer» un sujet de français jugé trop difficile (un poème d’Andrée Chédid).
Ils vont jusqu’à employer le terme «humiliation» pour exprimer leur ressenti!
Ils s’insurgent aussi du fait que la plupart d’entre eux n’ont pas compris que l’auteur était une femme et ont donc fait un contresens …
Et oui, car un bachelier en 2019 connaît et tolère tous les prénoms saugrenus (dont les parents affublent leur chérubin pour «être original et différent»), mais il n’est pas en mesure de savoir que le «e» d’Andrée marque la féminité de celle qui porte ce prénom.
L’élève a donc «le droit» de se plaindre.
La déculturation de masse des élèves produits par l’Éducation nationale depuis au moins trois décennies à force de pédagogie jargonneuse, de didactique prétentieuse, de «sciences de l’éducation» qui ont vidé les enseignements disciplinaires de substance autant que d’exigence intellectuelle, ne pouvait que conduire à cette ignorance généralisée qui rend indéchiffrable la course du monde.
Tant d’individus sont emportés par le tourbillon de la mondialisation néolibérale dont ils ne comprennent pas les enjeux et les stratégies déshumanisantes.
Or, ce monde obscur et inintelligible produit de la colère, née de l’impuissance, de la violence, née de l’inculture.
Mais pour faire accepter la mondialisation et ses effets à ceux qui la subissent, l’enseignement de l’histoire est utilisé par les élites progressistes comme un instrument de prédiction des temps futurs: on ne rechigne ni aux anachronismes les plus grossiers, ni aux reductio ad hilterum tous azimuts.
Là où les politiques à l’œuvre dans l’histoire scolaire de la IIIe République visaient à consolider la culture commune du passé national pour unifier la nation civique, ceux d’aujourd’hui usent de l’histoire pour fragmenter, atomiser, déraciner.
L’histoire est de moins en moins la «science humaine» que les esprits rationnels de la seconde moitié du XIXe siècle espéraient fonder, elle est en train de revenir à ce qu’elle fut pendant des siècles: un récit émis par les pouvoirs en place pour se légitimer et perdurer, des chroniques apologétiques de l’action des élites dirigeantes.
L’histoire quitte à pas de loup l’espace intellectuel d’une analyse critique du passé en constante réécriture, pour devenir un tribunal jugeant les hommes d’hier à l’aune des préoccupations sociales et politiques des hommes d’aujourd’hui.
On pouvait espérer que les nouveaux programmes d’histoire mis en œuvre à la rentrée prochaine pour la réforme du baccalauréat, retisseraient le fil d’une science historique en perdition…
Hélas, les premières annonces faites en janvier sur les classes de Seconde et de Première ne sont guère rassurantes. Le biais chronologique annoncé n’est que de la poudre de perlimpinpin pour masquer la persistance de ces approches thématiques hyper ambitieuses qui accouchent toujours d’une souris.
Derrière les mots rassurants de Jean-Michel Blanquer, la réforme du lycée et des programmes afférents a été imposée à marche forcée et sans réelle concertation avec les premiers concernés – à savoir les enseignants de terrain.
De ce point de vue, le ministre Blanquer utilise la même méthode du «fait accompli» que son prédécesseur la ministre Najat Vallaud-Belkacem et sa réforme catastrophique des programmes du primaire et du collège que M. Blanquer n’a pas remise en question contrairement à ses engagements lors de sa prise de fonction en mai 2017.
On en revient toujours à la réalité de terrain: les programmes deviennent ce que les enseignants en font.
Mais, élèves, parents d’élèves, observateurs doivent avoir à l’esprit qu’avec toujours moins d’heures d’enseignement et des programmes encyclopédiques irréalisables, les enseignants ne sauraient être tenus pour responsables de la pédagogie du survol et de la déconstruction du récit historique auxquelles les oblige leur hiérarchie.
Ils ne peuvent pas davantage être jugés coupables de la perte de culture générale des nouvelles générations.
Les enseignants font ce qu’ils peuvent avec les orientations politiques des programmes scolaires que des idéologues imposent.
Et s’ils sont toujours plus nombreux à rêver d’une reconversion professionnelle, ce n’est pas sans raison.
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Très bon article. Mais si la hiérarchie est sans aucun doute responsable de la décadence, certains (la plupart) professeurs n’en sont pas moins responsables vu leur niveau intellectuel et leur inclination politique.
L’Europe,aux yeux de ceux qui l’ont voulue,aura réussie,lorsqu’elle sera uniquement peuplée de métis musulmans,et que les chrétiens blancs auront totalement disparus. Un suicide organisé,et grandiose;à la hauteur des ambitions des plus grand traitres de l’histoire de toute l’humanité. Ces criminels vivent dans nos pays d’Europe,certes,mais n’ont rien de musulman,ni de chrétien. Cherchons qui ils sont.?