Le pape fait supprimer la peine de mort dans le nouveau cathéchisme, pourtant Jésus n’était pas contre…

Jean Lafitte 15 mars 2019

I. – Préambule.

1-1 – L’intervention du pape François

Après avoir annoncé, le 11 octobre 2017, son intention de réformer le Catéchisme de l’Église catholique dont le paragraphe 2267 tolérait la peine de mort, le pape François en a approuvé une nouvelle rédaction le 2 aout 2018 : désormais, la peine de mort est inadmissible.

Dès le 15 octobre 2017, devant les problèmes posés par la suppression totale de cette peine, j’avais réagi par une note de deux pages que j’avais communiquée à quelques amis. Je l’avais ensuite totalement oubliée, alors que des personnes bien plus compétentes que moi écrivaient sur ce sujet, notamment à la suite de la décision du 2 aout dernier.

Mais après d’autres faits divers tragiques de cette même période, la récente tentative de meurtre contre deux gardiens de prison de Condé-sur-Sarthe vient de confirmer l’actualité de la question et m’a donné l’envie de retrouver ma prose de 2017.

Elle m’a plu, et suggéré de la compléter à la lumière de ce que j’ai lu depuis, tant dans les articles évoqués que dans nos livres sacrés. Car ma foi n’a jamais été celle du charbonnier, et dans la mesure où un pape se permet de désavouer ses prédécesseurs, voire d’ignorer les textes sacrés, je ne vois pas ce qui m’interdirait de me poser des questions.

J’ai donc repris ma note de 2017, intitulée « Jésus et la peine de mort », sous un titre qui montre clairement comment j’entends la compléter.

1-2 – Les sources de notre foi : l’Écriture sainte et la Tradition

Depuis sans doute ma « première communion privée », le 24 avril 1938, j’ai le Catéchisme du diocèse de Paris approuvé par le Cardinal Verdier en 1937. En voici la p. 29 :

1re LEÇON

L’ÉCRITURE SAINTE ET LA TRADITION

Ces quelques lignes sont admirables de clarté et de concision, capables de structurer la foi d’un enfant pour toute sa vie, alors que les nombreuses pages du Catéchisme de l’Église catholique adoptées 28 ans plus tard ont de quoi décourager les meilleures volontés… sans y changer rien de fondamental, comme on peut s’en douter.

J’ai retenu néanmoins de l’enseignement du Concile que l’Église est faite de tout le peuple des baptisés, et des propos du pape François que le cléricalisme est une tare de l’Église. Dans cet esprit, il me paraît de bonne méthode de voir ce que l’Écriture sainte dit de la peine de mort, avec priorité au Nouveau Testament, et surtout à l’Évangile, selon l’interprétation qu’en a faite la Tradition sur près de 2000 ans.

II. – L’Écriture sainte.

2-1 – « Tu ne tueras pas. » (Exode 20, 13 et Deutéronome 5, 17)

Du « Décalogue » donné à Moïse sur le mont Sinaï, les trois premiers commandements ont Dieu pour objet, les sept autres concernent le relations entre individus ; celui-ci en est le second. Bizarrement, c’est le passage le plus souvent cité par les adversaires de la peine de mort, dans une scandaleuse ignorance du chapitre suivant qui, en toute logique, énonce les sanctions de la désobéissance à ces commandements.

2-2 – La peine de mort dans l’Ancien Testament

Le meurtre est puni de mort dès la sortie de l’arche de Noé en Genèse 9,6 : « Qui verse le sang de l’homme, par l’homme aura son sang sera versé… »

Pendant logique du chapitre 20 de l’Exode que l’on vient de citer, son chapitre 21 confirme la Genèse par son verset 12 qui dit sans ambages : « Quiconque frappe quelqu’un et cause sa mort devra être mis à mort. »

La même peine capitale s’applique à « qui frappe son père ou sa mère » (ib., 15), « enlève un homme » (17) ou « traite indignement son père ou sa mère (18).

Le chapitre 20 du Lévitique ajoute des actes d’idolâtrie (2-6) et de nombreux crimes contre la morale sexuelle en visant les deux parties : adultère (10), divers cas d’inceste (11, 12, 14, 17, 19, 20, 21), homosexualité masculine (13), bestialité masculine (15) et féminine (16) et même les rapports avec une femme pendant ses règles (18).

Les condamnations de l’adultère sont reprises dans le Deutéronome, 22, 22-24.

2-3 – Jésus ne commente pas l’exécution de Jean le Baptiste par Hérode

Matthieu 14, 3-13 C’est qu’en effet Hérode avait fait arrêter, enchaîner et emprisonner Jean, à cause d’Hérodiade, la femme de Philippe son frère. 4 Car Jean lui disait : « Il ne t’est pas permis de l’avoir. » 5 Il avait même voulu le tuer, mais avait craint la foule, parce qu’on le tenait pour un prophète. 6 Or, comme Hérode célébrait son anniversaire de naissance, la fille d’Hérodiade dansa en public et plut à Hérode 7 au point qu’il s’engagea par serment à lui donner ce qu’elle demanderait. 8 Endoctrinée par sa mère, elle lui dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste. » 9 Le roi fut contristé, mais, à cause de ses serments et des convives, il commanda de la lui donner 10 et envoya décapiter Jean dans la prison. 11 Sa tête fut apportée sur un plat et donnée à la jeune fille, qui la porta à sa mère. 12 Les disciples de Jean vinrent prendre le cadavre et l’enterrèrent; puis ils allèrent informer Jésus. 13 L’ayant appris, Jésus se retira en barque dans un lieu désert, à l’écart ; ce qu’apprenant, les foules partirent à sa suite, venant à pied des villes.

C’est une histoire sordide : comme beaucoup de ses semblables, le roi Hérode assouvissait librement ses appétits sexuels ; il avait pris pour femme Hérodiade, épouse de son frère Philippe… comme plus tard Mahomet prendrait Zaynab, l’épouse de Zayd, son esclave chrétien affranchi, devenu son fils adoptif… Jean le Baptiste, cousin et « Précurseur » de Jésus, en avait fait le reproche à Hérode, ce qu’Hérodiade n’avait pas goûté. Mais ni Matthieu ni Marc, qui rapportent l’événement, ne mentionnent aucun commentaire de la part de Jésus.

 

2-4 – Jésus relativise la mort

Matthieu 10, 28 Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l’âme et le corps.

Pour un disciple de Jésus, la mort n’est pas la fin de tout, ni donc le mal absolu. La préface de la messe des défunts nous le rappelait jadis en quatre mots, vita mutatur non tollitur, « la vie est changée, pas enlevée ».

2-5 – Pour Jésus, celui qui scandalise un enfant mérite pire que la mort

Matthieu 18, 5-7, repris en partie par Luc, 17 1-2 Quiconque accueille un petit enfant […] à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille. 6 Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être englouti en pleine mer. 7 Malheur au monde à cause des scandales ! Il est fatal, certes, qu’il arrive des scandales, mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive !

On en arrive à se demander si les cardinaux Pell, Barbarin et autres “Éminences” ont jamais lu ce passage des Évangiles.

2-6 – Jésus ne récuse pas la peine de mort en cas d’adultère

Jean 8, 3-11 [Jésus est au Temple et y enseigne.] Les scribes et les Pharisiens lui amènent alors une femme surprise en adultère et, la plaçant bien en vue, 4 ils disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5 Moïse nous a prescrit dans la Loi de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » 6 Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. 7 Comme ils insistaient, il se redressa et leur dit : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! » 8 Et se baissant de nouveau, il se remit à écrire sur le sol. 9 À ces mots, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus vieux ; et Jésus resta seul avec la femme, qui était toujours là. 10 Alors, se redressant, il lui dit : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » 11 « Personne, Seigneur. », répondit-elle. « Moi non plus, lui dit Jésus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus. »

Le § 2-2 vient de rappeler que telle était bien la loi de Moïse. Or Jésus a dit expressément, et de façon solennelle (Matthieu 5, 17) : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. », donc compléter, parfaire. Jésus n’abolit pas la sanction par la peine de mort, mais en rappelant leurs propres fautes à tous les accusateurs, il leur rappelle aussi implicitement l’équilibre de la Loi, qui s’applique à l’homme comme à la femme. Et constatant la faiblesse humaine, il ne condamne personne, mais invite la femme, restée seule, à ne plus pécher : il « positive », comme on dirait de nos jours !

2-7 – Jésus admet le port (et l’usage) d’armes pour se défendre

Il s’agit ici d’un menu incident survenu au cours de l’arrestation de Jésus par une troupe envoyée par les autorités religieuses. Mis à part Marc qui n’y consacre qu’un court verset (14, 47), chacun des trois autres évangélistes est seul à rapporter tel ou tel détail :

Matthieu 26, 47-52 Comme il parlait encore, voici Judas, l’un des Douze, et avec lui une bande nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple. […] 50 […] Alors, s’avançant, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent . 51 Et voilà qu’un des compagnons de Jésus, portant la main à son glaive, le dégaina, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui enleva l’oreille. 52 Alors Jésus lui dit : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. »

Luc 22, 49-51 Voyant ce qui allait arriver, ses compagnons lui dirent : « Seigneur, faut-il frapper du glaive ? » 50 Et l’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui enleva l’oreille droite. 51 Mais Jésus prit la parole et dit : « Restez-en là. » Et, lui touchant l’oreille, il le guérit. [Luc était médecin, ce détail ne lui a pas échappé !]

Jean 18, 10-11 Alors Simon-Pierre, qui portait un glaive, le tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Ce serviteur avait nom Malchus. 11 Jésus dit à Pierre: « Rentre le glaive dans le fourreau. […] »

Ordonnant à Pierre de remettre son glaive au fourreau, Jésus ne condamne donc pas le fait de porter cette arme, mais de s’en servir dans cette circonstance, c’est-à-dire contre une force publique. Curieusement, il rejoint les propos de Cicéron plaidant pour Milon 80 ans plus tôt : « ...pourquoi porter des armes ? Certes, il ne serait pas permis de les avoir, s’il n’était jamais permis de s’en servir. Il est en effet une loi non écrite, mais innée ; […] Cette loi dit que tout moyen est honnête pour sauver nos jours, lorsqu’ils sont exposés aux attaques et aux poignards d’un brigand et d’un ennemi…»

Et en annonçant que « ceux qui prennent le glaive périront par le glaive », Jésus admet implicitement la peine capitale comme sanction de cet usage indu du glaive.

 

2-8 – L’intérêt de la société peut justifier le sacrifice d’un individu

Jean 11, 47-53 Les grands prêtres et les Pharisiens réunirent alors un conseil : « Que faisons-nous ? Disaient-ils, cet homme [Jésus] fait beaucoup de signes [= miracles]. 48 Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ils supprimeront notre Lieu saint et notre nation. 49 Mais l’un d’entre eux, Caïphe, étant grand prêtre cette année- là, leur dit : « Vous n’y entendez rien. 50 Vous ne songez même pas qu’il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière. » 51 Or cela, il ne le dit pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation 52 et non pas pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. 53 Dès ce jour-là donc, ils résolurent de le tuer.

Il est tout à fait remarquable que Jean, quatrième et dernier évangéliste, qui fut ami intime de Jésus, ne condamne pas le choix du Grand prêtre de la religion judaïque et lui reconnaît même le pouvoir de prophétie.

2-9 – Pour Jésus, Pilate tient du ciel son pouvoir de vie et de mort

Jean 19, 10-11 Pilate lui dit donc : « Tu ne me parles pas ? Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher et que j’ai pouvoir de te crucifier ? » 11 Jésus lui répondit : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, si cela ne t’avait été donné d’en haut ; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi a un plus grand péché. »

Le moment est « crucial », c’est bien le cas de le dire. Et Jésus ne s’élève pas contre le pouvoir légitime de prononcer la peine de mort (la sienne !), mais le fait remonter à Dieu ! Il sous-entend seulement que le détenteur de ce pouvoir devra rendre des comptes à Dieu.

2-10 – St Paul confirme et développe

Romains 13, 1 et 3-4 « Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. […] 3 En effet, les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu n’avoir pas à craindre l’autorité ? Fais le bien et tu en recevras des éloges ; 4 car elle est un instrument de Dieu pour te conduire au bien. Mais crains, si tu fais le mal ; car ce n’est pas pour rien qu’elle porte le glaive : elle est un instrument de Dieu pour faire jus- tice et châtier qui fait le mal. »

Romains 13, 9 « En effet, le précepte : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

III. – La Tradition.

Je n’ai pas fait de recherches dans 2000 ans d’écriture chrétienne, me contentant des avis de trois saints personnages du plus grand renom.

3-1 – L’avis de St Jérôme (347-420)

« Qui malos percutit in eo quod mali sunt, et habet causam (ou vasa) interfectionis, scili- cet, ut occidet pessimos, Dei minister est. », soit « Celui qui frappe les méchants dans leurs vices, pour un motif passible de mort, afin de tuer ces scélérats, est ministre de Dieu. » (Commentaires sur Ezéchiel).

3-2 – L’avis de St Augustin (354-430)

« Si homicidium est hominem interficere vel occidere, potest aliquando occidi sine pecca- to ; nam et miles hostem, et judex vel ejus minister nocentem. », soit « Si tuer un homme est un homicide, il existe cependant des cas où l’on peut tuer sans péché ; ainsi, un soldat à l’égard d’un ennemi et un juge ou son délégué, contre un criminel. » (De libero arbitrio).

3-3 – L’enseignement de St Thomas d’Aquin (vers 1225-1274)

Il me paraît utile de rappeler d’abord la place éminente de ce saint Docteur de l’Église selon trois saints papes modernes : pour saint Pie X, son œuvre constitue un patrimoine de sa-gesse « que lui-même, après l’avoir reçu des anciens, a perfectionné et augmenté par la puissance de son génie presque digne des anges » (motu proprio Doctoris Angelici du 29 juin 1914) ; pour saint Paul VI, « Sans aucun doute, Thomas avait au plus haut degré le courage de la vérité, la liberté d’esprit permettant d’affronter les nouveaux problèmes, l’honnêteté intellectuelle de celui qui n’admet pas la contamination du christianisme par la philosophie profane, sans pour autant refuser celle-ci a priori. » (lettre apostolique Lumen Ecclesiædu 20 novembre 1974) ; et en rappelant l’importance de la philosophie pour aider à la réflexion théologique, saint Jean-Paul II citait St Thomas comme modèle (encyclique Fides et Ratio du 14 septembre 1998).

De La Somme théologique de Saint Thomas, latin-français en regard, éditée par l’abbé Drioux de l’université de Louvain, Paris : Belin, 1855, j’ai pu télécharger le tome 8 où notre problème est traité, pp. 326-331. En voici les passages que je trouve les plus marquants :

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Deux notes de l’abbé Drioux, éditeur :

p. 327 (1) Les cathares et les pauvres de Lyon ont refusé à la société le droit de se délivrer de ceux de ses membres qui lui étaient funestes. De nos jours, il s’est aussi trouvé des novateurs qui ont repris cette thèse et qui ont entrepris de la soutenir au point de vue du sentiment et de la philanthropie.

p. 329 (1) Il est à remarquer que c’est la raison de bien public qui est ici prédominante. Par consé- quent, quand il s’agit de la peine de mort, on doit moins regarder à la gravité de la faute qu’au mal qui peut en résulter. […]

Suivent les réponses à trois arguments contraires tirés notamment de la parabole du bon grain et de l’ivraie (zizania en latin) et de cette pensée de St Augustin, qu’un but légitime ne justifie pas une action mauvaise ; je n’en retiens ici que des extraits :

La question suivante objet d’un Article III n’a d’intérêt pour notre problème que d’en réserver expressément la compétence à la société laïque.

 

 

3-4 – La pratique de l’Église à l’égard des hérétiques

On a suffisamment reproché à l’Église les buchers de l’Inquisition pour ne pas s’étendre sur le sujet. Du moins prouvent-ils que les papes de ces époques ne voyaient pas d’objection théologique à l’application de la peine de mort à ces ennemis de la foi.

 

IV. – Retour au XXIème siècle.

4-1 – Le recul de la peine de mort dans le monde

Tout au long de l’histoire, du fait de l’imbrication entre pouvoir et religion, le pouvoir a toujours combattu la déviation religieuse. Les premiers chrétiens en pâtirent, contraints de se cacher dans les catacombes de Rome et comptant des milliers de martyrs dans leur rangs. Cette même culture de violence fut aussi celle de l’Église, à l’égard des hérétiques, des sorciers et autres déviants, etc. avec toujours l’appui des pouvoirs laïques.

Cependant, dans une note reproduite au bas de la p. 5 ci-dessus, l’abbé Drioux évoquait déjà, il y a plus de 160 ans, la réapparition de thèses médiévales rejetant la peine de mort, désormais « au point de vue du sentiment et de la philanthropie. »

Ces thèses se sont fait entendre principalement dans les pays de culture chrétienne, et paradoxalement, alors que la société moderne a inventé la “guerre totale”, cause de milliers de victimes civiles pendant les deux Guerres mondiales, de nombreux pays ont supprimé la peine de mort dans leur législation.

Voici ce qu’en dit Wikipédia, pour le début de 2017

4-2 – La peine de mort dans le Catéchisme de l’Église catholique

C’est dans ce mouvement que, dans le Catéchisme de l’Église catholique qu’il définissait, le Concile de Vatican II (1962-1965) n’a plus admis la peine capitale qu’en cas « d’absolue nécessité ». Et cela n’a pas paru suffisant, puisque ce point du Catéchisme fut retouché en 1998, ne permettant le recours à la peine de mort que « si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains » (§ 2267). Et d’ajouter que ces cas « d’absolue nécessité » sont « désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants ».

Mais le pape François vient d’aller plus loin, car « … la peine de mort est inadmissible parce qu’elle attente à l’inviolabilité et à la dignité de la personne ». De par sa décision du 2 aout 2018, le § 2267 est ainsi modifié : « L’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que “la peine de mort est une mesure inadmissible qui blesse la dignité personnelle” et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde ».

4-3 – La décision du pape confrontée à 2000 ans de foi chrétienne

Le pape a justifié sa position en d’expliquant longuement que la Tradition est « une réalité dynamique, toujours vive, qui progresse et croît parce qu’elle tend à un accomplissement que les hommes ne peuvent fermer ».

Mais ces paroles de l’évêque de Rome Jorge Mario Bergoglio cadrent mal avec ce que le Catéchisme parisien de 1937 disait de la Tradition, « …enseignement de Dieu prêché de vive voix par les Apôtres et conservé sans erreur par l’Eglise jusqu’à nous. »

De plus, ce rejet définitif de la peine de mort par une autorité ecclésiastique contrevient aux enseignements de Dieu rappelés plus haut, comme nous allons le voir de suite.

4-31 – De l’incompétence ecclésiastique

Jésus lui-même a déclaré que c’était du Ciel que Pilate tenait son pouvoir de vie et de mort (§ 2-9 ci-dessus), affirmation reprise par St Paul (§ 2-10), et, dans une autre perspective mais non moins clairement par St Thomas (§ 3-3, sur la fin, CONCLUSION de son ARTICLE III). Or à propos de l’impôt, Jésus avait, non sans humour, affirmé la séparation de ce qui relève de César de ce qui relève de Dieu (Matthieu 22, 21, Marc 12, 17 et Luc 20, 25).

Donc, lorsque les clercs, chargés des affaires de Dieu, se mêlent de celles de César, ils sortent de leur domaine de compétence, parlent pour rien et font du cléricalisme, pourtant dénoncé solennellement par le même pape François !

4-32 – Sur le fond : reniement de 2000 ans d’acceptation de la peine de mort

Quand on voit avec quelle vigueur Jésus condamne celui qui scandalise un enfant à pire que la mort par noyade (§ 2-5), son silence répété dans les occasions où il aurait pu condamner la peine de mort par des déclarations sans ambages (§§ 2-3, 2-6 et surtout 2-9, où il s’agissait de sa propre mort) montre qu’il en admettait la possibilité ; et outre le cas du scandale, il l’a même expressément prévue pour celui qui use (indument) du glaive (§ 2-7).

Les 265 prédécesseurs de notre pape l’avaient compris, St Thomas d’Aquin, Docteur de l’Église l’avait admis, et justifié par des raisonnements empreints de sagesse…

Bizarrement, le pape François semble y voir un passé obscurantiste bon à jeter aux orties.

4-33 – Essai d’explication

En avril 2016, au retour d’un voyage sur l’île de Lesbos où aboutissaient de nombreux Syriens fuyant les combats, le pape François a choqué bien des gens en ramenant avec lui trois familles de réfugiés musulmans, mais aucune chrétienne. Et le 4 février dernier, après d’autres gestes vers les musulmans, il a signé avec l’imam de la célèbre université Al-Azhar, Ahmed al Tayeb, une déclaration commune sur la fraternité. Comme les djihadistes assassins sont sans doute la catégorie la plus nombreuses de criminels passibles de la peine de mort là où elle existe (et notamment dans les pays musulmans, s’il ne s’agit pas de musulmans obéissant au Coran !), on est vite tenté de penser que c’est à leur profit que le pape s’est prononcé. Et de supposer qu’il s’en mordrait les doigts, après les tueries qui, ce vendredi 15 janvier, ont fait plus de 40 morts dans deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande.

Mais ce sont là des supputations qui relèvent de la polémique et ne méritent pas qu’on s’y attarde. Il me paraît plus sérieux d’attribuer les bévues du pape François à de la précipitation.

En effet, dès son élection, il a glissé plusieurs fois, comme en confidence, qu’élu à 77 ans, il ne serait sans doute là que pour 3 ans tout au plus. Dieu en a décidé autrement, mais on peut supposer que le nouvel élu a voulu aller très vite dans ce qu’il jugeait bon de faire dans ses fonctions. Mais n’étant pas un intellectuel comme son prédécesseur Benoit XVI, il n’est pas habitué à étudier en profondeur et longuement les sujets qu’il compte traiter ; et il ne doit pas avoir dans son éthique le principe que le premier respect d’autrui que doit montrer celui qui enseigne est de n’avancer comme vrai que ce qu’il a vérifié avec le plus grand soin.

La peine de mort était sans doute un de ses tourments sentimentaux, d’où sa précipitation, et les défauts objectifs d’une décision prise hors de son domaine de compétence. Mais la sagesse dit que « L’enfer est pavé de bonnes intentions », et citant St Augustin, St Thomas rappelait qu’un but légitime ne justifie pas une action mauvaise (ci-dessus, haut de la p. 6).

Mon explication reçoit quelque vraisemblance d’une bévue minuscule, mais bien diffusée par l’organe officiel du Vatican https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2019-01/pape- francois-1er-janvier-marie-vierge-paix-messe.html

Paraphrasant les paroles du pape lors de la messe solennelle du 1er janvier dernier, cet article rapporte : Marie « est “la Mère de la consolation, qui console”, étymologiquement “être avec celui qui est seul” en latin. » Or je ne connais pas de dictionnaire latin ou français qui cautionne cette étymologie ; le latin ‘consolari’ est rattaché à ‘solari’, qui signifie soulager, apaiser, sans aucune relation avec ‘solus’, « seul », d’origine inconnue (Gaffiot). Autrement dit, le pape ou ses services font flèche de tout bois, sans souci de rigueur…

V. – Conclusion.

5-1 – Que les “princes” fassent leur métier

Dans la logique de la déclaration de Jésus à Pilate, St Thomas a parfaitement réservé le droit de prononcer la peine de mort à ceux qu’il nomme « les princes », c’est-à-dire les détenteurs laïques du pouvoir dans la société, et c’est la conséquence de leur devoir d’y maintenir la paix et de protéger les gens des exactions d’individus qui se mettent hors de la loi.

C’est bien en constatant que les sociétés modernes étaient apaisées, et rares les actes de violence, que les “princes” ont progressivement écarté la peine de mort. Et le Catéchisme de l’Église catholique avait consacré ce constat.

Mais le 11 septembre 2001, trois ans après la « sage » retouche de ce Catéchisme en 1998, le monde entrait dans une période de meurtres de masse gratuits commis au nom du livre sacré de l’Islam ; le constat irénique d’une quasi disparition de ce genre de meurtres d’innocents devenait malheureusement caduc. Et cela n’a fait qu’empirer.

Or la garantie d’un jugement équitable des assassins, avec tous les moyens de défense et de recours, puis leur détention éventuelle pendant de longues peines, coutent très cher à la société. Cela peut être supportable tant qu’il y en a peu ; mais leur multiplication peut aboutir à une impasse. Et les forces de l’ordre, tout comme les gardiens de prison, exposés chaque jour à la mort, auront tendance à abattre le criminel pris sur le fait, pour le prix de quelques balles ; et le peuple approuvera…

Et si la situation vient à se dégrader, l’impuissance des pouvoirs publics pour garantir la sécurité des citoyens risque fort de susciter la création de milices d’auto-défense, soutenues par l’opinion. La justice n’y gagnera pas, ni malheureusement la paix civile.

Il importe donc que les pouvoirs légitimes adaptent les lois à la situation du moment, sans se réfugier derrière un « état de droit », qui n’est jamais que le corps des lois adoptées antérieurement dans un contexte qui pouvait être très différent.

Et si la puissance publique se voit obligée de frapper fort, ce sera infiniment moins dange- reux que ce qui pourrait résulter d’une violence populaire, née de la peur.

5-2 – Que les Chrétiens se conforment à l’Évangile

L’Église, comme elle en a le devoir, pourra toujours observer ce qui se fait et se décide dans la société, en rappelant les principes évangéliques si bien analysés et exposés par St Thomas d’Aquin.

Et comme je m’en fais moi-même un devoir, elle priera et fera prier pour les responsables de tous niveaux, pour les victimes des barbares, et pour ceux-ci eux-mêmes, pour qu’un jour la grâce de Dieu les éclaire, leur fasse comprendre la gravité de leurs crimes, et les ramène dans le droit chemin.

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6 Commentaires

  1. Le pape n’a pas encore supprimé la peine de mort envers les chrétiens, et surtout envers ses prêtres à l’intérieur de leurs églises, aujourd’hui à Montréal un prêtre vient de se faire poignardé au milieu d’une messe, en pleine pénurie de prêtre le pape devrait s’en inquiété.

  2. Le Pape?
    Vous voulez parler de François Dernier le Terminator?
    Syndic de faillite en charge de la mise en liquidation de l’Eglise Catholique.

    Quand à la peine de mort, la grandeur d’âme et la générosité commandent, un peu partout, qu’elle soit abolie.
    Sauf pour les victimes qui continueront à la subir.

    • Bien trouvée, la métaphore du liquidateur (syndic) d’une entreprise en faillite…
      J’ai l’impression aussi que Pépé prépare une fusion-absorption entre filiales de la grande multinationale « Monothéismes ». La filiale en liquidation judiciaire « christianisme » se ferait absorber par la florissante filiale « Islam », qui produit de substantiels bénéfices grâce à la manne pétrolière et des méthodes commerciales musclées…
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Fusion_d%27entreprises
      Merci en tous cas à Jean Lafitte pour son passionnant article. Je faisais encore partie des ignares bloqués sur le « Tu ne tueras point », quoique ce ne soit pas la première fois qu’on nous prouve le contraire par les textes. Les préjugés sont tenaces…

  3. Merci pour cette longue mise au point. Il y a une dizaine d’années peut-être, j’écoutais de temps en temps l’émission israélite du dimanche matin avec Josy Eisenberg. Et souvent, les rabbins invités, très érudits pour la plupart, rappelaient que le commandement « Tu ne tueras point » est une mauvaise traduction.
    D’après ces savants, la bonne traduction est « Tu n’assassineras pas », ce qui change bien des choses.
    Alors que la traduction actuelle est systématique et dogmatique et ne permet aucune défense efficace, la bonne traduction interdit seulement que l’on tue quelqu’un pour en tirer un bénéfice personnel mais n’interdit pas la légitime défense.

  4. La Russie du président Poutine a en principe aboli la peine de mort ce qui ne signifie pas qu’on n’aille pas chercher les djihadistes jusque dans les lieux d’aisance pour utiliser un terme imagé plus doux que celui que ce dernier employa, de la même manière le président du Brésil Jaïr Bolsonaro s’est opposé au rétablissement de la peine de mort mais a au contraire assoupi la législation sur les armes. La Turquie a également aboli la peine de mort mais ça m’étonnerait quelle ne soit pas appliquée de la manière que l’on sait notamment vis-à-vis du PKK et de ceux qui résistent au pouvoir de Monsieur Erdogan, autrement dit de manière expéditive et sans aucune forme de procès avec une économie de menottes de juge et de transport et de procès.
    Mais de toute façon que font nos forces spéciales lorsqu’elles placent une balle en plein front d’un tueur comme Merah si ce n’est appliquer la peine capitale de manière instantanée ?

    La Grèce ancienne pratiquait aussi l’exil mais il faut bien reconnaître que dans certains cas il y a des exils définitifs, Nicolas Dupont-Aignan parle des îles Kerguelen ce qui est plutôt aussi une bonne idée.

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