FIGAROVOX/ENTRETIEN – Que la France considère ou non l’antisionisme comme de l’antisémitisme, l’avocat Gilles-William Goldnadel juge que le débat théorique est secondaire par rapport à la complaisance de la justice face à l’hostilité qu’une certaine gauche entretient à l’égard des juifs.
FIGAROVOX.- Mercredi soir, Emmanuel Macron a annoncé que la France adopterait une définition plus large de l’antisémitisme. Les convives du Crif ont applaudi. Vous aussi?
Gilles-William GOLDNADEL.-
Cela fait au moins dix ans que je ne vais plus aux dîners du Crif. Mais dès l’instant où le chef de l’État nous assure que cette inclusion de l’antisionisme dans la définition française de l’antisémitisme ne sera pas contraignante, et que l’antisionisme n’entre pas dans l’arsenal judiciaire, rien de bien fondamental.
Peut-être que certains députés tenteront de légiférer plus tard là-dessus, mais je n’y crois guère.
Sur le plan théorique, il est évident que l’antisémitisme et l’antisionisme ne sont pas exactement superposables.
Aux États-Unis, il existait avant la création de l’état toute une école de pensée juive qui s’opposait à l’État d’Israël.
C’étaient souvent des juifs orthodoxes, ce sont encore des gens qui abominent le sionisme et qui se rangent systématiquement du côté de la Palestine la plus radicale.
Mais enfin, faut-il être toujours théorique?
Et faut-il accorder une telle importance aux catégories?
Je ne suis pas un juif du virtuel mais un juif du réel, et force est de reconnaître que l’antisionisme sert le plus souvent de cheval de Troie à l’antisémitisme le plus immonde.
D’ailleurs, lorsque les mollahs iraniens inscrivent consciencieusement «Mort aux juifs!» sur les missiles qu’ils veulent envoyer sur Israël, qu’ils soient antisémites ou seulement antisionistes m’importe peu, ce sont juste de parfaits salauds.
Et ceux qui se taisent en Europe également.
J’ai maintes fois répété dans vos colonnes que le mal qui ronge les médias est avant tout un mal névrotique.
À trop disserter sur la théorie, on perd de vue parfois le plus grave, et l’on en vient à faire grand cas médiatique de tags honteux mais dans le même temps l’État, par soumission ancienne et inconsciente à l’islamo-gauchisme, n’utilise pas l’arsenal légal déjà à sa disposition pour traquer l’antisémitisme intellectuel qui se diffuse inconsciemment au sein d’une certaine gauche.
Il y a une hypocrisie dans la condamnation de l’antisémitisme?
De toute évidence, oui. Sinon, comment expliquer que le Parquet de Paris n’ait encore jamais poursuivi d’office l’appel au boycott d’Israël, pourtant illégal, lancé par le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS)?
Qu’on m’entende: je ne mets pas en cause la sincérité d’Emmanuel Macron et je me garde de lui faire un procès d’intention, mais je lui reproche à tout le moins sa naïveté.
Le chef de l’État a certes condamné l’antisémitisme du BDS, mais «en même temps», l’un de ses proches, Richard Ferrand, donnait une partie de sa réserve parlementaire à l’Association France Palestine qui n’est pas moins antisémite non plus et qui soutient le BDS et souhaite que le Hamas ne soit plus considéré comme terroriste.
Le tout dans le plus grand mutisme médiatique! Madame Belloubet, lorsqu’elle apprend que l’une des deux ONG récompensées par le Prix des droits de l’homme 2018 est dirigée par un terroriste, n’est certes pas allée remettre ce prix elle-même, mais pourquoi la Garde des Sceaux n’a-t-elle pas tout simplement exigé l’annulation du prix?
Je n’aurai pas assez de la journée pour continuer la liste.
Les tribunaux, intraitables avec l’antisémitisme de l’extrême droite, sont trop souvent accommodants avec l’antisémitisme de l’extrême-gauche pro-palestinienne.
Quand Edgar Morin et Sami Nair disent que les juifs sont un peuple qui prend plaisir à humilier, la Cour de cassation n’y trouve rien à condamner: c’est de la liberté d’expression!
Vous reprochez à la justice française son laxisme face à l’antisémitisme de la gauche?
Mais s’il ne s’agissait que de la France! En réalité, la responsabilité de la gauche mondiale est engagée en matière d’antisémitisme.
Abandonné par sept députés de son groupe, Jeremy Corbyn, le leader du parti travailliste au Royaume-Uni, a lui-même reconnu en soupirant qu’il y a au sein du Labour un antisémitisme latent en s’oubliant modestement.
Et je me permets aussi d’attirer l’attention sur le très mauvais coton que semblent filer les démocrates aux États-Unis.
Sur Twitter, les propos complotistes et révoltants d’une élue démocrate au Congrès, Ilhan Omar, soutenue par le raciste noir Farrakhan, ont provoqué récemment un tollé.
En réalité, aveuglée par son antiracisme dévoyé, la gauche peine partout dans le monde à reconnaître la puissance de sa complaisance pour l’antisémitisme new age.
Je suis encore plus sévère à l’égard de cet islamo-gauchisme pathologiquement anti-occidental que de l’islam, car en France les premières générations d’immigrés maghrébins n’étaient pas foncièrement antisémites et aussi radicalement antisionistes.
Le phénomène massif est plus récent, et les musulmans de France en sont eux-mêmes les victimes indirectes.
Note d’Antiislam
Je ne partage pas entièrement la dernière explication de Goldnadel.
Les premières générations d’immigrés musulmans, celles des années 60-70 étaient encore indemnes du « revival » de l’islam.
Combinée à l’échec monstrueux des pays musulmans décolonisés, échec qui a été acquis dans les années 70, la révolution islamique d’Iran de 79 a joué un rôle dans cette haine revancharde contre l’Occident.
Dont l’antisémitisme actuel n’est qu’un des aspects.
Les Gauchistes ont eu leur rôle, certes diabolique, mais les musulmans ne sont pas que des « victimes indirectes » (sic).
Ce sont des hommes et des femmes, donc des êtres à priori responsables.
Il est trop facile de les excuser systématiquement …
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Je suis d’accord avec votre note finale Antiislam, car je vois aux États-Unis de plus en plus d’antisémitisme exprimé en toute liberté depuis l’élection de deux musulmanes à la Chambre des Représentants, sous le prétexte de la liberté d’expression, sans que le parti démocrate dont elles sont membres, ne fasse beaucoup d’efforts pour leur clouer le bec.